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Les débuts du français dans la diplomatie
Dossier: Diplomatie

Ferdinand Brunot
Extrait
J'irai plus loin. Je crois que si le français a fini par être adopté, c'est peut-être parce que les hommes d'État français n'ont jamais prétendu l'imposer, ni même le proposer, tandis que les Impériaux, au lieu de demander l'emploi de leur latin comme une tradition, prétendaient lui faire reconnaître des droits supérieurs, attachés aux prérogatives de la majesté impériale. En se défendant de reconnaître ces droits, les Français apparaissaient comme les soutiens de l'indépendance générale. Et comme ils se gardaient, soit sagesse, soit plutôt indifférence, de prétendre faire accepter leur propre idiome, ils n'éveillèrent aucune susceptibilité, ils n'eurent qu'à laisser agir les facteurs puissants qui travaillaient pour eux. La révolution se fit d'elle-même.

Texte
De l'avis commun de tous ceux qui ont traité du droit international, Pradier-Fodéré, Rivier, etc., il n'y a pas de langue diplomatique, j'entends par là qu'il n'y a aucune langue, ni morte, ni vivante, dont les conventions et les usages diplomatiques imposent universellement l'emploi, sans une entente préalable. Le principe de l'égalité des Etats s'y oppose, car il a pour conséquence que chacun des États garde le droit de négocier et de traiter en sa langue. Toutefois ce droit n'exclut en fait ni les usages contraires, ni les conventions par lesquelles, dans une circonstance donnée, on s'accorde à choisir, soit la langue d'une des parties, soit une langue tierce. C'est ainsi que le latin a été usité pendant tout le Moyen Age et au XVIe siècle; le français lui a succédé. Depuis deux siècles, il a eu le noble privilège de fournir dans la plupart des occasions les formules par lesquelles se rétablissait pour quelque temps la paix du monde. Je voudrais rechercher quand, comment, et pourquoi il a obtenu cet avantage.

***


Certains hommes d'État du XVIe siècle ont rendu au français, consciemment ou non, un inappréciable service : ils en ont fait la langue nationale; aucun document à ma connaissance n'autorise à croire qu'un seul d'entre eux ait compris l'intérêt qu'il y aurait eu à en faire aussi la langue internationale.

Au reste eussent-ils appliqué à cet objet toute leur volonté et toute leur habileté qu'ils n'eussent sans doute pas réussi. Jusqu'à la mort de Charles-Quint, l'Empire enveloppe la France de toutes parts, et c'est surtout avec lui qu'elle lutte et qu'elle traite. Or l'Empire affecte non seulement le nom, mais la langue de Rome. Il veut lui garder ses privilèges. D'autre part, ce n'était pas en pleine Renaissance qu'il y avait chance de déposséder le latin d'une prééminence séculaire. Ni la situation politique, ni l'état des idées n'était favorable à un pareil changement.

Au XVIIe siècle, au contraire, les circonstances sont complètement modifiées. Pour ne retenir que les faits qui sont de mon domaine, la Renaissance, qui avait refait des latinistes, avait tué les latiniseurs. Par elle, le latin, restauré dans sa pureté antique, dépouillé des barbarismes qui le rendaient capable d'exprimer les idées du temps, scientifiques, politiques ou communes, ne pouvait plus vivre la vie des nations modernes. On l'étudiait mieux, mais justement parce qu'on l'étudiait plus comme une langue morte, et en vue de la beauté littéraire; dès lors, il devenait de plus en plus difficile de l'utiliser comme une langue vivante, et de l'appliquer à la vie pratique, publique ou privée. Il en résultait pour ceux qui y étaient forcés, sinon un empêchement absolu, du moins une certaine gêne.

La prononciation différente qu'on lui donnait dans les différents pays ajoutait aussi à l'embarras. On ne se comprenait plus en parlant, on ne se comprenait plus du moins du premier coup, chose particulièrement fâcheuse dans des tractations où il faut souvent comprendre à demi-mot. Il courait là-dessus toute sorte d'anecdotes, dès le XVIe siècle. Même en pays latin, un étranger n'était plus assuré de se faire entendre. Scaliger lui-même, disait-on, - et celui-là ne pouvait pas être accusé de ne pas avoir l'oreille latine - avait pris pour de l'irlandais le compliment latin d'un écolier irlandais (1).

Dans le monde politique, les mésaventures étaient pires encore. Plusieurs sont restées célèbres. Un jour c'était l'empereur Maximilien qu'on haranguait en latin, et tous les assistants croyaient bonnement que chacun des orateurs avait parlé en sa langue (2). Plus tard, à Paris, c'était Charles IX qui recevait les compliments en latin des envoyés de Pologne, et qui demandait en vain autour de lui qu'on les lui traduisit. Chacun s'excusait « sur ce qu'il n'entendait pas le polonais ».

Fondées sur des légendes ou sur des réalités, ces historiettes, qui se colportaient, ont leur signification et traduisent une observation d'une rigoureuse exactitude : la vieille cité latine internationale était devenue une Babel. L'héritier du nom des Césars n'eût fait comprendre à personne un des trois mots traditionnels veni, vidi, vici. Au lieu de wiki, les Allemands disaient à peu près figi, les Italiens vitchi, les Espagnols biki, les Français visi, les Anglais vaikai. Il eût fallu pour remédier à cet état de choses revenir à une prononciation commune. Faute de ce retour, peut-être impossible, le monde allait recourir à un nouvel interprète. Aussi, malgré les manuels, qui pendant un siècle encore répèteront comme un axiome aux apprentis diplomates que tout ministre doit avant tout posséder son latin, il est incontestable qu'un certain nombre d'hommes, de ceux du moins parmi lesquels les princes choisissent volontiers leurs représentants, s'habituaient peu à peu à compter sur les secrétaires et s'épargnaient la peine d'acquérir un idiome qui avait beaucoup perdu de son utilité pratique.


Grâce au zèle de plusieurs fonctionnaires diligents, parmi lesquels les frères de Sainte-Marthe, nous savons par des mémoires et des formulaires manuscrits conservés, soit aux Archives du Ministère des Affaires Étrangères, soit à la Bibliothèque nationale, quel était l'usage observé, vers la fin du ministère de Richelieu, dans les réceptions, les audiences et la correspondance diplomatique. Un certain nombre de puissances se servaient avec nous du français. Mais, sauf l'Angleterre et la Hollande, aucune de celles-là ne comptait parmi les grandes puissances. Nous écrivions nous-mêmes en latin à l'Empire, aux États du Nord, à d'autres aussi. C'est à ce moment que s'ouvrirent les négociations du traité de Westphalie.

De nos négociateurs l'un au moins n'était pas embarrassé pour discuter en latin, c'était le comte d'Avaux. Il y a quelque exagération dans le compliment qu'on lui faisait de parler toutes les langues avec toutes les nations, mais il est certain qu'il savait bien l'allemand, et qu'il était latiniste. Il l'était même au point que dans les chicanes qu'il eut avec son collègue, Servien, celui-ci put lui reprocher de sacrifier à son purisme des occasions favorables et de renoncer à des avantages sérieux pour ne pas gâter une période bien carrée et cicéronienne. Dans ces conditions, peu importait si Servien se trouvait, lui, « obligé d'éviter les dîners où il y avait trop de latin et de poisson pour son estomac ».

Il était du reste nécessaire que nos plénipotentiaires fussent bien préparés sous ce rapport, car si la langue française joua son rôle au Congrès, ce rôle fut extrêmement modeste, et comme en dehors. Elle parut surtout dans les visites et dans les réceptions, où la courtoisie a une grande place, peut et doit même parfois se donner librement carrière, à condition de ne rien engager ni compromettre. Dans cet esprit, on vit certains des envoyés impériaux ne point faire difficulté de parler français à nos ambassadeurs. Le samedi 21 octobre 1645, quand le duc de Longueville eut rejoint l'ambassade, les Impériaux lui firent visite; le duc comprenait le latin, mais ne le parlait pas. Le principal envoyé impérial, comte de Nassau, commença par parler d'abord en français, avant de continuer en latin. Le 24, le duc de Longueville fit la « revisite » et tint un charmant discours en français, le comte de Nassau lui répondit en français aussi, tandis que l'autre envoyé impérial, Volmar, se servit du latin (3).

Il est encore plus significatif de voir parfois des étrangers, les plénipotentiaires de l'Empire et celui de l'Espagne, Zappada, s'entretenir dans notre langue (4). Mais il faut se garder d'attribuer à ces faits une signification exagérée. Le 6 novembre 1643, le même ambassadeur espagnol avait une réception : le comte de Nassau, envoyé impérial, lui parla encore français, mais le Dr Volmar parla italien et Saavedra espagnol, tant que durèrent les compliments (5). De leur côté et bien plus tard, nos ambassadeurs, eux aussi, se conformeront au goût des cours auprès desquelles ils sont accrédités (6). Si on y regarde de près, l'envoyé impérial qui parle et auquel on parle français, c'est toujours le comte de Nassau (7). Or nous savons par les Sainte-Marthe que l'usage de la Cour de Nassau était de correspondre avec la France en français. Il y a peut-être là, dès lors, un fait spécial. L'autre plénipotentiaire, le Dr Volmar, soit incapacité, soit volonté arrêtée, n'use jamais d'une autre langue vulgaire que de l'italien, presque officiel à la cour d'Autriche.

