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Un minou robot pour mamie
Un minou robot pour mamie (Jacques Dufresne)

Revue Le partenaire
Créée en 1992, la revue le partenaire est devenue au Québec une voix importante pour les personnes utilisatrices de services en santé mentale et pour tous les acteurs concernés par la réadaptation psychosociale, le rétablissement et la problématique de la santé mentale. Ses éditoriaux, ses articles, ses dossiers proposent une information à la fine pointe des connaissances dans le champ de la réadaptation psychosociale. Ils contribuent à enrichir la pratique dans ce domaine et à stimuler le débat entre ses membres.
Destination El Paradiso
El Paradiso n’est pas une maison de retraite comme les autres. Située dans une île enchanteresse qui est réservée à son usage, elle accueille des pensionnaires bien particuliers. Ce sont, par un aspect ou l’autre de leur vie, par ailleurs tout à fait honorable, des originaux, des excentriques, habités par une douce folie, qui n’a sans doute d’égal que la simplicité de leur bonheur. C’est une galerie de personnages un peu fantasques que nous fait rencontrer cet ouvrage tout empreint de tendresse, d’humour et d’humanité. Voici donc les premiers douze membres de ce club très spécial: Perry Bedbrook, Guy Joussemet, Édouard Lachapelle, Andrée Laliberté, Céline Lamontagne, Guy Mercier, Avrum Morrow, Lorraine Palardy, Antoine Poirier, Michel Pouliot, Charles Renaud, Peter Rochester.
Le Guérisseur blessé
Le Guérisseur blessé de Jean Monbourquette est paru au moment où l’humanité entière, devant la catastrophe d’Haïti, s’est sentie blessée et a désiré contribuer de toutes sortes de façons à guérir les victimes de ce grand malheur. Bénéfique coïncidence, occasion pour l’ensemble des soignants du corps et de l’âme de s’alimenter à une source remarquable. Dans ce livre qui fut précédé de plusieurs autres traitant des domaines de la psychologie et du développement personnel , l’auteur pose une question essentielle à tous ceux qui veulent soigner et guérir : « Que se cache-t-il derrière cette motivation intime à vouloir prendre soin d’autrui? Se pourrait-il que la majorité de ceux et celles qui sont naturellement attirés par la formation de soignants espèrent d’abord y trouver des solutions à leurs propres problèmes et guérir leurs propres blessures? » Une question qui ne s’adresse évidemment pas à ceux qui doivent pratiquer une médecine de guerre dans des situations d’urgence!
Mémoire et cerveau
Dans ce numéro de La Recherche, on se limite à étudier la mémoire dans la direction indiquée par le psychologue torontois Endel Tulving, reconnu en en ce moment comme l'un des grands maîtres dans ce domaine. Cela confère au numéro un très haut degré de cohérence qui en facilite la lecture. Culving est à l'origine de la distinction désormais universellement admise entre la « mémoire épisodique » portant sur des événements vécus et la « mémoire sémantique » portant sur des concepts, des connaissances abstraites. C'est la première mémoire que je mets en œuvre quand je m'efforce d'associer des mots à un événement passé, un voyage par exemple; je m'en remets à la seconde quand je m'efforce d'associer des mots automatiquement les uns aux autres, abstraction faite de tout événement vécu auquel ces mots pourraient se rapporter. Au cours de la décennie 1960, Tulving a constaté que les résultats obtenus grâce au premier exercice étaient beaucoup moins bons que ceux obtenus par le second exercice, ce qui l'a incité à faire l'hypothèse qu'il existe deux mémoires distinctes.
Spécial Mémoire
Dans ce numéro de La Recherche, on se limite à étudier la mémoire dans la direction indiquée par le psychologue torontois Endel Tulving, reconnu en en ce moment comme l'un des grands maîtres dans ce domaine. Cela confère au numéro un très haut degré de cohérence qui en facilite la lecture. Culving est à l'origine de la distinction désormais universellement admise entre la « mémoire épisodique » portant sur des événements vécus et la « mémoire sémantique » portant sur des concepts, des connaissances abstraites. C'est la première mémoire que je mets en œuvre quand je m'efforce d'associer des mots à un événement passé, un voyage par exemple; je m'en remets à la seconde quand je m'efforce d'associer des mots automatiquement les uns aux autres, abstraction faite de tout événement vécu auquel ces mots pourraient se rapporter. Au cours de la décennie 1960, Tulving a constaté que les résultats obtenus grâce au premier exercice étaient beaucoup moins bons que ceux obtenus par le second exercice, ce qui l'a incité à faire l'hypothèse qu'il existe deux mémoires distinctes.
