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Sites sur l'autisme et les troubles envahissants du développement (Hélène Laberge)
TEDDI au tribunal (Jacques Dufresne)
Un minou robot pour mamie
Un minou robot pour mamie (Jacques Dufresne)

Revue Le partenaire
Créée en 1992, la revue le partenaire est devenue au Québec une voix importante pour les personnes utilisatrices de services en santé mentale et pour tous les acteurs concernés par la réadaptation psychosociale, le rétablissement et la problématique de la santé mentale. Ses éditoriaux, ses articles, ses dossiers proposent une information à la fine pointe des connaissances dans le champ de la réadaptation psychosociale. Ils contribuent à enrichir la pratique dans ce domaine et à stimuler le débat entre ses membres.
Destination El Paradiso
El Paradiso n’est pas une maison de retraite comme les autres. Située dans une île enchanteresse qui est réservée à son usage, elle accueille des pensionnaires bien particuliers. Ce sont, par un aspect ou l’autre de leur vie, par ailleurs tout à fait honorable, des originaux, des excentriques, habités par une douce folie, qui n’a sans doute d’égal que la simplicité de leur bonheur. C’est une galerie de personnages un peu fantasques que nous fait rencontrer cet ouvrage tout empreint de tendresse, d’humour et d’humanité. Voici donc les premiers douze membres de ce club très spécial: Perry Bedbrook, Guy Joussemet, Édouard Lachapelle, Andrée Laliberté, Céline Lamontagne, Guy Mercier, Avrum Morrow, Lorraine Palardy, Antoine Poirier, Michel Pouliot, Charles Renaud, Peter Rochester.
Le Guérisseur blessé
Le Guérisseur blessé de Jean Monbourquette est paru au moment où l’humanité entière, devant la catastrophe d’Haïti, s’est sentie blessée et a désiré contribuer de toutes sortes de façons à guérir les victimes de ce grand malheur. Bénéfique coïncidence, occasion pour l’ensemble des soignants du corps et de l’âme de s’alimenter à une source remarquable. Dans ce livre qui fut précédé de plusieurs autres traitant des domaines de la psychologie et du développement personnel , l’auteur pose une question essentielle à tous ceux qui veulent soigner et guérir : « Que se cache-t-il derrière cette motivation intime à vouloir prendre soin d’autrui? Se pourrait-il que la majorité de ceux et celles qui sont naturellement attirés par la formation de soignants espèrent d’abord y trouver des solutions à leurs propres problèmes et guérir leurs propres blessures? » Une question qui ne s’adresse évidemment pas à ceux qui doivent pratiquer une médecine de guerre dans des situations d’urgence!
Mémoire et cerveau
Dans ce numéro de La Recherche, on se limite à étudier la mémoire dans la direction indiquée par le psychologue torontois Endel Tulving, reconnu en en ce moment comme l'un des grands maîtres dans ce domaine. Cela confère au numéro un très haut degré de cohérence qui en facilite la lecture. Culving est à l'origine de la distinction désormais universellement admise entre la « mémoire épisodique » portant sur des événements vécus et la « mémoire sémantique » portant sur des concepts, des connaissances abstraites. C'est la première mémoire que je mets en œuvre quand je m'efforce d'associer des mots à un événement passé, un voyage par exemple; je m'en remets à la seconde quand je m'efforce d'associer des mots automatiquement les uns aux autres, abstraction faite de tout événement vécu auquel ces mots pourraient se rapporter. Au cours de la décennie 1960, Tulving a constaté que les résultats obtenus grâce au premier exercice étaient beaucoup moins bons que ceux obtenus par le second exercice, ce qui l'a incité à faire l'hypothèse qu'il existe deux mémoires distinctes.
Spécial Mémoire
Dans ce numéro de La Recherche, on se limite à étudier la mémoire dans la direction indiquée par le psychologue torontois Endel Tulving, reconnu en en ce moment comme l'un des grands maîtres dans ce domaine. Cela confère au numéro un très haut degré de cohérence qui en facilite la lecture. Culving est à l'origine de la distinction désormais universellement admise entre la « mémoire épisodique » portant sur des événements vécus et la « mémoire sémantique » portant sur des concepts, des connaissances abstraites. C'est la première mémoire que je mets en œuvre quand je m'efforce d'associer des mots à un événement passé, un voyage par exemple; je m'en remets à la seconde quand je m'efforce d'associer des mots automatiquement les uns aux autres, abstraction faite de tout événement vécu auquel ces mots pourraient se rapporter. Au cours de la décennie 1960, Tulving a constaté que les résultats obtenus grâce au premier exercice étaient beaucoup moins bons que ceux obtenus par le second exercice, ce qui l'a incité à faire l'hypothèse qu'il existe deux mémoires distinctes.
L'itinérance au Québec
La personne en situation d’itinérance est celle : […] qui n’a pas d’adresse fixe, de logement stable, sécuritaire et salubre, à très faible revenu, avec une accessibilité discriminatoire à son égard de la part des services, avec des problèmes de santé physique, de santé mentale, de toxicomanie, de violence familiale ou de désorganisation sociale et dépourvue de groupe d’appartenance stable. Cette définition met en évidence la complexité du phénomène et l’importance de l’aspect multifactoriel des éléments déclencheurs tels que la précarité résidentielle et financière, les ruptures sociales, l’accumulation de problèmes divers (santé mentale, santé physique, toxicomanie, etc.). L’itinérance n’est pas un phénomène dont les éléments forment un ensemble rigide et homogène et elle ne se limite pas exclusivement au passage à la rue.L’itinérance est un phénomène dynamique dont les processus d’exclusion, de marginalisation et de désaffiliation en constituent le coeur.
L’habitation comme vecteur de lien social
Evelyne Baillergeau et Paul Morin (2008). L’habitation comme vecteur de lien social, Québec, Collection Problèmes sociaux et intervention, PUQ, 301 p. Quel est le rôle de l’habitation dans la constitution d’un vivre ensemble entre les habitants d’un immeuble, d’un ensemble d’habitations ou même d’un quartier ? Quelles sont les répercussions des conditions de logement sur l’organisation de la vie quotidienne des individus et des familles et sur leurs modes d’inscription dans la société ? En s’intéressant à certaines populations socialement disqualifi ées, soit les personnes ayant des problèmes de santé mentale et les résidents en habitation à loyer modique, les auteurs étudient le logement non seulement comme l’un des déterminants de la santé et du bien-être, mais également comme un lieu d’intervention majeur dans le domaine des services sociaux. De la désinstitutionnalisation à l’intégration, des maisons de chambres aux HLM, ils décrivent et analysent des expériences ayant pour objectif le développement individuel et collectif des habitants et les comparent ensuite à d’autres réalisées au Canada, aux Pays-Bas et en Italie. Pour en savoir plus : http://www.puq.ca
Revue Développement social