D'autre part, on nous a rapporté que, même à table, les négociateurs des diverses nations conversaient en latin. I1 n'en est pas moins très important que le français ait commencé à être usité, fût-ce par occasions et comme langue mondaine, dans une réunion internationale. C'est par cette voie qu'il s'introduira plus tard dans les débats officiels et enfin dans les traités.

Dans les négociations même, le français ne prit qu'une place fort médiocre et qu'il dut disputer. Pour les pleins pouvoirs, pour les communications verbales aussi, il était admis que les envoyés de certaines puissances se servaient de l'idiome de leur pays. Ainsi Espagnols et Français rédigeaient leurs pouvoirs en leur langue, et si on leur demanda un moment de réduire à une forme unique, en latin, ceux qu'ils apportaient ils purent s'y refuser, sans que cela fit grande difficulté (8). De même, quoique les médiateurs eussent proposé le latin comme langue commune, les Français qui n'y avaient pas voulu consentir, purent, à la première séance officielle du Congrès (24 nov. 1644), parler français, sans qu'on y mît obstacle (9). Les Impériaux s'exprimaient de leur côté non seulement en latin, mais aussi en italien (10), comme les médiateurs vénitiens et le nonce.

Au contraire, un conflit très intéressant eut lieu entre la France et l'Empire relativement à des pièces produites au cours des débats. Pour bien en comprendre le caractère et la portée, il faut se souvenir que les Diètes d'Empire avaient pour règle inviolable de ne communiquer avec les puissances étrangères qu'en latin. Le 6 avril 1644, les ambassadeurs de France expédièrent une lettre latine, en l'adressant : « A Messieurs les Électeurs, princes et États du Saint-Empire assemblez à Francfort. » Des protestations s'élevèrent, non seulement parce que les titres habituels ne se trouvaient pas exactement reproduits dans la suscription française (11), mais parce que cette suscription était en français. On ne s'expliquait une pareille dérogation aux usages établis que par le « caractère capricieux des Français, toujours à la recherche de nouveautés en tous genres, dans leurs correspondances comme dans leurs modes » (12).

Wicquefort a raconté les différends qui survinrent entre Allemands et Français à propos d'une autre lettre : « M. de la Court, dit-il, qui avoit aussi le titre d'ambassadeur à Münster, mais non celui de plénipotentiaire, ayant un jour présenté un Mémoire en François aux députés des Etats de l'Empire, ils en furent fort scandalisés et en murmurèrent fort, ils résolurent qu'on feroit dire aux Ministres de France que c'étoit une ancienne et inviolable coutume des dietes de l'Empire que l'on n'écoutoit point les Propositions ny de bouche ny par écrit, si elles n'étoieut faites en la langue du pays ou bien en latin, parce que si l'on souffroit qu'on y introduisit aussi la françoise, les Espagnols, les Italiens, et ensuite les Hongrois et les Suedois voudroient aussi s'y faire entendre en leur langue. »

Les Français étaient en effet dans leur tort. Mais les prétentions des Impériaux allaient plus loin. Le 16 octobre, ils s'adressèrent aux médiateurs Vénitiens. Ils demandaient qu'à l'avenir, les Français fussent invités à produire leurs « déclarations » en latin, en se conformant à l'usage suivi à la Diète d'Empire à Ratisbonne. On éviterait ainsi une traduction et des différences d'interprétations. Les médiateurs déclarèrent qu'ils rédigeraient aussitôt, et en latin, un « Articul », qui, avec l'agrément des deux parties, serait considéré comme affaire réglée et demeurerait auprès d'eux en dépôt. Pour l'avenir, au cas où il se présenterait quelque chose sur quoi les Français auraient à donner quelque éclaircissement écrit, les médiateurs négocieraient avec eux, afin que, s'ils voulaient le produire en leur langue naturelle, ils consentissent du moins à y ajouter une traduction élaborée par eux-mêmes. C'était demander que les écritures des Français fussent toutes soumises en latin, ou du moins accompagnées d'une expédition latine, à l'Assemblée internationale de Münster, comme à une Diète d'Empire. Nous verrons la France refuser plusieurs fois cette confusion. Elle n'y consentit pas (13).

Tout le débat sur les langues entre France et Empire est là en germe, avec le caractère qu'il garda jusqu'à la fin. Dans le traité, il ne fut même pas un instant question d'employer le français. Ce qu'il s'agissait uniquement de savoir à cette époque, c'est si l'emploi exclusif du latin pouvait être imposé pour les communications destinées par la France à un Congrès international, comme il était imposé pour les pièces qui s'adressaient à une Diète d’Empire. La France n'admettait pas cette assimilation, l'Empire prétendait la faire. Il considérait qu'il y allait de son prestige : « auctoritas Imperii ». Le mot fut prononcé, le 21 janvier 1648 (14).

Ce qui achève de caractériser dès ce moment la politique française, c'est un échange de vues qui eut lieu entre la France et l'Espagne, et qui montre la chancellerie française se bornant à défendre ses droits, sans aucune pensée d'empiètement. L'envoyé d'Espagne, le comte de Pegnaranda, ayant insisté pour qu'on fît une double rédaction du traité, en français et en espagnol, « le duc de Longueville dit qu'en cela ni en des choses semblables la France ne prétendoit pas d'avantage sur l'Espagne, mais aussi qu'il ne souffriroit pas qu'on introduisît de nouveautés, ny qu'il se fit rien contre ce qui avoit été pratiqué dans les traités précédents qui étoient tous en françois ». Nous savons qu'il en référa immédiatement à Paris (15). Et Mazarin répondit par une dépêche qui contient toute une doctrine, et équivaut à une déclaration de principes : « Il demeure en la liberté des contractans de le rédiger en deux langues, et il est asseuré que cela a pour l'ordinaire esté obserué, sy ce n'est que l'on l'eust redigé en une tierce, ce qui se pratiquoit anciennement, lors on prend soin qu'il soit fidellement expliqué et qu'il n'y ayt point de terme equiuoque, et chacun pour euiter la surprise stipulle que l'intelligence s'en prendra sur la coppie qu'il remet. Autrefois, les Anglois qui pour l'ordinaire traittoient en françois, et qui y ont souvent escrit, adjoustoient ce petit mot que les parolles vallent ce qu'elles sonnent à l'interpretation ordinaire et commune » (16). On ne peut rien imaginer de plus net, et je ne crois pas qu'il soit possible après cela de prétendre que le gouvernement français eût à ce sujet des ambitions secrètes. Sinon, c'était le cas de s'en ouvrir à ses agents et de les soutenir. Au contraire, leur chef va plus loin qu'eux dans les concessions de forme, « sy une fois ils sont convenus des conditions du traicté ». On ne s'aventurerait guère, je crois, en affirmant que Mazarin ne s'intéressait nullement à cette question. Il le montra à d'autres occasions (17).

***


D'après la légende, ce serait à Nimègue que les choses auraient changé et que notre langue, bénéficiant du prestige de la monarchie de Louis XIV, aurait définitivement obtenu ses prérogatives de langue diplomatique. Je ne sais à quelle date exacte remonte cette légende, mais elle était déjà courante au XVIIIe siècle, et elle vient à peu près sûrement d'un texte mal interprété de Limojon de Saint Disdier, que je dois rapporter ici intégralement.

L'on s'apperceut à Nimegue, dit-il, du progrés que la Langue Françoise avoit fait dans les Païs étrangers; car il n'y avoit point de maison d'Ambassadeurs, où elle ne fust presque aussi commune que leur Langue naturelle. Bien davantage, elle devint si necessaire, que les Ambassadeurs, Anglois, Allemans, Danois, et ceux des autres Nations, tenoient toutes leurs Conferences en François. Les deux Ambassadeurs de Dannemarck convinrent mesme de faire leurs depesches communes en cette Langue, parce que le comte Antoine d'Oldembourg parloit bon Allemand et n'entendoit point le Danois, comme son Collegue. De sorte que, pendant tout le cours des Negotiations de la Paix, il ne parut presque que des Ecritures Françoises, les Etrangers aimant mieux s'expliquer en François dans leurs Memoires publics que d'écrire dans une langue moins usitée que la Françoise (18).

Notons d'abord que ce texte, même si l'on accepte pour vrai tout ce qu'il rapporte, ne dit en aucune façon que la langue française fut la langue officielle du Congrès et celle du traité.

Il est exact qu'il y a eu lors des négociations de Nimègue, une discussion préliminaire sur la langue qui devait être employée, mais il ne s'agissait pas de choisir une langue dans laquelle se poursuivraient toutes les négociations et discussions; la contestation, plus modeste, ne portait que sur la langue dans laquelle devaient être rédigés les pouvoirs. L'ambassadeur de Danemark affichait la prétention de donner les siens en danois, si les Français donnaient les leurs en français. Une intervention du médiateur anglais arrangea ce minuscule incident, dont il ne vaudrait pas la peine de parler, s'il n'avait donné à Louis XIV l'occasion de proclamer que rien n'était modifié à ce sujet dans la manière de voir et de faire de la Chancellerie française. Le Roi le dit en propres termes dans une dépêche à son ambassadeur : « Vous auéz tres bien faict de tenir ferme pour ne rien changer a l'usage estably... l'usage et la coustume sont l'unique regle et la decision de ces sortes de difficultéz » (19).