L'itinérance au Québec
La personne en situation d’itinérance est celle : […] qui n’a pas d’adresse fixe, de logement stable, sécuritaire et salubre, à très faible revenu, avec une accessibilité discriminatoire à son égard de la part des services, avec des problèmes de santé physique, de santé mentale, de toxicomanie, de violence familiale ou de désorganisation sociale et dépourvue de groupe d’appartenance stable. Cette définition met en évidence la complexité du phénomène et l’importance de l’aspect multifactoriel des éléments déclencheurs tels que la précarité résidentielle et financière, les ruptures sociales, l’accumulation de problèmes divers (santé mentale, santé physique, toxicomanie, etc.). L’itinérance n’est pas un phénomène dont les éléments forment un ensemble rigide et homogène et elle ne se limite pas exclusivement au passage à la rue.L’itinérance est un phénomène dynamique dont les processus d’exclusion, de marginalisation et de désaffiliation en constituent le coeur.
L’habitation comme vecteur de lien social
Evelyne Baillergeau et Paul Morin (2008). L’habitation comme vecteur de lien social, Québec, Collection Problèmes sociaux et intervention, PUQ, 301 p. Quel est le rôle de l’habitation dans la constitution d’un vivre ensemble entre les habitants d’un immeuble, d’un ensemble d’habitations ou même d’un quartier ? Quelles sont les répercussions des conditions de logement sur l’organisation de la vie quotidienne des individus et des familles et sur leurs modes d’inscription dans la société ? En s’intéressant à certaines populations socialement disqualifi ées, soit les personnes ayant des problèmes de santé mentale et les résidents en habitation à loyer modique, les auteurs étudient le logement non seulement comme l’un des déterminants de la santé et du bien-être, mais également comme un lieu d’intervention majeur dans le domaine des services sociaux. De la désinstitutionnalisation à l’intégration, des maisons de chambres aux HLM, ils décrivent et analysent des expériences ayant pour objectif le développement individuel et collectif des habitants et les comparent ensuite à d’autres réalisées au Canada, aux Pays-Bas et en Italie. Pour en savoir plus : http://www.puq.ca
Revue Développement social
On a longtemps sous-estimé l'importance du lien entre les problèmes environnementaux et la vie sociale. Nous savons tous pourtant que lorsque le ciel est assombri par le smog, on hésite à sortir de chez soi pour causer avec un voisin. Pour tous les collaborateurs de ce numéro consacré au développement durable, le côté vert du social et le côté social du vert vont de soi. La vue d'ensemble du Québec qui s'en dégage est enthousiasmante. Les Québécois semblent avoir compris qu'on peut redonner vie à la société en assainissant l'environnement et que les défits à relever pour assurer le développement durable sont des occasions à saisir pour resserrer le tissu social.
La réforme des tutelles: ombres et lumières.
En marge de la nouvelle loi française sur la protection des majeurs, qui doit entrer en vigueur en janvier 2009. La France comptera un million de personnes " protégées " en 2010. Le dispositif actuel de protection juridique n'est plus adapté. Ce " livre blanc " est un plaidoyer pour une mise en œuvre urgente de sa réforme. Les enjeux sont clairs lutter contre les abus, placer la protection de la personne, non plus seulement son patrimoine, au cœur des préoccupations, associer les familles en les informant mieux, protéger tout en respectant la dignité et la liberté individuelle. Le but est pluriel. Tout d'abord, rendre compte des difficultés, des souffrances côtoyées, assumer les ombres, et faire la lumière sur la pratique judiciaire, familiale et sociale ; Ensuite, expliquer le régime juridique de la protection des majeurs, et décrire le fonctionnement, les bienfaits, et les insuffisances ; Enfin, poser les jalons d'une réforme annoncée comme inéluctable et imminente mais systématiquement renvoyée à plus tard. Les auteurs: Michel Bauer, directeur général de l'Udaf du Finistère, l'une des plus grandes associations tutélaires de France, anime des groupes de réflexion sur le sujet et œuvre avec le laboratoire spécialisé de la faculté de droit de Brest. II est l'auteur d'ouvrages sur les tutelles et les curatelles. Thierry Fossier est président de chambre à la cour d'appel de Douai et professeur à l'Université d'Auvergne, où il codirige un master et l'IEJ. II est fondateur de l'Association nationale des juges d'instance, qui regroupe la grande majorité des juges des tutelles. II est l'auteur de nombreuses publications en droit de la famille et en droit des tutelles. Laurence Pécaut-Rivolier, docteur en droit, est magistrate à la Cour de cassation. Juge des tutelles pendant seize ans elle préside l'Association nationale des juges d'instance depuis plusieurs années.