On a longtemps sous-estimé l'importance du lien entre les problèmes environnementaux et la vie sociale. Nous savons tous pourtant que lorsque le ciel est assombri par le smog, on hésite à sortir de chez soi pour causer avec un voisin. Pour tous les collaborateurs de ce numéro consacré au développement durable, le côté vert du social et le côté social du vert vont de soi. La vue d'ensemble du Québec qui s'en dégage est enthousiasmante. Les Québécois semblent avoir compris qu'on peut redonner vie à la société en assainissant l'environnement et que les défits à relever pour assurer le développement durable sont des occasions à saisir pour resserrer le tissu social.
La réforme des tutelles: ombres et lumières.
En marge de la nouvelle loi française sur la protection des majeurs, qui doit entrer en vigueur en janvier 2009. La France comptera un million de personnes " protégées " en 2010. Le dispositif actuel de protection juridique n'est plus adapté. Ce " livre blanc " est un plaidoyer pour une mise en œuvre urgente de sa réforme. Les enjeux sont clairs lutter contre les abus, placer la protection de la personne, non plus seulement son patrimoine, au cœur des préoccupations, associer les familles en les informant mieux, protéger tout en respectant la dignité et la liberté individuelle. Le but est pluriel. Tout d'abord, rendre compte des difficultés, des souffrances côtoyées, assumer les ombres, et faire la lumière sur la pratique judiciaire, familiale et sociale ; Ensuite, expliquer le régime juridique de la protection des majeurs, et décrire le fonctionnement, les bienfaits, et les insuffisances ; Enfin, poser les jalons d'une réforme annoncée comme inéluctable et imminente mais systématiquement renvoyée à plus tard. Les auteurs: Michel Bauer, directeur général de l'Udaf du Finistère, l'une des plus grandes associations tutélaires de France, anime des groupes de réflexion sur le sujet et œuvre avec le laboratoire spécialisé de la faculté de droit de Brest. II est l'auteur d'ouvrages sur les tutelles et les curatelles. Thierry Fossier est président de chambre à la cour d'appel de Douai et professeur à l'Université d'Auvergne, où il codirige un master et l'IEJ. II est fondateur de l'Association nationale des juges d'instance, qui regroupe la grande majorité des juges des tutelles. II est l'auteur de nombreuses publications en droit de la famille et en droit des tutelles. Laurence Pécaut-Rivolier, docteur en droit, est magistrate à la Cour de cassation. Juge des tutelles pendant seize ans elle préside l'Association nationale des juges d'instance depuis plusieurs années.
Puzzle, Journal d'une Alzheimer
Ce livre, paru aux Éditions Josette de Lyon en 2004, a fait l'objet d'une émission d'une heure à Radio-France le 21 février 2008. Il est cité dans le préambule du rapport de la COMMISSION NATIONALE CHARGÉE DE L’ÉLABORATION DE PROPOSITIONS POUR UN PLAN NATIONAL CONCERNANT LA MALADIE D’ALZHEIMER ET LES MALADIES APPARENTÉES. Ce rapport fut remis au Président de la République française le 8 novembre 2007. «Je crois savoir où partent mes pensées perdues : elles s’évadent dans mon coeur…. Au fur et à mesure que mon cerveau se vide, mon coeur doit se remplir car j’éprouve des sensations et des sentiments extrêmement forts… Je voudrais pouvoir vivre le présent sans être un fardeau pour les autres et que l’on continue à me traiter avec amour et respect, comme toute personne humaine qui a des émotions et des pensées,même lorsque je semble «ailleurs »1à.
Les inattendus (Stock)
Premier roman d'Eva Kristina Mindszenti, jeune artiste peintre née d’un père hongrois et d’une mère norvégienne, qui vit à Toulouse. Le cadre de l'oeuvre: un hôpital pour enfants, en Hongrie. «Là gisent les "inattendus", des enfants monstrueux, frappés de maladies neurologiques et de malformations héritées de Tchernobyl, que leurs parents ont abandonné. Ils gémissent, bavent, sourient, râlent, mordent parfois. Il y a des visages "toujours en souffrance" comme celui de Ferenc évoquant "le Christ à la descente de la croix". Tout est figé, tout semble mort. Pourtant, la vie palpite et la beauté s’est cachée aussi au tréfonds de ces corps suppliciés. » (Christian Authier, Eva Kristina Mindszenti : une voix inattendue, «L'Opinion indépendante», n° 2754, 12 janvier 2007)
En toute sécurité
Cet ouvrage est l'adaptation québécoise de Safe and secure, publié par les fondateurs du réseau PLAN (Planned Lifetime Advocacy Network) et diffusé au Québec par un groupe affilié à PLAN, Réseaux pour l'avenir. Il s'agit d'un guide pratique dont le but est d'aider à les familles à planifier l'avenir "en toute sécurité" des membres de leur famille aux prises avec un handicap.
"Il faut rester dans la parade ! " - Comment vieillir sans devenir vieux
Auteur : Catherine Bergman. Éditeur : Flammarion Québec, 2005. "Dominique Michel, Jacques Languirand, Jean Béliveau, Antonine Maillet, Jean Coutu, Gilles Vigneault, Hubert Reeves, ils sont une trentaine de personnalités qui, ayant dépassé l’âge de la retraite, sont restés actives et passionnées. Ils n’ont pas la prétention de donner des conseils ni de s’ériger en modèles, mais leur parcours exceptionnel donne à leur parole une valeur inestimable. Journaliste d’expérience, Catherine Bergman les interroge sur le plaisir qu’ils trouvent dans ce qu’ils font, leur militantisme et leur vision de la société ; sur leur corps, ses douleurs et la façon dont ils en prennent soin ; sur leur rapport aux autres générations, ce qu’ils ont encore à apprendre et l’héritage qu’ils souhaitent transmettre ; sur leur perception du temps et leur peur de la mort. Son livre est un petit bijou, une réflexion inspirante sur la vieillesse et l’art d’être vivant." (présentation de l'éditeur).
Le temps des rites. Handicaps et handicapés
Auteur : Jean-François Gomez. Édition : Presses de l'Université Laval, 2005, 192 p. "Il est temps aujourd’hui de modifier profondément notre regard sur les personnes handicapées et sur les « exclus » de toute catégorie, qu’ils soient ou non dans les institutions. Pour l’auteur du Temps des rites, l’occultation du symbolique, ou son déplacement en une société de « signes » qui perd peu à peu toutes formes de socialités repérable et transmissible produit des dégâts incalculables, que les travailleurs sociaux, plus que quiconque doivent intégrer dans leur réflexion. Il faudrait s’intéresser aux rituels et aux « rites de passage » qui accompagnaient jusque là les parcours de toute vie humaine, débusquer l’existence d’une culture qui s’exprime et s’insinue dans toutes les étapes de vie. On découvrira avec étonnement que ces modèles anciens qui ont de plus en plus de la peine à se frayer une voie dans les méandres d’une société technicienne sont d’une terrible efficacité."
Dépendances et protection (2006)
Textes des conférences du colloque tenu le 27 janvier 2006 à l'Île Charron. Formation permanente du Barreau du Québec. Volume 238. 2006
Document associé
L'accomplissement selon Fernard Dumont
Dossier : Vieillesse
Dernière modification :
12 / 22 / 2008
Fernand Dumont