Je voudrais cependant, avant de mettre de côté ce petit fait, en tirer une conclusion nécessaire. Cette contestation n'était rien en elle-même; et n'avait aucune importance. Or tout le monde en a parlé, le chevalier Temple (20), Limojon de Saint-Disdier (21), d'Estrades (22), etc. C'est là un avertissement. Comment ces mêmes témoins n'eussent-ils pas dit un mot de la substitution du français au latin, comme langue des négociations, si cette substitution s'était produite ? Comment n'en trouverait-on pas trace dans les dépêches? Elle eût donné lieu à d'autres discussions et fait une bien autre affaire !

Au reste, on peut consulter sur la suite des négociations les documents eux-mêmes, on n'y trouve aucune confirmation de la légende. Quand les « Mémoires de Nimègue » disent qu'il ne parut presque que des écritures françaises, il faut bien prendre garde. S'il s'agit des brochures et pamphlets publiés, par lesquels on faisait appel à l'opinion, oui, ces documents-là sont en français le plus souvent, je montrerai plus loin pourquoi. S'il s'agit au contraire des pièces officielles produites au cours des négociations, il ne faut pas prendre à la lettre le témoignage, loin de là (23). Une masse de pièces sont en latin.

On parlait aussi latin dans les conférences. Limojon de Saint-Disdier nous conte lui-même que le 30 janvier 1679, M. Stratman fit un long et très beau discours en latin sur les prétentions et sur les intérêts du duc de Lorraine (24).

Mais il y a mieux. En ce qui concerne les entrevues officielles, nous avons un document positif, un procès-verbal, qu'on invoqua plus tard comme une sorte de règlement d'ordre. Il relate que le français fut écarté sur la demande des Impériaux. J'avoue que l'original ne se trouve pas dans les Archives du Ministère des Affaires Étrangères, mais il y a été (25). Il a été invoqué à Ryswick; il a paru dans les « Mémoires et négociations de la paix de Ryswick ». Moser l'a produit au XVIIIe siècle, sans soulever aucune protestation. L'authenticité ne peut pas en être contestée. Il nous fait connaître un fait de la première importance : « le Médiateur anglais s'étant exprimé en français, s'excusa quand il vit qu'on lui répondait en latin. Et après que l'évêque de Gurck (26) eut parlé (en latin), le maréchal d'Estrades, s'excusant sur le peu de pratique qu'il avait de cette langue, demanda à Croissy de le remplacer. Celui-ci convint que d'après le style adopté entre la Sacrée Majesté Impériale et son Roi, on ne devait pas en affaires se servir d'une autre langue que de la latine, mais comme il alléguait que la pratique et l'exercice lui manquaient pour la parler couramment, quoique du reste il la sût, les plénipotentiaires impériaux s'opposèrent à ce qu'un membre quelconque de ce congrès exposât ses vues dans la langue qu'il voudrait. » Tel est le texte, abrégé, mais exactement traduit (27). Il ne laisse aucun doute. En fait, les Français savaient, ou affectaient de savoir mal le latin. Les Anglais eux-mêmes, comme les Hollandais, parlaient plus volontiers français. En droit, la France comme l'Empire reconnaissait les privilèges du latin et en laissait dresser procès-verbal.

Il faut enfin en venir aux instruments eux-mêmes. Ils se composent de trois actes, le premier du 10 août 1678, entre la France et la Hollande; le second, du 17 septembre 1678, entre la France et l'Espagne; le troisième du 5 février 1679, entre la France et l'Empire.

Le premier traité (France-Hollande) est en français, le second (France-Espagne), en français et en espagnol, le dernier (France-Empire), en latin seulement.

J'ai consulté les originaux aux Archives du Ministère des Affaires Étrangères. Puis, après avoir fait réflexion que la France pouvait posséder un exemplaire authentique latin, pendant qu'on aurait remis l'exemplaire français, également authentique, à l'Empire, je me suis reporté aux procès-verbaux des séances où les signatures furent échangées, ils sont aussi précis que possible. Le 5 février 1679, on procéda à la signature des traités. Limojon de Saint Disdier donne les détails suivants : « M. Stratman portoit le Traité de l'Empire, et M. Colbert celuy de France... Les deux Traitez estoient écrits en Latin et pour les collationner, M. Stratman en commença la lecture » ; Croissy le relaya ensuite; et on signa, en se passant les textes (28).

Ainsi se trouve ruinée la légende. Le traité de Nimègue n'a pas fait date, comme on le dit. C'était de l'Empire seul qu'il eût été important d'obtenir une dérogation à sa tradition et à ses principes. Elle ne semble même pas avoir été demandée. L'instrument de la paix signée avec lui est en latin, exclusivement (29).

***


C'est quelques années après le traité de Nimègue que la question de la langue diplomatique fut débattue à fond entre la France et l'Empire. Une diète avait été réunie à Francfort avec les ambassadeurs de l'Empereur et ceux du Roi, pour discuter diverses affaires graves : annexion de Strasbourg, etc. Les Français communiquèrent leur mémoire en français, comme partout. Le 9 avril 1682, dit Le Dran (30), les ambassadeurs de l'Empire, consultés par les Ministres de l'Empire sur la réponse à faire, répondirent « qu'ils etoient d'avis qu'on donnast aux ambassadeurs de France cette reponse en latin, suivant que l'Empire avoit accoutumé de traitter avec les etrangers, et qu'on les avertit de ne se point servir dans leurs écrits de la langue françoise, non plus que les deputés de l'Empire ne se servoient point de l'Allemande, mais que suivant le stile, on employast partout la langue latine » (31).

Huit jours après, quand les ambassadeurs de France fournirent leur réplique à cette réponse, les députés de l'Empire demandèrent qu'elle leur fût délivrée en latin... « L'ambassade de France se fondoit sur ce qui avoit été pratiqué à cet egard dans les congrès de Munster et de Nimegue, où les ambassadeurs du Roy avoient toujours formé leurs écrits en françois, et comme ils persistoient dans le refus de s'assujettir à ne se servir que de la langue latine, les deputés de l'Empire resolurent d'en donner avis à la Diete de Ratisbonne et de luy demander des instructions. »

La question était de savoir si l'Empire pouvait accepter qu'en tête de la traduction donnée en latin par les Français figurât le mot translatum (traduction), comme le fait voir la traduction du Conclusum (Résolution) de l'Assemblée de l'Empire à Francfort (8 mai). Les Français consentaient à ce qu'on fît un faux officiel, « par considération particulière pour les États de l'Empire », et qu'on marquât sur le texte latin « In forma authentica », mais ils maintenaient ferme le fait que l'original français avait été reçu, enregistré et communiqué, et que c'était une affaire consommée (32).

Le, 14 mai, la Diète prit acte du consentement des Français à la disparition du mot « translatum », tout en demandant des garanties pour l'avenir (33). Les Impériaux craignaient visiblement que cette difficulté peu considérable ne fît obstacle au règlement des graves affaires qu'on avait à terminer. C'était un prétexte, pensait-on; les Français devaient avoir des ordres pour passer outre, mais ils ne voulaient pas (34). D'autre part, les Français étaient avertis que si l'affaire était déférée à l'assemblée purement impériale de Ratisbonne, on leur donnerait sûrement tort. Verjus les avait renseignés à cet égard (35).

Toutefois, Louis XIV n'entendait pas confondre, comme ses adversaires, deux assemblées aussi différentes que celles de Francfort et de Ratisbonne. Il le faisait savoir sans retard à Verjus (36). La réponse de celui-ci était cette fois telle qu'elle ne pouvait qu'encourager le roi à résister, elle allait jusqu'à lui laisser espérer que même à Ratisbonne, on pourrait peut-être risquer de présenter des mémoires en français (37).

Le Roi ne paraît pas avoir tenu compte de cette dernière suggestion. Le conflit était assez aigu. Il fut porté devant le Directoire de Mayence, médiateur. Les Impériaux avaient exposé leur point de vue le 10 juin 1682. Les Français remirent le 20 leur mémoire. Il est capital, car il expose avec une netteté absolue, non seulement la manière de voir de la France dans ce cas particulier, mais sa doctrine en matière d'idiome. Le voici intégralement :

Il n'y a point de prince dans l'Europe qui ayt droit d'imposer aux autres la necessité de se servir d'une certaine langue dans les conférences et assemblées qui se font entre souverains, comme celle de Francfort, ny en aucune autre occasion, chacun est libre de se servir de sa langue naturelle pour ses ecrits particuliers, et il est si vray que les treize cantons suisses ecrivent toujours en leur langue au Roy, et que Sa Majesté reçoit leurs lettres sans dificulté et y fait reponse.

Pour les traittez et autres actes communs, ou toutes les parties doivent signer, il est raisonnable entr’egaux de convenir pour cela d'une langue commune, ou de faire plusieurs originaux (comme il se pratique entre la France et l'Espagne, il s'en fait un en François et l'autre en espagnol). L'Empereur et l'Empire se servent de deux langues; de l'allemand entre eux pour toutes leurs affaires, et de la latine avec tous les etrangers, ils appellent cette langue le stile de l'Empire, et pretendant qu'ils sont aux droits de l'Empire romain, ils voudroient obliger tous les autres princes et estats de ne se servir avec eux que de cette langue, ils nomment aussi leur Empire Germanique, le Saint Empire romain, et leur Empereur Auguste et Majesté Cezarée; mais comme ils n'en ont pas la puissance ny la grandeur avecq ces beaus noms, on peut se dispenser d'avoir trop peu d'egard pour cette pretension.