Puzzle, Journal d'une Alzheimer
Ce livre, paru aux Éditions Josette de Lyon en 2004, a fait l'objet d'une émission d'une heure à Radio-France le 21 février 2008. Il est cité dans le préambule du rapport de la COMMISSION NATIONALE CHARGÉE DE L’ÉLABORATION DE PROPOSITIONS POUR UN PLAN NATIONAL CONCERNANT LA MALADIE D’ALZHEIMER ET LES MALADIES APPARENTÉES. Ce rapport fut remis au Président de la République française le 8 novembre 2007. «Je crois savoir où partent mes pensées perdues : elles s’évadent dans mon coeur…. Au fur et à mesure que mon cerveau se vide, mon coeur doit se remplir car j’éprouve des sensations et des sentiments extrêmement forts… Je voudrais pouvoir vivre le présent sans être un fardeau pour les autres et que l’on continue à me traiter avec amour et respect, comme toute personne humaine qui a des émotions et des pensées,même lorsque je semble «ailleurs »1à.
Les inattendus (Stock)
Premier roman d'Eva Kristina Mindszenti, jeune artiste peintre née d’un père hongrois et d’une mère norvégienne, qui vit à Toulouse. Le cadre de l'oeuvre: un hôpital pour enfants, en Hongrie. «Là gisent les "inattendus", des enfants monstrueux, frappés de maladies neurologiques et de malformations héritées de Tchernobyl, que leurs parents ont abandonné. Ils gémissent, bavent, sourient, râlent, mordent parfois. Il y a des visages "toujours en souffrance" comme celui de Ferenc évoquant "le Christ à la descente de la croix". Tout est figé, tout semble mort. Pourtant, la vie palpite et la beauté s’est cachée aussi au tréfonds de ces corps suppliciés. » (Christian Authier, Eva Kristina Mindszenti : une voix inattendue, «L'Opinion indépendante», n° 2754, 12 janvier 2007)
En toute sécurité
Cet ouvrage est l'adaptation québécoise de Safe and secure, publié par les fondateurs du réseau PLAN (Planned Lifetime Advocacy Network) et diffusé au Québec par un groupe affilié à PLAN, Réseaux pour l'avenir. Il s'agit d'un guide pratique dont le but est d'aider à les familles à planifier l'avenir "en toute sécurité" des membres de leur famille aux prises avec un handicap.
"Il faut rester dans la parade ! " - Comment vieillir sans devenir vieux
Auteur : Catherine Bergman. Éditeur : Flammarion Québec, 2005. "Dominique Michel, Jacques Languirand, Jean Béliveau, Antonine Maillet, Jean Coutu, Gilles Vigneault, Hubert Reeves, ils sont une trentaine de personnalités qui, ayant dépassé l’âge de la retraite, sont restés actives et passionnées. Ils n’ont pas la prétention de donner des conseils ni de s’ériger en modèles, mais leur parcours exceptionnel donne à leur parole une valeur inestimable. Journaliste d’expérience, Catherine Bergman les interroge sur le plaisir qu’ils trouvent dans ce qu’ils font, leur militantisme et leur vision de la société ; sur leur corps, ses douleurs et la façon dont ils en prennent soin ; sur leur rapport aux autres générations, ce qu’ils ont encore à apprendre et l’héritage qu’ils souhaitent transmettre ; sur leur perception du temps et leur peur de la mort. Son livre est un petit bijou, une réflexion inspirante sur la vieillesse et l’art d’être vivant." (présentation de l'éditeur).
Le temps des rites. Handicaps et handicapés
Auteur : Jean-François Gomez. Édition : Presses de l'Université Laval, 2005, 192 p. "Il est temps aujourd’hui de modifier profondément notre regard sur les personnes handicapées et sur les « exclus » de toute catégorie, qu’ils soient ou non dans les institutions. Pour l’auteur du Temps des rites, l’occultation du symbolique, ou son déplacement en une société de « signes » qui perd peu à peu toutes formes de socialités repérable et transmissible produit des dégâts incalculables, que les travailleurs sociaux, plus que quiconque doivent intégrer dans leur réflexion. Il faudrait s’intéresser aux rituels et aux « rites de passage » qui accompagnaient jusque là les parcours de toute vie humaine, débusquer l’existence d’une culture qui s’exprime et s’insinue dans toutes les étapes de vie. On découvrira avec étonnement que ces modèles anciens qui ont de plus en plus de la peine à se frayer une voie dans les méandres d’une société technicienne sont d’une terrible efficacité."
Dépendances et protection (2006)
Textes des conférences du colloque tenu le 27 janvier 2006 à l'Île Charron. Formation permanente du Barreau du Québec. Volume 238. 2006
Document associé
L'infantilisation des aînés: pourquoi s'en indigner?
Dossier : Repenser la solidarité
Dernière modification :
06 / 09 / 2009
Jacques Dufresne