Extrait
«Quand on ne respecte plus les objets, je pense qu'on considère les hommes comme de faux objets.»[...]
«Il y a des vieux qui se déguisent, qui s'habillent en jeunes ... Mais qu'est-ce que cache ce déguisement? Les anciens étaient plus sages en décidant, de par les rôles sociaux, qu'à un moment donné on était vieux. On a le choix entre une sorte d'achèvement ridicule ou, au contraire, l'image de l'accomplissement. Je pense toujours au vieux Pasteur mourant, qui disait à sa femme en lui tenant la main: "Penses-tu que j'ai bien travaillé?" Ça c'est l'image de l'accomplissement. On peut regretter son enfance, mais on peut aussi la considérer, d'une manière beaucoup plus profonde, comme la source. Il est certain que l'enfance sera toujours l'image de la poésie, mais l'image de l'accomplissement est tout aussi belle que celle du commencement et de la poésie qui y est rattachée.

Au lieu de penser sans cesse à la mort, nous ferions peut-être mieux de penser davantage à la vieillesse. Il y a quelque chose de profond dans la vieillesse, derrière l'image caricaturale de la retraite. Il y aura un temps dans mon existence où, dépouillé de ces responsabilités qui m'accablent quotidiennement, je pourrai enfin ramasser mes idées. Qui n'a pas éprouvé ce sentiment très profondément? Quand on y pense bien, on constate que le temps de l'accomplissement ressemble à l'enfance. On y trouve la même gratuité. Mais on se heurte toujours à l'image indéracinable du progrès. Non, la vie n'est pas une flèche qu'on lance vers on ne sait quoi. La vie est un cercle. Ce qui était à l'origine est aussi à la fin: cet esprit d'enfance que je retrouve chez cet oncle qui, au moment où je vous parle, regarde venir sa mort paisiblement.»