Le Roy est en possession d'écrire en François a l'Empereur et a l'Empire, a tous les princes d'Allemagne et aux Roys du Nord et de Pologne, et d'en recevoir reponse en latin. Les ambassadeurs de Sa Majesté sont aussi en possession de ne donner qu'en françois leurs ecrits particuliers, et les ambassadeurs de l'Empereur les ont toujours receus clans l'assemblée de Nimégue et méme dans celle-cy, et y ont touiours fait réponse en latin jusques a présent.

Ils n'ont assurement aucune bonne raison pour obliger aujourd'huy l'ambassade de France de changer de stile a Francfort et d'y donner a l'avenir ses ecrits particuliers pour l'Empire en latin, ils n'osent pas alleguer contre nous (comme ils font souvent contre les Italiens) leur pretendu droit de l'Empire romain, et ils alleguent seulement que c'est le stile de l'Empire, et l'usage de leurs dietes. Mais si c'est le stile de l'Empire de faire cette sorte d'écrits en latin, l'usage de la France est de les faire en françois.

Et pour ce qui est de l'usage de leurs dietes, comme elles se font uniquement pour les affaires du dedans de l'Empire, qu'elles ne regardent en aucune façon les etrangers, et qu'on n'y a jamais veu de ministres de France du premier ordre (38), ni d'aucun autre royaume, quelque puisse estre ce pretendu usage, il ne peut jamais estre tiré a consequence pour les assemblées de la nature de celle de Francfort.

Les impériaux pourroient dire avec raison que si nous faisons nos ecrits particuliers en françois, ils feront les leurs en allemand, qui est leur langue naturelle; mais ils ne veullent pas prendre ce parti, parce qu'ils se font un honneur de se servir de la langue latine avec les Etrangers...

Il ne nous convient gueres de traitter par ecrit dans cette conference, et nous devons estre bien aises d'avoir un si juste sujet de nous en dispenser, et de ne traitter desormais que de vive voix (39)...


La conclusion, moins intéressante que la discussion, est cependant très importante aussi... Il fut résolu définitivement... « qu'à l'egard de la langue, les ambassadeurs de France joindroient a leurs memoires redigés en langue françoise une traduction latine », ceux de l'Empire « delivrant les leurs en allemand, aussy avec une traduction latine » (40).

Il est incontestable que la chancellerie de France avait agréé par intérêt politique, un changement à l'usage, assez surprenant au premier abord. Elle acceptait de joindre une traduction latine à ses originaux français. Mais en revanche elle demandait et obtenait de ses adversaires une nouveauté. La Diète de l'Empire devait se servir elle aussi de sa langue propre, l'allemand, en joignant comme la France une traduction latine. D'après cet accord, le latin était bien imposé en qualité de langue auxiliaire et tierce à la France; en revanche, il n'était plus, du côté de l'Empire aussi, qu'une langue auxiliaire et tierce. La convention ne peut donc étonner que ceux qui croient à la légende de Nimègue. Elle est strictement conforme aux principes exposés dans le Mémoire du 20 juin : Chacun est libre de se servir de sa langue naturelle pour ses écrits particuliers... Pour les traités et autres actes communs où toutes les parties doivent signer, il est raisonnable entre égaux de convenir d'une langue commune ou de faire plusieurs originaux.

A Ryswick, il ne se produisit rien qui mérite d'être signalé. Dès l'ouverture des négociations, il fut décidé qu'on se conformerait au précédent de Nimègue et au protocole que j'ai cité. La France fit le traité avec les Provinces-Unies comme d'usage, en français, et le traité avec l'Empire en latin. La ratification seule du Roi de France est en français.

***


Avant de mourir, Louis XIV devait cependant traiter une fois en français. On sait de quelle façon fut conclue la paix de Rastatt. Les négociations furent menées en quelques jours par Villars « à la soldate ». Le 25 janvier 1714, on lui envoyait les propositions de paix préparées par son maître (41). Torcy redoutait de longues discussions sur les termes, et Louis XIV avertissait son représentant qu'il avait affaire à un homme qui chercherait tous les moyens d'éluder ses engagements à la faveur d'interprétations et d'ergoteries (42).

Dans ces conditions, plus que jamais, les termes du traité devaient être soigneusement pesés. Or le prince Eugène, en répondant le 18 février aux propositions françaises par un mémoire détaillé, demandait à l'article premier que, suivant le style de sa cour, si l'on devait faire un traité solennel, il fût rédigé en latin, conformément à l'usage. Villars estimait que la conclusion en français était un avantage pour son maître. Il savait aussi, d'après ce que le Roi lui avait écrit, que Sa Majesté eût préféré traiter en sa langue (43). Était-ce à cause des chicanes et des lenteurs qu'on prévoyait ? Cela est probable, mais je dois convenir que la correspondance ne nous en dit rien. Quoiqu'il en soit, le Maréchal envoya au Roi la réponse de l'Archiduc. Le Roi ne fit pas de difficulté. La lettre, qui est aux Archives, porte en marge : « Le roy consent que le traitté soit dressé en latin » (44).

Villars prit donc ses mesures. Peu confiant dans sa latinité, et pourtant désireux « de ne faire aucun solécisme », et surtout de ne pas laisser un seul terme qu'il n'entendît parfaitement, il se prépara à faire appel à un Père Recteur des Jésuites qui devait venir à Rastatt. Mais comme le prince Eugène lui-même demandait qu'on fît entrer, en vue d'aider à la rédaction, M. de la Houssaye, le maréchal, improvisé diplomate, sentit qu'il avait intérêt à ne rien presser. Il prévoyait que d'interminables discussions naîtraient à propos de certaines expressions, qu'il faudrait sans doute en référer là-dessus à Paris et à Vienne; les Impériaux devaient être pris à leur piège et paieraient la rançon de leur lenteur. Il affecta de ne laisser voir aucune hâte. « Je montre, écrit-il au Roi, le 4 mars 1714, une parfaitte indifférence », « le dessein d'abreger viendra de leur part; je crois seulement que si le traitté demeure en françois, ils demanderont un article separé que cela ne tire pas a conséquence pour l'avenir, veu que l'usage ordinaire est qu'il soit en latin » (45).

Les prévisions de Villars ne le trompaient point. Le prince Eugène se lassa, et très vite. En deux jours, on signa un traité en français, le premier. Les Impériaux avaient seulement fait insérer l'article prévu par Villars, stipulant que ce précédent ne pourrait être invoqué (46).

Voici cet article :

Le présent traité, ayant été commencé, poursuivi et achevé sans les solennités et formalités requises et usitées à l'égard de l'Empire, et composé et rédigé en Langue Françoise, contre l'usage ordinairement observé dans les Traités entre Sa Majesté Impériale, l'Empire, et Sa Majesté Très-Chrétienne, cette différence ne pourra être alléguée pour exemple, ni tirer à conséquence ou porter préjudice en aucune manière, à qui que ce soit, et l'on se conformera à l'avenir à tout ce qui a été observé jusqu'à présent dans de semblables occasions, tant à l'égard de la Langue Latine que pour les autres formalités et nommément dans le Congrès et Traité général et solennel à faire entre Sa Majesté Impériale, l'Empire et Sa Majesté Très-Chrétienne : le prézent Traité ne laissant pas d'avoir la même force et vertu, que si toutes les susdites formalités y avoient été observées, et, comme s'il étoit en Langue Latine (47)...


Le Roi accepta traité et article, sans observation. L'Empereur approuva expressément la réserve concernant les droits de la langue latine (48).

Ainsi qu'il arrive si souvent, le fait qui ne devait pas être invoqué comme précédent se renouvela désormais régulièrement ou à peu près. Les préliminaires de Vienne en 1735, la convention de Vienne en 1736, le traité d'Aix-la-Chapelle en 1748, furent rédigés en français, toujours avec la même réserve et la même reconnaissance théorique de la priorité du latin. Puis, à Hubertsbourg, l'article spécial disparut. On traita en français, sans condition ni réserve (49). Le latin était vaincu.

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Personne assurément ne songera à voir dans cet événement un succès personnel de Villars, pendant de la victoire de Denain. Il me semble difficile même, après l'exposé que je viens de faire, de le considérer comme un résultat de la politique française. Si elle était pour quelque chose ici, ce n'est pas à Utrecht que le prestige de Louis XIV l'eût emporté, après tant de défaites et de ruines, mais à Nimègue. Qu'on n'oublie pas la note mise en marge des propositions transmises par le Maréchal : « Le roi consent que le traité soit en latin ». J'irai plus loin. Je crois que si le français a fini par être adopté, c'est peut-être parce que les hommes d'État français n'ont jamais prétendu l'imposer, ni même le proposer, tandis que les Impériaux, au lieu de demander l'emploi de leur latin comme une tradition, prétendaient lui faire reconnaître des droits supérieurs, attachés aux prérogatives de la majesté impériale. En se défendant de reconnaître ces droits, les Français apparaissaient comme les soutiens de l'indépendance générale. Et comme ils se gardaient, soit sagesse, soit plutôt indifférence, de prétendre faire accepter leur propre idiome, ils n'éveillèrent aucune susceptibilité, ils n'eurent qu'à laisser agir les facteurs puissants qui travaillaient pour eux. La révolution se fit d'elle-même.