Frans Hals, Portrait d'une femme.

Présentation
Le recours à des clowns pour adoucir le sort des aînés en perte d'autonomie a suscité au Québec un débat fécond. L'initiative nous paraît heureuse dans la mesure où les clowns en cause ont de leur mission une idée aussi haute que Howard Buten, dit Buffo, a de la sienne. Elle nous paraît mal avisée dans la mesure ou elle renforce une tendance déjà trop forte: cette infantilisation des aînés dont l'une des conséquences est qu'on se sent justifié de les gaver de médicaments.

Texte
Si cette tendance provoque encore l'indignation, cette indignation paraît de plus en plus condamnée à demeurer sans écho, même si l'on peut démontrer que l'infantilisation est l'une ces causes de l'isolement des aînés. On se résigne à ce mal parce qu'il apparaît comme un risque qu'il vaut la peine de courir pour remédier à la souffrance du grand âge ? Il y a dans le contexte actuel tant de forces qui nous poussent dans cette direction, qu'il est devenu nécessaire, ne serait-ce que pour rétablir les conditions d'un choix éclairé, d'exposer la conception de l'homme au nom de laquelle on s'indigne devant l'infantilisation. Il nous faut pour cela remonter jusqu'aux grandes questions philosophiques : Qui sommes-nous? Où allons-nous? La vie humaine a-t-elle un sens?

Pourquoi refaire cet antique exercice? Parce qu'il ne vit que d'être refait, parce qu'il est l'éternelle jeunesse de la pensée, parce que c'est seulement à la condition que nous nous entendions entre nous sur des éléments de réponse aux grandes questions que nous pouvons coopérer en vue d'améliorer le sort des personnes âgées, notre propre sort à venir.

Questions

«Près de la mer, la mer nocturne et déserte,
Un jeune homme est debout,
Le cœur plein de chagrin, l'esprit plein de doute;
Sombre et triste, il interroge les flots:

«Oh! expliquez-moi l'énigme de la vie,
L'antique et douloureuse énigme,
Sur laquelle tant d'hommes se sont penchés:
Savants à calottes hiéroglyphiques,
Magiciens en turban et barrettes noires,
Têtes coiffées de perruques et mille autres
Pauvres fronts humains baignés de sueur.
Dites-moi, la vie humaine a-t-elle un sens?
D'où vient l'homme? Où va-t-il?
Qui habite là-haut dans les étoiles d'or?»

Les flots murmurent leur éternelle chanson,
Le vent souffle, et les nuages s'enfuient,
Les étoiles scintillent, indifférentes et froides,
Et un fou attend une réponse. »
1



Remarquons que c'est un fou qui attend une réponse.