Présentation
Voici un texte paru il y a trente ans, celui d'une interview que le sociologue québécois Fernand Dumont accordait à la revue Critère. Oubliez la date. Ce texte se situe hors du temps. Plusieurs des pensées qu'il contient auraient pu être écrites par Sénèque il y a deux mille ans et dans mille ans elles auront conservé toute leur pertinence.

Texte
CRITÈRE. On reproche souvent à la société d'infantiliser les vieillards ; on lui reproche également de ne pas faire assez pour leur sécurité. Ce sont souvent les mêmes personnes qui formulent ces deux reproches. Que pensez-vous de cette attitude contradictoire que l'on retrouve d'ailleurs dans toutes les situations où se posent des problèmes sociaux ?

Fernand Dumont. À première vue, il y a effectivement contradiction. D'une part, l'État donne l'impression d'être extrêmement attentif aux besoins les plus diversifiés. Il y a des allocations familiales, des allocations aux mères nécessiteuses, des allocations aux chômeurs, toutes choses qui n'existaient pas du temps de nos parents. Donc, apparemment, il y a une attention extrêmement minutieuse aux personnes. Mais j'ai l'impression que cette multiplication des services est d'abord et avant tout une bonne façon d'éviter les personnes concrètes. Prenons le problème des jeunes. Un jeune qui a des problèmes, comme on dit, a à sa disposition des orienteurs, des psychopédagogues et, dans certains cas, des sexologues, des psychothérapeutes, etc., en plus de ses professeurs bien entendu. Apparemment, tous les services lui sont offerts. Mais en tant que personne, en tant qu'être humain ayant des problèmes liés les uns aux autres, à qui peut-il s'adresser? À personne en particulier. Cette observation vaut pour l'ensemble de la population. Les services abondent partout. Nous avons même, grâce à la confédération, deux services de main-d'œuvre. Supposons un individu x ou y qui se rend à tel ou tel service. Comment réagira-t-il si on lui répond que, pour régler ses problèmes, il doit se rendre à tel autre service situé à l'extrémité opposée de la rue voisine? Nous savons qu'il y a une chance sur deux pour qu'il n'y aille pas. Parce qu'il se sent perdu dans un marécage de services, de subdivisions de sa propre personnalité. Nous avons beaucoup de services, certes, mais c'est d'abord celui qui rend le service qui y trouve satisfaction, en acquérant un statut social entre autres choses. L'autre, on a pris soin de diviser son problème en fonction des exigences de professions qui sont, il faut bien le dire, des professions bureaucratiques.

Pour répondre en deux mots à votre question, je dirai donc qu'on infantilise les vieillards en multipliant les services qui leur sont destinés, mais qu'on ne satisfait pas pour autant les besoins de sécurité et de reconnaissance qu'ils éprouvent en tant que personnes. Au fond, notre révolution tranquille n'a peut-être été qu'une révolution bureaucratique.

CRITÈRE. Et maintenant, la question naïve. Que faire? On ne peut tout de même pas réduire les services sous prétexte qu'ils ne s'adressent pas vraiment aux personnes. Une des solutions que l'on propose actuellement consisterait à créer des collèges et des universités du troisième âge. Que pensez-vous des solutions de ce genre?

F.D. Je vais vous paraître bien pessimiste. Je n'y crois guère. Pourquoi offrir au troisième âge des services déjà prévus pour d'autres âges? Je ne vois pas l'intérêt d'une chose pareille. Il y a déjà trop d'une université pour les jeunes. Pourquoi en faire une pour les vieux? Puisque nous parlons de système universitaire, voici le fond de ma pensée sur la question: il faut abolir l'université pour la jeunesse. Nous vivons encore en conformité avec un postulat selon lequel on fait l'école primaire, puis l'école secondaire, puis le collège, et enfin l'université et le doctorat. Celui qui n'a pas parcouru ce trajet peut toujours recourir à ce qu'on appelle des mécanismes de rattrapage. C'est contre cette idée de rattrapage que j'en ai particulièrement.

Depuis quelques années, nos universités font preuve de souplesse à l'égard des personnes de 40 ou 50 ans qui, bien qu'elles n'aient pas fait de cours classique ou de cours de cegep, rêvent de faire une maîtrise de philosophie ou de lettres. C'est déjà un premier pas, mais je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin. Considérons l'ensemble des occupations. Il est évident que certaines de ces occupations doivent être exercées par des jeunes. Par exemple, à 60 ans, quand on ne sait pas le solfège, ce n'est pas le temps de commencer une carrière musicale. Tout le monde sait aussi qu'il faut être jeune pour entreprendre des études en mathématiques. Après 30 ans, on a moins d'imagination. Mais on a autre chose ... D'autres occupations, par contre, ne devraient commencer qu'à des âges plus avancés de la vie. Par exemple, on ne fait pas des psychothérapeutes avec des enfants de 18 ou 19 ans. Ce qui se produit pourtant. On ne fait pas non plus des prêtres avec des enfants de 17 ou 18 ans, sous prétexte qu'ils sortent du cegep et que l'heure est venue pour eux d'entrer à la faculté de théologie. On ne fait pas non plus des philosophes avec des enfants du même âge, sous prétexte qu'il existe des facultés de philosophie et que la philosophie fait partie des options offertes aux finissants des cegeps. Il conviendrait de réserver des occupations pour les personnes plus âgées. Ces dernières, dans ces conditions, n'iraient pas à l'université pour faire du rattrapage, mais, comme les autres, pour se préparer d'une façon normale à des rôles qu'elles seront les plus aptes à remplir.