Les conditions étaient fort bonnes. L'Espagne, avant qu'une dynastie française allât y régner, ne semblait en aucune façon attachée à la tradition latine, satisfaite de l'usage qui mettait espagnol et français sur le pied d'égalité.

En Angleterre, si le français n'était plus la langue officielle de l'administration, une longue tradition en maintenait l'usage dans les relations extérieures. Sans doute, il ne serait pas difficile de citer des traités et des conventions passés entre l'Angleterre et divers États, même entre l'Angleterre et la France, qui ont été rédigés en latin. Mais ceux-mêmes qui ont combattu la primauté du français, comme Moser, en conviennent : « plénipotences, approbations de traités et autres choses de ce genre se donnaient toujours en français ou en latin ». « Dans les congrès, ajoute le même, les ambassadeurs anglais expriment leurs voeux et propositions la plupart du temps en français. Le langage des ambassadeurs étrangers à la cour anglaise est le français le plus souvent, laquelle langue fut autrefois la langue maternelle de l'Angleterre. »

Le roi d'Angleterre, Charles II, faisait parfois, il est vrai, semblant de l'ignorer; c'est quand il avait intérêt à ne pas l'entendre; ces jours-là, du reste, il avertissait lui-même les ambassadeurs qu'il ne comprendrait pas mieux le latin (50). Il perdait d'un coup la mémoire des langues, c'était une affection qui ne durait point, car elle appartenait à la catégorie des affections diplomatiques.

En Hollande, la situation était plus favorable encore. Notre langue y était familière à la cour, à la haute société, à l'armée. Le prince Guillaume II, vers 1650, écrivait son journal en français et en hollandais. Il arrivait qu'on s'en servait pour commander aux troupes, ou pour discuter dans les séances des États généraux. Dès l'époque de Munster, les représentants des Provinces, pour obtenir « cette main droitte » à laquelle ils tenaient tant, « se flattoient d'en faire passer la dispute en parlant françois (51) ».

Depuis, chaque fois qu'une occasion s'était présentée de discuter et de traiter, soit avec la France, soit avec d'autres puissances, les Provinces-Unies s'étaient uniformément servies du français. C'est en français que don Balthazar de Fuen Mayor, envoyé extraordinaire d'Espagne, harangua l'Assemblée des États Généraux et que le Seigneur d'Odik, comte de Nassau, qui présidait comme député de Zélande, lui répondit (mai 1680).

La paix de 1645 est en latin. Mais, en général, tous les traités sont en français : traité de commerce de 1647, traité de La Haye du 15 avril 1658, traité de navigation de 1666. On a vu plus haut qu'à Nimègue, le traité entre la France et les Pays-Bas fut fait en français, sans discussion, ni convention spéciale. La guerre et l'invasion de 1672 n'avaient rien changé à cet état de choses : « A la Haye, dit Wicquefort, où il y a des ministres de presque tous les endroits de l'Europe, on se sert de la langue française plus que d'aucune autre (52). »

Voilà pour l'ouest de l'Europe. A l'est et au nord, on peut faire abstraction de deux puissances, dans la question qui nous occupe, l'une de premier ordre, avec qui il fallait combattre et traiter, la Turquie (53), mais elle ne comptait pas dans les conseils de la chrétienté; l'autre, la Moscovie, encore sans importance.

Restaient les Etats Scandinaves et la Pologne. Mais, d'une part, depuis la paix de Westphalie, ils n'étaient plus si intimement mêlés aux affaires d'Occident; d'autre part la langue française avait fait chez eux des progrès énormes (54). « Elle est naturalisée dans le Nord, écrit Le Laboureur en 1669, les princes et toute la noblesse la parlent plus souvent et plus volontiers que la leur (55). » Charpentier raconte que dix ans après, au mois de septembre 1679, l'envoyé de Pologne en Danemark, dans une audience, parla latin, et que le roi répondit en français (56).

En Pologne, les usages avaient bien changé aussi. Nous avons là-dessus une curieuse lettre adressée à ce même Charpentier que je viens de citer par l'évêque de Beauvais, qui avait représenté le Roi à Varsovie. En voici le passage essentiel :

Aptes l'Election du Roy de Pologne d'aujourd'huy, tous les Ministres principaux qui se trouverent à sa Cour, luy firent leurs compliments en François, et dans toutes leurs audiences, ils ne traitterent leurs affaires avec luy qu'en nostre Langue. M. le cardinal Bonvisi, qui estoit pour lors Nonce du Pape en ce pays là, M. le Comte de Schafgots qui estoit Ambassadeur de l'Empereur, M. le Baron Auverbeq, Ambassadeur de M. l'Electeur de Brandebourg, les Envoyez du Roy de Dannemark, de M. l'Electeur de Baviere, et M. Stratman, Ambassadeur de M. le Duc de Neubourg, ne se servoient point d'autre Langue que de la nostre dans leurs audiences publiques. M. Hyde, Ambassadeur du Roy d'Angleterre pour tenir sur les fonts de Baptesme au nom du Roy son Maistre, un des Enfans du Roy de Pologne, ne parla jamais que François dans toutes ses Audiences. Et M. Palavicini qui est Nonce du Pape en ce pays là ne se sert que de nostre langue. Sa Majesté Polonoise, qui sçait la finesse de nostre langue, qui l'escrit et qui la parle avec beaucoup de politesse, a toujours respondu en françois à tous ces Ministres là, et dans toutes les Cours où j'ay esté, la langue Françoise est la langue ordinaire dont on se sert (57).


Il n'y a donc aucune exagération dans les affirmations que nous rencontrons de ci de là, à partir de 1676 : « Nos ambassadeurs parlent François partout où ils vont (58). » Vanité nationale, flatterie au Roi, paradoxe d'un panégyriste attaché à défendre sa thèse, semble-t-il au premier abord. Rien de tout cela, mais seulement une vérité que d'autres témoignages confirment : « La plupart des cours de l'Europe se piquent d'entendre notre langue et de la parler », disait déjà l'éditeur du livre de Le Laboureur, et « nos ambassadeurs n'y ont plus besoin d'interpretes » (59).

Si ce texte est suspect aussi, voici Wicquefort, qui n'est pas français, et qui, non seulement est un diplomate de profession, mais un type de diplomate rigoureux sur les moindres questions de forme et les plus infimes détails de protocole : « La langue française, dit-il, a en quelque façon succédé à la latine, et est devenue commune (60). »

Au reste, à quoi bon des preuves ? Bayle sourit en voyant Charpentier aligner les siennes dans la lettre que j'ai citée : « L'auteur, dit-il, eût pû se passer de toutes ces autoritez, car elles ne servent qu'à prouver une chose reconnuë par toute l'Europe (61). »

Sans doute, les faits rapportés plus haut demeurent. Le traité de Nimègue conclu dans le courant de cette même année 1679, où s'impriment des affirmations si nettes, est en latin. Et il semble qu'il y ait contradiction entre ce fait et les textes. Il n'en est rien, et c'est ici qu'il faut reprendre les mots de Limojon de Saint Disdier que j'ai cités plus haut, qui nous éclairent sur ce qui s'est passé à Nimègue même. « L'on s'apperceut à Nimegue, dit-il, du progrés que la Langue Françoise avoit fait dans les Païs étrangers, car il n'y avoit point de maison d'Ambassadeurs, où elle ne fust presque aussi commune, que leur langue naturelle. » Des négociations se composent de toutes sortes de tractations, qui ont chacune leur nom et leur caractère. Les traités, les communications officielles, les séances solennelles sont réglées par des protocoles rigoureux où la tradition se conserve. Mais les relations officieuses ou privées, les entrevues, les rencontres échappent à ces contraintes. Sans doute, il est de la profession des diplomates de ne pas s'épancher, mais ils sont hommes et hommes du monde, ils parlent et ils vivent à la manière de leur temps. Et le langage que les gens de Cour d'alors aimaient à parler était le français. Seule de toutes les femmes d'ambassadeurs, la marquise de Los Balbases, femme du plénipotentiaire espagnol, l'ignorait. Mais le marquis le possédait, et sans souci de l'étiquette, il ne fit aucune difficulté, dès son arrivée, de s'en servir pour remercier les gentilshommes français de leurs compliments (62), à la grande surprise de d'Estrades lui
Même (63).

Dans les relations de puissance à puissance, la mode, la commodité, le goût et les habitudes des hommes semblent n'avoir point de droits, mais ils en prennent. La présence des dames même a son importance. A Nimègue, elles avaient établi un commerce alternativement chez elles (64), et on pense bien que la conversation ne pouvait guère se poursuivre, ni même s'entamer en latin dans leurs salons. C'est le français que les personnes cultivées avaient appris, c'était la langue de la civilisation la plus estimée, celle dans laquelle les diplomates pouvaient dîner, entendre la comédie et avoir de l'esprit, en compagnie de leurs femmes. Il ne faudrait du reste pas prendre ce que je viens de dire dans un sens trop étroit, ni s'imaginer que le français fût considéré comme bon uniquement pour les futilités de la conversation quotidienne dans un certain monde. La meilleure preuve qu'on l'employait aux grandes affaires et pas seulement aux menus compliments, c'est que quand les Hollandais fondèrent une presse politique internationale, et songèrent à faire commerce de nouvelles, c'est en français qu'ils rédigèrent. On connaît les Gazettes de Hollande destinées à informer ce qu'on appellerait aujourd'hui l'opinion européenne. D'année en année, à partir de 1678, elles se multiplient et se répandent, et c'est à peine si on voit se produire à côté d'elles quelques timides essais de gazettes italiennes. Or, tous ces journaux n'étaient pas faits pour la Hollande, mais pour les divers pays étrangers, comme Bayle l'a remarqué déjà. Pour en vivre, il fallait qu'on pût les tirer à un assez grand nombre d'exemplaires. Rien ne montre mieux, par conséquent, quelle langue on parlait et on lisait dans les milieux qui formaient la clientèle des Gazettes.