Voici néanmoins une conception du monde et de l'homme à la lumière de laquelle on pourra comprendre les fondements de l'indignation devant un certain sort réservé aux aînés. Un mot la résume: intelligence. Un personnage l'illustre mieux que tout autre, Anaxagore, ami et maître de Périclès: «Ses contemporains, précise Plutarque, l'appelaient l'Intelligence, soit par admiration pour ses connaissances sublimes et sa subtilité à pénétrer les secrets de la nature, soit parce qu'il avait le premier établi pour principe de la formation du monde, non le hasard et la nécessité, mais une intelligence pure et simple qui avait tiré du chaos des substances homogènes. » Si on appelle l'univers macrocosme, littéralement le grand monde, on appellera l'homme, par analogie, le microcosme, le petit monde, et la mission de l'intelligence sera de régner en lui comme elle règne dans l'univers, en façonnant le chaos initial pour qu'il devienne unité, harmonie.


Anaxagore de Clazomène

Nous arrivons au même point si nous suivons la piste que nous indiquent aussi bien le langage courant que notre propre constitution physique: une tête, un cœur, un ventre, eux-mêmes associés à notre constitution psychologique: l'esprit, l'affectivité, les instincts. «Elle a toute sa tête», disons-nous d'une personne qui a conservé la maîtrise d'elle-même. De celle qui a des comportements erratiques, nous disons «qu'elle n'a pas toute sa tête à elle» et, nuance, de celle qui sombre dans la démesure, nous disons qu'elle «a perdu la tête». Un être indifférent au malheur des autres est un «sans cœur». «Il a du cœur» ou mieux encore «il a bon cœur» quand il est sensible à la souffrance d'autrui. «Ventre affamé n'a pas d'oreilles!» On n'entend plus le monde extérieur, on est coupé de lui quand on est emporté par un besoin puissant ; on n'entend même plus la voix réprobatrice de la tête, de la raison. «Savoir raison garder »: éduquer un enfant en ce sens est un long et difficile apprentissage, qui a heureusement le mérite d'indiquer la direction dans laquelle la croissance de l'être humain doit s'opérer.

Pour la tête, pour le chef, il y a autant de façons de commander qu'il y a de régimes politiques possibles dans un pays. Dans le danger, à la guerre par exemple, on ne discute pas démocratiquement avec son cœur et son ventre; on les mobilise instantanément avec ou contre leur gré, avec l'espoir qu'ils apportent leur soutien à la tête. On dit alors que le soldat a du cœur au ventre. C'est en pensant à ces situations que le philosophe Alain écrit: « L'âme c'est ce qui dit non quand le corps dit oui » ou que, en plein combat, s'adressant à son corps, le maréchal Turenne s'écrie: « Tu trembles carcasse! »

Nous venons d'introduire le mot âme en l'associant à la tête, au principe directeur en nous. La tête est froide et il faut savoir la garder froide dans les moments difficiles de la vie. Mais il y a aussi en nous une vie qui se manifeste par le souffle, lequel est chaud même s'il traverse la tête froide. On appellera âme le principe de cette vie. Désormais nous emploierons tantôt le mot âme tantôt le mot tête ou le mot esprit pour désigner le principe directeur en nous.

Il est, disions-nous, des circonstances où il convient que l'âme règne par l'autorité. A la guerre notamment, mais le même règne conserve sa pertinence partout où l'âme doit composer avec une affectivité riche et des instincts puissants, d'où sans doute la ferveur avec laquelle on a adhéré à certaines époques - celle de Platon par exemple ou celle de Descartes -, à une conception dualiste de l'homme où l'âme représentait le pôle du bien et le corps celui du mal.

Mais supposons que l'on maintienne ce dualisme rigide dans un contexte où, pour des raisons tenant à mille facteurs, la vie affective est pauvre et les instincts faibles. L'autorité de l'âme pourra dans ces conditions avoir des effets dévastateurs, elle pourra conduire à une désincarnation qui sera aussi une déshumanisation. L'esprit règnera sans partage sur une affectivité et des instincts atrophiés et un être unidimensionnel, étalé, apparaîtra ainsi à la place de l'être harmonieux, étagé, dont la constitution naturelle de l'homme était l'ébauche.