CRITÈRE. Vous êtes donc très près de Platon qui disait qu'il fallait attendre d'avoir 40 ans pour se consacrer à la philosophie.

F.D. Oui et je suis persuadé aussi que Platon ne croyait pas qu'en attendant pour être philosophe d'avoir 40 ans, on perdait nécessairement son temps.

CRITÈRE. Le même Platon prétendait également que les cas de divorce devaient être réglés par des jurys spéciaux composés de personnes ayant eu une longue et fructueuse expérience des bonheurs et des malheurs de la vie à deux. Le suivrez-vous aussi sur ce terrain?

F.D. Bien sûr. Mais remarquez que la société actuelle suit les principes opposés qui sont en fait ceux du technicisme. Bientôt, les gens de 40 ans qui voudront divorcer seront confrontés à une jeune fille de 20 ans qui leur donnera des conseils parce qu'elle aura étudié la question à l'université. C'est çà une société bureaucratique. Il n'y a plus personne derrière les services, ni devant.


CRITÈRE. Est-ce qu'à votre connaissance il y a eu avant la nôtre d'autres sociétés qui ont idolâtré la jeunesse comme nous le faisons?

F.D. Je ne suis pas très savant, mais je n'en connais pas. Ce mythe de la jeunesse me paraît être un phénomène typique, bien caractéristique de notre civilisation à son déclin.

CRITÈRE. Ce problème est lié, d'après vous, à la technologie?

F.D. Pas nécessairement. Il est d'abord lié au sens qu'on donne à la vieillesse. Le mythe de la jeunesse ne vient pas de la jeunesse. Ce ne sont pas les jeunes qui l'ont inventé, ce sont les hommes plus âgés. Ils l'ont inventé pour échapper à la contradiction fondamentale de notre société, la contradiction entre le travail et l'amour. Le travail est notre valeur officielle. Mais nous rêvons aussi de loisirs, d'amour, à condition surtout qu'il s'agisse d'un amour qui n'engage à rien. Il y a là une contradiction. Comment les hommes d'âge mûr échappent-ils à cette contradiction dans les faits? En travaillant. En travaillant tellement qu'ils sont obligés de rêver leurs loisirs. Et on dirait que plus ils sont élevés dans l'échelle sociale, plus ils travaillent. On a peine à imaginer ce que peut être la vie d'un médecin, compte tenu de la concurrence qui existe à l'heure actuelle. Notre homme est au bureau à 8 heures. Il se lève à 6 heures pour faire sa gymnastique afin de pouvoir travailler davantage. Puis, il y a le bureau, l'hôpital et de nouveau le bureau. S'il n'y a pas assez de patients au bureau, il risque de ne pouvoir remplir ses lits à l'hôpital. Il rentre chez lui à moitié mort le soir. Le voilà aux prises avec les problèmes des enfants, cette fois. Cet homme-là mène une vie absurde. Comment ne pourrait-il pas être tenté de se retourner vers sa jeunesse en disant: Ma foi, c'était le bon temps! Pas de responsabilités, pas de famille, pas de métier. Car, lorsqu'il regarde de l'autre côté, vers l'avant, il se dit: le plus terrible, c'est qu'à un moment donné je n'aurai même plus cet opium du travail et de la responsabilité, je vais être vieux, mort ... Et il a raison. À partir de 50, 60 ans, les gens sont morts, morts en sursis, parce qu'on est déjà vieux au fond à 25 ans. À partir du moment où on se marie, où on a des responsabilités, on est déjà vieux...

C'est le drame de l'âge mûr qui a contribué à créer cet isolement de la jeunesse, sans précédent dans l'histoire, cette espèce d'âge d'attente où il faut faire les fous avant d'entrer dans la société adulte dont le père et le professeur donnent l'image.

CRITÈRE. Il y a plusieurs âges mais surtout, au bout du dernier âge, il y a la mort. Est-ce que, au fond, le drame de l'âge mûr ne serait pas religieux? Nietzsche a dit que le travail est le pire ennemi du sentiment religieux. Est-ce que la fuite dans le travail n'a pas sa racine dans la disparition du sentiment religieux? La mort étant devenue l'objectif, au sens militaire du terme, est-ce que la courbe de l'existence humaine peut être autre chose que cette chute conforme aux lois de la balistique?