Or, à côté de la presse périodique, il faudrait citer les innombrables libelles et pamphlets politiques qui parurent alors, et dont la grande masse est en français. Enfin, quand en 1700, A. Moetjens imprime son grand Recueil des traités de paix depuis J. C. jusqu'à présent, en 4 vol. f°, il prévient qu'il a donné « les actes en français, parce que c'est la langue la plus généralement en usage, à présent, en Europe ». Et son exemple sera bientôt suivi par Dumont (65).

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Dans ces conditions, la survie du latin, que la Chancellerie impériale arriva à prolonger, comme nous l'avons vu, jusqu'aux premières années du XVIIIe siècle, n'importe guère. L'heure de la fin était désormais marquée. L'Empire même, au nom duquel l'Empereur prétendait parler, n'était plus avec lui. Sans doute, en Diète, les vieilles règles se maintenaient (66).

Mais, dès le commencement du XVIIe siècle, dans la plupart des Cours allemandes de l'ouest, les princes, leurs femmes, leurs filles se plaisaient à apprendre le français, à le parler et à l'écrire. En Palatinat c'était déjà une tradition de famille et de Cour au moment où éclata la guerre de Trente ans. En Hesse, le landgrave Maurice, non content de faire élever ses enfants à la française par des Français ou en France, avait fait personnellement œuvre de philologue et publié un dictionnaire français; son successeur traduisait nos livres de morale mondaine. Les choses allèrent à ce point dans ce pays « principal soutien de nos affaires », suivant le mot de Bassompierre, qu'on vit une princesse, Charlotte, mariée à Charles-Louis de Palatinat, incapable d'écrire une lettre en allemand, sans l'emplir de gallicismes. En Wurtemberg, dès l'avènement des Wurtemberg-Montbéliard, en 1586, la Cour avait été francisée en partie, et les princes venaient presque régulièrement compléter leur éducation à Paris. La Bavière, Francfort, Cologne, l'Alsace suivaient ce mouvement, qui gagna l'Anhalt et jusqu'à la Poméranie et le Brandebourg.

La noblesse se conformait naturellement à l'exemple des familles régnantes. Des jeunes gens de grande maison se rendaient à Strasbourg, à Orléans, sur les bords de la Loire, munis d'un guide fait tout exprès pour leur enseigner à bien profiter de leur séjour, sauf à s'installer, si besoin était, jusque dans les cuisines, auprès des tourne-broches de la « mère des Allemands », une brave femme d'hôtelière d'un faubourg de Bourges.

Entre dames, en face de l' « Académie frugifère », conservatrice de la pureté de l'Allemand, on avait institué l’« Académie des loyales », où tout était français, titre, devise, fonctions. L' « Académie des vrais amants » se nourrissait, elle, de la galanterie de 1'Astrée, et rêvait de laver dans les eaux pures du Lignon la grossièreté des mœurs d'un pays dont saint Grobianus n'avait pas encore cessé d'être le patron.

Le règne de Louis le Grand ne pouvait qu'accroître une influence déjà si forte et si générale. La politique française, favorable à l'indépendance de chaque prince et à ses ambitions de pouvoir personnel, l'organisation de la Ligue du Rhin, les menées de nos agents, toutes puissantes dans cette « anarchie organisée » qu'était l'Empire depuis les traités de Westphalie, aidèrent, cela est incontestable, à franciser certaines cours ou certains personnages de ces cours. Mais notre agent le meilleur, celui dont l'ascendant fut irrésistible, ce fut le prestige de notre civilisation, de nos arts, de notre littérature, l'élégance attrayante de notre vie de cour et de salon. Si la gallomanie fit rage partout ou à peu près, du Rhin à la Baltique, c'est que tous les préjugés cédèrent à la supériorité de notre culture. Les copies de nos chefs-d'œuvre ne se comptent pas, les Sous-Versailles sortent de terre, comme les salons à la française pullulent. Partout des scènes où l'on joue du Molière devant des perruques poudrées et des robes à paniers.

Dans de pareils milieux, par quels scrupules protocolaires les princes se fussent-ils obstinés à refuser d'employer le français dans leurs relations officielles avec la Cour de Versailles? Ils le parlaient pour leur plaisir. Comment se fussent-ils entêtés à ne pas s'en servir pour leurs besoins?

Le Dran a fait un mémoire sur « les lettres ecrites en françois par les Electeurs de l'Empire aux ambassadeurs de France », les formes et formules employées. Il en a trouvé à partir de 1648, venant de Mayence, de Cologne, du Palatinat, de Bavière (67). Des recherches feraient apparaître une foule de faits analogues. Pour n'en citer qu'un, en 1701, M. de Chamois, envoyé par Louis XIV comme plénipotentiaire à la diète de Franconie, assemblée à Nuremberg, pour remettre une lettre du Roi, fit porter la lettre au Directeur, sans traduction. La diète « la reçut avec respect ». Et le même jour les députés rendirent visite à M. de Chamois chez lui. «Comme M. le député de Bamberg n'entendoit pas bien le françois », il pria simplement M. de Chamois de « luy expliquer en une autre langue ce qu'il venoit de luy dire ». Nous voilà loin des protestations indignées de 1644. Il est vrai que plus tard, quand l'autorité de la France eut baissé, les Diètes générales et mêmes locales essayèrent de se ressaisir, et qu'on vit renaître des exigences un moment abandonnées. Mais ce retour en arrière n'aboutit jamais et ne pouvait pas aboutir à une restauration entière des anciens usages.

Les pamphlétaires allemands du commencement du XIXe siècle ont prétendu que si les princes se laissaient aller à employer notre langue, c'est que la France pesait sur eux dans cette intention. On a suffisamment vu dans ce qui précède quelle a été la politique française pour qu'il ne soit pas besoin de combattre ici des affirmations tendancieuses inspirées par les haines de 1813.

A quoi bon parler de contrainte, les princes allemands n'en avaient point besoin. Outre qu'ils se laissaient aller à leurs goûts, ils suivaient l'exemple de l'Europe entière. Leurs précepteurs allemands eux-mêmes leur avaient enseigné comme une évidence – in aperto est – que notre langue était par excellence la langue de la politique, comme le latin était la langue des sciences et des études (68) ! Ils le croyaient et l'événement a prouvé qu'ils n'avaient pas tort de le croire, puisque le français a gardé depuis dans la diplomatie, par la libre volonté des nations, le rôle qu'il avait pris.

Ainsi, quand l'Archiduc signa le traité de Rastatt, ce qu'il abandonnait, c'était encore un de ces lambeaux de pourpre romaine dont l'éclat a pendant des siècles fasciné les Empereurs ; mais depuis longtemps ce pompeux manteau d'apparat n'était plus qu'un symbole vain, dont le monde, le monde germanique lui-même, regardait l'étalage archaïque avec plus de curiosité que de respect.

Si notre langue reçut, de préférence à toutes les langues modernes, l'héritage glorieux du latin, elle dut ce privilège avant tout à elle-même, à son génie et au génie de la race. Par un concours de circonstances heureuses, il se trouva qu'elle avait été juste à point réglée avec un soin admirable et portée par de bons ouvriers à un degré de clarté, de précision, de sûreté, où aucune de ses rivales n'était parvenue.

Une pléiade d'hommes de génie la cloua, ainsi élaborée, à des livres immortels. Une société, aussi raffinée dans sa conversation que dans ses moeurs et ses costumes, en fit, non seulement son organe, mais son oeuvre, s'acharnant à la rendre plus délicate encore et à la fixer dans sa perfection. Pendant ce temps, la monarchie française était à l'apogée de sa gloire.

C'est là plus qu'il n'en faut pour plaire et séduire le monde. L'ascendant de notre langue s'explique sans qu'il soit besoin de faire intervenir des pressions diplomatiques, qui, nous l'avons vu, ne furent jamais exercées. Le français devint la langue des États, naturellement, parce qu'il était la langue des Cours, c'est-à-dire non seulement celle des rois, des princes et des princesses, mais celle de tout un monde qui, autour d'eux, était épris de culture et d'élégance.

Notes
(1) Bay1e, Nouvelles de la République des Lettres, nov. 1684.
(2) L'histoire est encore dans le Traité des Écoles, de Cl. Joly, 1678, p. 478-9, et dans Bayle, Nouv. de la Rép. des Let., 1685.
(3) Tous ces détails sont soigneusement notés dans les Acta pacis Westphalicae, t. II, pp. 61-62.
(4) C'était au début des négociations, le 27 octobre 1643; les envoyés impériaux faisaient leur visite à l'envoyé espagnol Zappada; de chaque côté on parla français (Ibid., t. I, p. 57).
(5) Acta pacis Westphalicae, t. I, p. 58.
(6) M. de Vautorte écrit au cardinal Mazarin, le 31 juillet 1653 : J'envoie à votre Eminence « les complimens que j'ai fait à l'Empereur et au Roi des Romains dans ma première audience. Ils ne sont pas en François, parce qu'ils n'aiment point les interprètes, et qu'ils répondent toujours en Allemand, si on ne leur parle Latin ou Italien : l'Ambassadeur de Pologne qui n'entend pas mieux l'Allemand que moi a parlé aussi en latin. » (Négociations secrètes de Münster et d'Osnabruck, III, 572.)
(7) Jean-Louis de Nassau-Hadamar (1590-1653).
(8) Voir les pleins pouvoirs de l'Empereur aux Affaires Étrangères, Correspondance politique, Allemagne, vol. 35, fo 49 (23 juin 1643); ils sont en
latin. Ceux du Roi d'Espagne (11 juin 1643) sont en espagnol. Cf. le P. Bougeant, Hist. des traités de Westphalie, III, 159, 160, 164.
(9) Wicquefort, L'ambassadeur et ses fonctions, éd. 1715, 1. II, Sect. 3, t. II, p. 37.
(10) Voir la Relation (en latin) de ce qui s'est passé sur la délivrance des propositions de paix des ambassadeurs de l'Empire, de France et d'Espagne, à Münster, le 4 déc. 1644 : « Haec cum omnia italico sermone explicassemus »... (Négoc. secr., I, 316). Dans la même pièce, il y a une citation d'une phrase de l'ambassadeur de Venise, en italien (317). Cf. une dépêche des plénipotentiaires français (Münster, 24 nov. 1644) : « le nonce lui respondit (à M. Servien)... qu'il ne s'estonnoit « perche il signor Servien mi da questa bastonata », ce sont ses motz.» (Aff. Etr., Allemagne, Corr. pol., 34, fo 160.)
(11) Messieurs ne traduisait pas Reverendissimorum, celsissimorum et reverendissimorum principum.
(12) Négoc. secr. de Münster, I, 249-450 : « Nec poterant capere diversitatis rationem, nisi quod suis in epistolis sicut vestimentis Galli varietatem et multivagam inconstantiam sectentur ».
(13) Voir les Acta pacis Westphalicae, t. I, p. 737. La réponse des ambassadeurs français (30 mai 1646) à la proposition impériale du 29 fut aussi remise en français (Ib., III, 37), et les Français refusèrent encore de la traduire eux-mêmes. Ce fut Heher, envoyé de Saxe-Weimar, qui en fut chargé.
Une autre fois la même attitude fut de nouveau gardée. Le 8 juillet 1648, la lettre qui accompagnait le projet de traité envoyé par Servien était en français, sans traduction. Comme un écrit de ce genre n'était pas conforme à l'« idiome de l'Empire », le secrétariat du Reichs-Directorium le fit traduire en latin (Ib., VI, 287).
(14) Le duc de Longueville arrivait à Osnabrück, où la paix avait été signée le 20 entre Espagne et Hollande. L'envoyé du Brandebourg demanda à l'envoyé de l'Electeur de Saxe s'il ne serait pas bon de soumettre à son Altesse des propositions... Il pensait que comme le duc de Longueville comprenait le latin, mais ne le parlait pas, que l'envoyé saxon ne savait pas le français, mais le comprenait, il pourrait, lui, envoyé de Brandebourg, transmettre la proposition. Mais les Saxons estimèrent qu'il n'était pas de auctoritate Imperii qu'on se servît, sous cette forme, du français pour une proposition. Et finalement le Dr Leubern parla au nom des envoyés de l'électeur de Saxe en latin. Le duc de Longueville lui répondit en français (Acta pacis Westphalicae, t. IV, p. 915-6). Le prétexte invoqué était fallacieux, Meiern l'a fort bien vu. En réalité, on ne voulait pas donner à l'électeur de Brandebourg l'occasion de se mettre encore une fois en avant.
(15) Aff. Étr., Allemagne, Corr. polit., t. XCIX, fo 54. Dépêche du 4 mars 1647.
(16) Aff. étr., Allemagne, Corr. polit. 99, f. 152.
(17) Au traité des Pyrénées, il parlait italien, puis, par politesse, agréa la langue de don Luiz de Haro (Aff. Etr., Rec. de Sainctot, Mém. et doc. fr., 1849, f° 227, vo). Il y eut deux exemplaires du traité, l'un en espagnol, l'autre en français.
(18) Voir Histoire des negotiations de Nimegue par le Sr. de St Disdier. Paris, 1680, pp. 78-79; cf. Actes et Mémoires de Nimègue, Amsterdam, 1678-9i 4 in-12o.
(19) Aff. Étr., Hollande, Corr. polit., 104, fo 117.
(20) Voir les Mémoires de ce qui s'est passé dans la chrétienté depuis le commencement de la guerre en 1672 jusqu à la paix conclue en 1679, par le chevalier Temple. Traduit de 1'Anglois, La Haye, 1693, p. 232-233.
(21) Histoire des negotiations de Nimegue, pp. 34-35.
(22) Lettres, Mémoires et négociations de M. le Comte d'Estrades, Londres, 1743, t. VIII, pp. 91-99.
(23) Le Dran lui-même s'est laissé influencer quand il dit dans son Cérémonial de Nimègue, en 1722 : « Le françois estoit la langue commune du congrés. Les Imperiaux produisirent cependant quelques memoires en latin (Aff. Etr., Hollande, Mém. et doc., 40, f° 40, vo). Comme il renvoie à St Disdier, t. I, p. 125, il est facile de voir sous quelle influence il a écrit.
(24) O. c., p. 236.
(25) Le Dran, dans ce Cérémonial de Nimègue que je viens de citer, f° 89, renvoie aux Archives, vol. du congrès de Ryswick, « où se trouve l'extrait du protocole de la légation impériale pour la signature du traité de Nimègue, à la date du 27 mai 1697 ». Il n'est plus à cette place.
(26) En Carinthie. L'évêque de Gurck était le chef de l'ambassade impériale (Cf. Limoj. de St Disd., o. c., p. 87).
(27). « Marescallus Destrades, excusata Linguae Latinae imperitia, eo quod a juventute arma tractasset diligentius quam libros, rogabat Colbertium, ut vices suppleret, qui confessus ex stylo inter Sacram Caesaream Majestatem et Regem suum recepto non alia in negotiis, quam Latina lingua utendum esse, sibi vero deesse usum et exercitium prompte eâ linguâ loquendi, quam alias calleret, Nos obstitimus ut quilibet in hoc colloquio sensus suos qua vellet Lingua explicaret. » (Mém. et Nég. de la Paix de Ryswick, t. II, p. 13.)
(28) O. c., p. 247. C'est exactement ce que rapportent les documents authentiques (Aff. Étr., Hollande, Mém. et Doc., 40, fo 89). Cf. Mém. de la Paix de Nimègue, 1679, III, 402 : chacun des deux groupes d'ambassadeurs a un exemplaire : il n'est pas question de langues différentes. Le texte est en latin. Le texte français qui suit est présenté comme une traduction. Allou avait déjà du reste rapporté très exactement les faits (Universalité de la langue française, 397).
(29) Le traité séparé avec l'Électeur de Brandebourg, signé à St-Germain-en-Laye, le 29 juin 1679, n'est qu'en français (Allou, o. c., p. 386).
(30) Aff. Étr., Allemagne, Mém. et doc., 38, fo 112-113.
(31) Voir la Traduction d'un écrit des ambassadeurs de l'Empereur à Francfort, 14 avril 1682, envoyée par les plénipotentiaires français le 18 avril. (Aff. Etr., Allemagne, Corr. polit., 297, fo 75, vo.)
(32) Aff. Etr., Allemagne, Corr. polit., 297, fo 147-148.
(33) Traduction de la résolution de la Diète de Francfort, 14 mai 1682. La Diète prend acte du consentement des ambassadeurs de France « que dans la version latine de leur réplique on omette le mot translatum (etc...) et que pour ce qui regarde l'idiosme des actes qu'ils donneront doresnavant à cette assemblée, ils suivront le mesme usage qui a esté observé au traité de Nimegue. Quoyque cette reponse ne soit pas suffisante, pour empescher à l'avenir cet incident a l'egard de l'idiosme, Mrs les Deputez sont toutes fois d'avis qu'ils ne doivent pas pour cela abandonner l'ouvrage qui est commencé, mais qu'il faut employer toutes leurs forces afin que... Mrs les ambassadeurs de France puissent embrasser l'un des deux temperaments proposez ou quelque autre expedient, et surtout a donner une déclaration qui puisse oster toutes les dificultez qu'on pourroit avoir a l'avenir a l'égard de l'idiosme. » (Aff. Etr., Allemagne, Corr. polit., 297, fo 158, vo.)
(34) Un agent secret, le résident Walkenir, écrivait le 1er juin 1682, ce qui se disait à Francfort : « Encore qu'on a cru que les ambassadeurs de France eussent des ordres pour continuer leurs negociations en langue latine, ils n'en ont pas pourtant donné aucune ouverture, au contraire ils disent qu'ils les continueront en langue françoise, couste qu'il couste, mais on croit qu'ils ne se soucieront pas beaucoup pour la langue, et qu'ils seroient bien aises de continuer leurs negociations en Turc, pourvu qu'on vonlust escouter leurs propositions ». (Aff. Etr., Allemagne, Corr. polit., 297, fo 221, vo.)