F.D. Quelle que soit l'importance de ce qu'on appelle le progrès, il demeure qu'il y a deux limites qui définissent l'homme: le fait qu'il soit né, qu'il soit le fils de quelqu'un et le fait qu'il doit mourir. Le vice fondamental des sociétés occidentales, surtout depuis le 18e siècle, c'est d'avoir essayé d'oublier ces deux limites. Le problème du vieillissement n'est pas un problème particulier pour lequel il faudrait trouver un remède spécifique. C'est un aspect d'un problème général. Ici, comme dans le cas de l'histoire, on est victime des vieilles philosophies du progrès.

CRITÈRE. Qu'est-ce que vous entendez par vieilles philosophies du progrès?

F.D. Je vois un parallélisme entre la conception qu'on se fait de l'histoire des sociétés et celle qu'on se fait de l'histoire des individus. Ça ne va pas très bien aujourd'hui, mais ca ira mieux demain. Les vieux philosophes libéraux pensaient ainsi, les marxistes aussi. De ce point de vue, il n'y a guère de différence entre le libéralisme et le marxisme. On a de part et d'autre la même croyance fondamentale: les lumières vont s'étendre, comme on disait au 18e siècle; avec l'éducation, avec les réformes politiques, on finira bien par arriver, un jour lointain, à une situation où l'on pourra enfin se reposer dans une histoire qui ne sera plus une histoire.

Je parlais de parallélisme. Le voici: on pense tout naturellement que, dans la vie humaine, il devrait y avoir aussi une sorte de progrès. D'où le vice profond de notre système d'éducation. Il y a la pré-maternelle, la maternelle, l'élémentaire et ainsi de suite jusqu'au doctorat. Bientôt, j'en suis persuadé, on enseignera à travers le ventre de la mère. Pourquoi est-ce qu'on a tellement de difficulté à se défaire de ces règles? C'est parce que le système scolaire, toujours depuis le 18e siècle, est fondé sur l'idée d'un progrès qui normalement devrait s'étendre indéfiniment.

CRITÈRE. Les vieillards accomplis ont cessé d'être des pôles d'attraction, signe qu'on ne croit plus au progrès intérieur. Est-ce qu'on n'en est pas réduit, par compensation, à croire au progrès extérieur: celui des sociétés?

F.D. On a parlé du problème de la mort chez Marx, Il est évident que c'est là le plus gros problème du marxisme. Que faire de la finitude humaine? Soyons plus précis. Ce n'est pas l'athéisme qui m'apparaît gênant chez Marx. Théoriquement on pourrait être marxiste tout en étant croyant. La question n'est pas là. Elle est dans la conception qu'on se fait, à l'intérieur du marxisme, de la fin de l'existence individuelle et de la fin de l'existence collective, de l'histoire. Le marxisme, à cet égard, me paraît monstrueux. Il me semble qu'il n'a pas donné de sens à la finitude de l'homme.

CRITÈRE. On sait que Marx a escamoté la mort. Mais comment le Problème de la finitude se présente-t-il dans son œuvre?

F.D. Il ne se présente pas. Je connais des choses sur l'enfance dans Marx, je ne connais rien sur la mort. Sur l'enfance, il y a une page, d'ailleurs bien connue, qui est troublante. Marx était un idéologue du progrès, comme tous les hommes de son temps. Ce qui le gênait, chacun a sa fissure, c'était l'art grec, qu'il admirait infiniment. Compte tenu de son système, il aurait fallu qu'il range cet art parmi les idéologies de la cité grecque. Mais il en faisait une exception en disant: quand il s'agit de l'enfance de l'humanité, on peut déroger à l'explication idéologique. Engels pensait la même chose des sociétés primitives. Lui aussi était en accord avec l'idéologie de son époque. Au commencement de l'histoire, il y avait, selon lui, une sorte d'enfance de l'humanité; temps merveilleux, que peut-être on pourrait retrouver un jour, à la fin, tout à fait à la fin ...

À mon sens, ce n'est pas par accident que le marxisme engendre des sociétés totalitaires. C'est parce qu'il évacue la mort. L'origine profonde de toutes les sociétés totalitaires, c'est le fait qu'on ne tient pas compte de la finitude de l'homme, qu'on veut ériger le monde humain en système, en prenant pour acquis que tout système social pourrait durer.

CRITÈRE. Vous seriez donc d'accord avec Lord Acton qui disait que le meilleur moyen de faire de la terre un enfer, c'est de vouloir en faire un paradis ...

F.D. Parfaitement. Cette mentalité engendre des problèmes qui ont un rapport étroit avec notre sujet. Les hommes ne vivent plus dans le présent, aussi bien sur le plan collectif - où ils se préoccupent surtout de la croissance du PNB ou de la société sans classes qui viendra un jour - que sur le plan personnel où ils halètent vers un vieillissement que, d'ailleurs, ils ne désirent pas. Non, nous ne vivons pas dans le présent. Je trouve à ce propos que les utopies sont extrêmement pernicieuses. Elles reportent toujours les hommes dans un monde où ils ne sont pas. Sur ce point, je suis platonicien. Ce qui est merveilleux dans la République de Platon, c'est qu'il y a une utopie, un modèle pour la société, mais ce modèle n'est pas dans l'avenir. Platon le dit expressément: ce que je décris comme une république n'adviendra jamais, mais si les citoyens qui vivent dans la cité ont toujours devant les yeux le modèle de cette république,
alors . . . Donc, il faut mettre l'utopie au-dessus de nous et non au-devant de nous. Mais je me demande comment nous allons faire pour déraciner ce postulat que nous portons tous jusqu'au fond de notre être, qui dit que l'histoire va quelque part et que la vie humaine va vers un accomplissement. Ce n'est pas vrai. La vie humaine va vers la mort.

CRITÈRE. Le sens de l'histoire aurait donc éliminé le sens de la vie?

F.D. C est ce que je crois. On pourrait avoir un autre sens de l'histoire. il n'est pas inventé encore. Un sens de l'histoire où il n'y aurait pas d'accomplissement, seulement des recommencements. Une telle conception de l'histoire s'applique aux âges de la vie. Ceux qui, comme moi, approchent de la cinquantaine savent très bien que s'ils vivent encore, ce n'est pas parce qu'il y a eu dans leur vie une belle ligne continue qui mène à la maturité, aux feuilles d'automne, aux fruits qui tombent, mais parce que, à trois ou quatre reprises, il y a eu dans leur vie des recommencements, aussi absolus que la naissance. C'est ce qu'a été pour moi
la quarantaine. C'est ce que sera la mort, je crois, mais là ... le parle en tant que chrétien. Quoi qu'il en soit, plus je vieillis, plus je conçois la mort de cette façon: comme une autre étape.


CRITÈRE. justement, je voudrais que nous reprenions notre réflexion sur l'âge et lia vie, mais sous un autre angle. N'y aurait-il pas un lien très étroit entre le gaspillage dans les petites choses de la vie, le fait que tout soit désacralisé, jeté après usage, et le fait que les vieillards ne soit plus traités comme des personnes?

F.D. Je vais tâcher de relier ma réponse à cette question à des choses que j'ai dites précédemment. À partir du moment où les relations entre les hommes sont réduites à des fonctions, c'est un fait que les attitudes vis-à-vis des humains ressemblent aux attitudes qu'on a vis-à-vis des objets. D'autre part, je pense que notre attitude vis-à-vis des objets n'est pas plus normale que notre attitude vis-à-vis des humains. Mais parler ainsi, c'est supposer que les objets peuvent avoir avec nous des relations qui ne sont pas de pures relations de nature, que les objets aussi peuvent être habités de quelque manière par le sacré. On comprend que l'on garde un croûton de pain dans lequel on voit l'œuvre de l'homme, la relation qu'il a inscrite dans le monde qui l'entoure; mais pourquoi ne jetterait-on pas un croûton de pain s'il s'agit d'un pur objet? Quand on ne respecte plus les objets, je pense qu'on considère les hommes comme de faux objets.

CRITÈRE. Cette relation entre l'attitude à l'égard des objets et l'attitude à l'égard des hommes est sans doute la même à tous les âges de la vie; elle ne concerne pas les vieillards particulièrement ...

F.D. Je crois effectivement que de plus en plus on éduque les enfants exactement comme on traite les vieillards. Regardons par exemple l'évolution de la psychologie de l'enfant. Quand j'ai étudié à Paris en 1956-57, pour faire mon doctorat, je me suis imposé de faire en plus mon premier cycle en psychologie. La psychologie de l'enfant était encore considérée comme un instrument utile pour élever des enfants. On en est très vite arrivé à considérer que la façon dont les enfants se développent d'ordinaire -on dit "normalement", ce qui est une erreur - est la norme selon laquelle ils devraient se développer. Autrement dit, ce qui était un instrument subordonné à un projet d'éducation, c'est-à-dire à un projet d'enfance, est devenu la norme de l'enfance. Je suis tout aussi inquiet de voir se développer une semblable utilisation de la gériatrie.

CRITÈRE. Qu'avez-vous à reprocher à l'utilisation que l'on fait de la gériatrie?

F.D. À première vue, je me dis que tout cela a du bon sens. Pourquoi ne pas étudier les vieillards si on veut bien s'en occuper? Il y a trente ou quarante ans, on disait aussi: pour s'occuper vraiment des enfants, il faut une science de l'enfant. Le problème, dans un cas comme dans l'autre, c'est que ce que nous appelons conventionnellement science devient finalement la norme. On commença déjà à dire aux vieillards, voici ce que vous devriez être. Et on s'appuie souvent pour cela davantage sur des études proprement positives que sur un projet de vieillesse.

CRITÈRE. Mais le recours à la méthode scientifique pour l'étude de réalités telles que l'enfance et la vieillesse ne conduit-il pas inévitablement à la confusion que vous dénoncez?