(35) Voir sa lettre aux plénipotentiaires français à Francfort, 14 mai 1682 : « Je ne voudrois pas, dit-il, qu'on renvoyast ici la decision de la question sur la langue dont V. Ex. doivent se servir pour leurs memoires et qu'on joignist cet incident au principal de l'afaire. Comme l'usage est ici sans contredit et sans aucun exemple contraire, que les memoires des ministres de France se donnent en latin, et que nos Docteurs n'y connoissent que l'usage de cette dicte, et suposaut que l'assemblée de Francfort est formée de la mesme façon et en doit suivre la nature et les usages, on donneroit le tort à V. Ex. presque tout d'une voix, quoy qu'elles ayent certainement tres grande raison (car c'est sur ce qui s'est fait a Munster et a Nimegue et ailleurs qu'il faut se regler, où l'usage est entierement pour V. Ex. aussi bien que le bon sens) et de plus l'assemblée de Francfort n'est point de la nature de celle-ci. » (Aff. Etr., Allemagne, Corr. polit., 297, fo 162.)
(36) Louis XIV à Verjus, comte de Crécy, ambassadeur de France à Ratisbonue, 27 mai 1682 (minute) : « Comme je vois que vous estes persuadé que la difficulté qu'ont fait mes ambassadeurs de donner leurs escrits en latin dans l'assemblée de Francfort sera condamnée dans la diette de Ratisbonne, il est bon que vous y fassiez connoistre, ainsy que vous l'escrivez à mes ambassadeurs, la grande différence qu'il y a entre ces deux assemblées, et que vous ne faites pas de difficulté de donner vos escrits en latin parce que l'usage est de se servir de la langue latine dans tout ce qui doit estre representé aux colleges qui composent ce corps, mais qu'à Francfort ou les ambassadeurs de l'Empereur se sont arrogez toute l'autorité, mes ministres ont raison de s'en tenir a ce qui a esté pratiqué a Nimegue et mesme jusqu'à present dans ladite assemblée de Francfort ». (Aff. Etr., Allemagne, Corr. pol., 294, f° 323.)
(37) Verjus au Roi (Ratisbonne, 11 juin 1682) : « Je ne suis plus en peine, Sire, des premieres impressions que nos Docteurs de la Diete pouvoient avoir contre l'usage de la langue françoise dans les mémoires et ecrits que donneroient Mrs les ambassadeurs de V. M. a Francfort... J'ay tellement fait entendre raison la dessus que je ne scay si en un besoin je ne pourrois pas rnesme introduire la mode ou du moins la pretention de me servir icy de la langue françoise dans les memoires que je serois obligé d'y presenter, quoyqu'il y ait une entiere diférence tant dans les raisons que dans les exemples et dans l'usage, entre ce qui doit se pratiquer icy et se faire a Francfort à cet égard ». (Aff. Etr., Allemagne, Corr. polit., 295, fo 41-42. La partie soulignée est chiffrée.)
(38) Ce sont les ambassadeurs, ou légats, ou nonces, qui représentent le Prince lui-même.
(39) Aff. Étr., Allemagne, Corr. polit., 297. fo 223-224. C'est sans doute cette menace de ne plus traiter par écrit qui a fait dire à Moser que les Français préférèrent rompre. Dans la suite, le mémoire discute à fond « la pretention des Allemans pour le latin » : « La Bulle d'or... detruit entierement cette pretentiou des Allemans pour le latin, elle ne fait aucune mention de la langue latine, elle dit en termes expres que la teutonique est la langue des princes de l'Empire. » Suit une citation de la Bulle d'or, latin et traduction française : les Electeurs devront connoitre les divers idiomes de l'Empire, savoir l'allemand, l'italien et le slave « eo quod ille lingue ut plurimum ad usum et utilitatem sacri Imperii frequentari sint solite et in his plus ardua ipsius Imperii negocia ventilentur ». On examine ensuite l'indépendance des différents Etats de l'Empire : l'Empereur, chef élu, est soumis à des capitulations, il n'est pas le maître. La Bulle dit eu termes exprès : « L'Empire d'Allemagne a succedé a l'Empire françois de Charles Magne, et non pas à celuy des Cezars de Rome, cet empire alleman n'est pas une monarchie, mais une vraye république aristocratique », etc. (Aff. Etr., Allemagne, Corr. polit., 297, fo 228-229.)
(40) Aff. Étr., Allemagne, Mém. et Doc., 38, fo 112-113.
(41) Aff. Étr., Autriche, Corr, polit., 97, fo 189, vo.
(42) Ib., fo 211.
(43) Ib., fo 53.
(44) Ib., fo 274.
(45) Aff. Étr., Autriche, Corr. polit., 97, fo 51-53.
(46) Villars en avertit le roi par une lettre du 6 mars 1714 (Aff. Étr., Autriche, Corr. polit., 97, fo 57.) Le texte du traité joint à la lettre est imprimé en italien.
(47) Actes, mémoires et autres pièces authentiques concernant la paix d'Utrecht, V, 393.
(48) « Salva de reliquo linguae latinae caeterarumque solennitatum alias requisitarum resersatione articulo separato tertio uberius expressa. » 17 mars 1714, ib.
(49) L'Empereur communiqua le Traité à la Diète avec une traduction
allemande. (V. Hoffmann, Linguae gallicae jus publicum, p. 48.)
(50) Voir Charlanne, Influence française en Angleterre, la vie sociale, p. 206.
(51) Aff. Étr., Allemagne, Corr. polit., vol. 32, fo 165, d'Aveaux et Servien
à la Reine, 29 avril 1644.
(52) L'ambassadeur et ses fonctions, Amsterdam, 1730, I, l. II, p. 33-35.
(53) Le Turc écrivait au Roi de France en français.
(54) Noter cependant que Pomponne y parlait latin en 1671; on a vu plus haut les difficultés faites par les Danois à Nimègue. L'alliance de Stockholm, du 9 juillet 1698, est encore conclue en latin.
(55) Avantages de la langue françoise, p. 24.
(56) Excellence de la langue françoise, t. I, p, 263.
(57) De Gournay, le 22 may 1682, dans Charpentier, o. c., 265, et sv.
(58) Charpentier, Défense de la langue françoise. Paris, 1676, in-12, p. 25.
(59) Avantages de la langue françoise, 1669. Avis au lecteur.
(60) O. c., 2e éd., t. I, l. II, pp.33-35. Un collègue contemporain, Louis Rousseau de Chamoy, dont on vient de publier le petit manuel, écrit de son côté : « Il est vray... que la pluspart des Princes et des Ministres, avec lesquels les Ambassadeurs de France ont à traiter parlent françois, quoiqu'il s'en trouve aussy un grand nombre qui ne le sçavent point. (L'idée du parfait ambassadeur, éd. de M. L. Delavaud, Paris, Pedone, 1912, p. 24.)
(61) Nouvelles de la République des Lettres (Œuvres, éd. 1737, t. I, pp. 113-114).
(62) Limojon de Saint Disdier, Histoire des negotiations de Nimegue, p. 76.
(63). « MM. de los Balbasez, Ronquillo et Christin nous envoyerent avant-hier faire par trois gentilshommes la declaration de leur arrivee, avec un compliment concerté avec M. le Nonce, qui nous l'avoit auparavant communiqué et que nous avions agréé. Il nous fut même dit en François, chose extraordinaire aux Espagnols, et contenoit que ces MM. etoient ici prêts à nous rendre tous les services dont nous les jugerions capables. » (D'Estrades, Lettres, Mémoires et négociations, t. VIII, p. 401.)
(64) D'Estrades, o. c., IX, 334. Ainsi le 22 déc. 1677, on s'est réuni chez un des ambassadeurs français, ou plutôt chez sa femme (Ib., IX, 338).
(65) Corps universel Diplomatique du Droit des gens contenant un Recueil des Traitez d'Alliance, de paix, de treve, de neutralité (etc.), par M. J. Du Mont, baron de Carels-Croon, écuier, conseiller et historiographe de sa Majesté impériale et catholique. A Amsterdam, 1731.
(66) Même avec la Ligue du Rhin, la France correspondait en latin; la « Proposition faite de la part du Roy au Conseil de l'Alliance » [du Rhin] 30 mai 1661, par Gravel, existe en deux copies, l'une latine, l'autre française, aux Archives, mais l'original de la main de Gravel est en latin. (Aff. Etr., Allemagne, Corr. polit., 150, fo 223-228 pour la copie latine, fo 229-238 pour la copie française, 239-244 pour la minute.) Cf. une lettre du 24 juin 1661, Ib., fo 300, sv.; une autre du 27 juin (Ib., fo 321), etc.
(67) Aff. Étr., Allemagne, Mém. et Doc., 38, f° 357-360.
(68) « In aperto est eam in Principum aulis maximi fieri, et in universa Germania tanto in amore haberi, ut, quemadmodum Latina Lingua in orbe litterario, sic in ordine politicorum Gallica reliquis Linguis palmam praeferat. » (Kolhans, Prof'. au Gymn. de Cobourg, Grammatica Gallica, 1667, Praefatio.)

Source
Revue de Paris, 15 décembre 1913, p. 699-728.
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