F.D. Pour répondre à cette question, je vais devoir revenir à des lieux communs concernant la science. La fonction de la science, c'est d'axiomatiser, de réduire par exemple à des relations mathématiques les conditions d'existence de la matière et, dans le cas des sciences humaines, de l'homme lui-même. Ce besoin de rationalité, de vérité -j'emploie le mot vérité dans le sens qu'on lui donne aujourd'hui, les anciens avaient une conception beaucoup plus riche de la vérité, mais elle n'a plus cours, il faut y renoncer - est un idéal noble incontestablement. Mais le problème de la science, c'est aussi celui de sa pertinence. J'attache beaucoup d'importance à cette distinction entre vérité et pertinence. Une chose peut être exacte et n'avoir aucun sens pour moi. Nous touchons là l'ambiguïté de la place de la science dans nos sociétés. Pour que nous poursuivions ainsi isolément la rationalité, l'axiomatisation de l'existence de l'homme, pour qu'ait pu se développer d'une façon aussi prodigieuse la psychologie de l'enfant, par exemple, il a bien fallu que nos sociétés ne résistent pas beaucoup en ce qui a trait à la pertinence, qu'elles perdent facilement le pouvoir de dire: l'enfant, dans l'ensemble de la vie humaine, dans l'ensemble de la vie collective, c'est ceci! Il a fallu que nos sociétés démissionnent, qu'elles renient leur conception des rôles sociaux. C'est à cause de cette démission que la science de l'homme a pu se développer comme elle l'a fait. Le problème qui se pose à nous, c'est de savoir si nous sommes encore capables, dans nos vies personnelles, dans la vie collective, de restaurer ce que j'appelle la pertinence, c'est-à-dire la signification. S'il n'y a plus une conception du devenir humain qui puisse être partagée par l'ensemble, s'il n'y a plus de sagesse, la science va prendre toute la place et elle va devenir la norme puisqu'il n'y en aura pas d'autres. Elle va laisser entendre, ce qui est la suprême supercherie, qu'elle est elle-même à la fois la vérité et la signification des choses, en l'occurrence la signification des âges de la vie.

CRITÈRE. Y a-t-il une science de la maturité qui se soit développée de la même manière que la science de l'enfance et celle de la vieillesse?

F.D. Non et c'est très curieux. Il y a un étrange déséquilibre qui reflète sans doute l'évolution de nos sociétés depuis le début du 20e siècle. Il est étonnant que la psychologie de l'enfant soit devenue une discipline aussi prodigieusement élaborée. Sur la vieillesse, il commence à y avoir des travaux. Sur la maturité comme telle, il n'y a presque rien à ma connaissance.

CRITÈRE. Est-ce que cela ne tiendrait pas au fait que la maturité ne se laisserait pas réduire à des données statistiques aussi facilement que l'enfance et la vieillesse?

F.D. Si, par exemple, Piaget et Vallon s'arrêtent à 10 ou 12 ans, ce n'est pas parce que la liberté de l'adulte leur faisait peur; c'est parce qu'ils considéraient qu'à cet âge l'essentiel est acquis.

CRITÈRE. Une dernière question. On vieillit plus qu'avant au Québec. Trouvez-vous qu'on vieillit mieux?

F.D. Mon père m'a dit un jour: "Les gens de la génération de ton grand-père, quand ils arrivaient à 40 ans, décidaient d'être vieux. À ce moment-là, ils allaient chercher le costume noir qu'ils avaient revêtu à leur mariage et ils se mettaient à marcher plus lentement." Ils entraient dans leur rôle en quelque sorte. Et mon père poursuivait: "Pour les femmes, c'était la même chose. Il y avait un âge pour devenir vieilles. Mais notre problème à nous, c'est que nous appartenons à la première génération différente d'eux. (Mon père est mort à 76 ans). Il a fallu faire semblant d'être jeunes plus longtemps."

On assume de moins en moins la logique biologique. Il y a un vieillissement. C'est un fait, par exemple, tous les médecins vous le diront, qu'il y a beaucoup d'hommes de 50 ou 55 ans qui sont impuissants. Il y a une immense hypocrisie autour de ces réalités. Il y a des vieux qui se déguisent, qui s'habillent en jeunes ... Mais qu'est-ce que cache ce déguisement? Les anciens étaient plus sages en décidant, de par les rôles sociaux, qu'à un moment donné on était vieux. On a le choix entre une sorte d'achèvement ridicule ou, au contraire, l'image de l'accomplissement. Je pense toujours au vieux Pasteur mourant, qui disait à sa femme en lui tenant la main: "Penses-tu que j'ai bien travaillé?" Ça c'est l'image de l'accomplissement. On peut regretter son enfance, mais on peut aussi la considérer, d'une manière beaucoup plus profonde, comme la source. Il est certain que l'enfance sera toujours l'image de la poésie, mais l'image de l'accomplissement est tout aussi belle que celle du commencement et de la poésie qui y est rattachée.

Au lieu de penser sans cesse à la mort, nous ferions peut-être mieux de penser davantage à la vieillesse. Il y a quelque chose de profond dans la vieillesse, derrière l'image caricaturale de la retraite. Il y aura un temps dans mon existence où, dépouillé de ces responsabilités qui m'accablent quotidiennement, je pourrai enfin ramasser mes idées. Qui n'a pas éprouvé ce sentiment très profondément? Quand on y pense bien, on constate que le temps de l'accomplissement ressemble à l'enfance. On y trouve la même gratuité. Mais on se heurte toujours à l'image indéracinable du progrès. Non, la vie n'est pas une flèche qu'on lance vers on ne sait quoi. La vie est un cercle. Ce qui était à l'origine est aussi à la fin: cet esprit d'enfance que je retrouve chez cet oncle qui, au moment où je vous parle, regarde venir sa mort paisiblement.

Source imprimée
Revue Critère
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Genre de texte
Entrevue
Secteur
Sociétés / Groupes
Discipline
Sociologie
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