L'harmonie, voici l'idéal que la tradition nous a laissé. Que l'esprit règne, certes, mais autant que possible dans les situations normales, qu'il règne par la persuasion et en tempérant le cœur et le ventre plutôt qu'en les annihilant. En d'autres termes, qu'il y ait autant de grâce que de volonté dans la façon dont l'esprit règne, autant d'inspiration que de détermination.

En Occident, au XIXe siècle surtout, au moment où la puissance de l'esprit sur la nature se manifestait sans retenue, au moment aussi, où suite aux thèses de Newton, l'univers était réduit à des rapports de force excluant l'inspiration et la grâce, sources de toute beauté, l'affectivité et les instincts ont eux aussi été malmenés par une morale rigide. Ce qui a donné lieu à une critique sans pardon du règne de l'esprit dans l'homme. « Voyez, dira Nietzsche, avec quel air d'envie la chienne sensualité mendie un morceau d'esprit quand on lui refuse un morceau de chair. » Ayant la nostalgie de l'harmonie perdue, le même Nietzsche nous rappellera que nous sommes à la fois colombe, serpent et cochon et que si le cochon n'a pas sa juste place en nous, la colombe en perdra ses ailes. Ludwig Klages et Max Scheler feront une analyse fine des mécanismes de compensation résultant du bâillonnement du cœur et du ventre. Utilisant le vocabulaire de la physique de son époque, celle des machines à vapeur, Freud étudiera les conséquences du refoulement de l'affectivité et des instincts.

Il en résultera un renversement de la hiérarchie intérieure tel que l'esprit apparaîtra comme un sous-produit, une sublimation des couches inférieures de l'être, ce qui invalidera les engagements qui reposaient sur la haute idée qu'on avait de lui: fidélité, cohérence, responsabilité, détermination, tenue.

Mais comme la cendre ne parvient qu'à nous prouver la flamme, de même les tentatives pour inverser la hiérarchie ne parviennent qu'à nous en faire mieux voir encore la nécessité. La spontanéité, le naturel vont de soi. Le seul fait qu'on les propose comme idéal prouve que c'est toujours l'esprit qui gouverne. Seul son but a changé, il était de maîtriser l'affectivité et les instincts, il est maintenant de les stimuler, comme nous le donnent à entendre ces maximes paradoxales: il faut être spontané, bien dans sa peau.

Mais nous savons que la vie ne peut naître de la raison car, comme Goethe nous le rappelle : «Seule la vie peut donner la vie. L’intelligence peut façonner, mais étant morte, elle ne peut donner une âme. De la vie seulement peut jaillir le vivant ». 2

Notre rapport avec la vie en nous et hors de nous, a changé. Hier encore elle menaçait de tout submerger. Aujourd'hui elle est une chose fragile entre nos mains. Elle a bien plus besoin de notre sollicitude que de notre opposition. C'est ainsi qu'il faut interpréter l'idéalisation dont elle est l'objet. C'est toujours l'esprit qui règne, mais pour assurer l'harmonie de la personne, il doit veiller à ce que le cœur et le ventre s'épanouissent. La perfection à laquelle nous sommes appelés peut toujours être assimilée à l'harmonie dont Platon a parlé, mais on ne peut désormais atteindre cette harmonie sans faire appel à Nietzsche, pour corriger et compléter Platon.


Apollon du Belvédère, Musée du Vatican

Les sculpteurs de la Grèce antique nous ont aidé à le comprendre, cette harmonie est une chose belle, désirable en elle-même. Elle est aussi ce qui permet la contemplation et l'amour. Une affectivité trouble et des instincts volcaniques rendent impossible cette qualité d'attention nécessaire dans la connaissance aussi bien que dans l'amour. Voilà pourquoi il faut éviter de stimuler prématurément les instincts et l'affectivité des jeunes. Il faut plutôt veiller, par une ascèse appropriée, à ce que l'intelligence émerge du magma dans lequel elle est d'abord engluée. Dans le curriculum classique, on proposait d'abord à l'enfant des sujets aussi éloignés que possible de son moi, de son affectivité, de ses instincts: l'histoire de l'antiquité, les mathématiques, les langues anciennes, la grammaire. L'intelligence pouvait ainsi prendre son envol et c'est seulement quand on pouvait présumer qu'elle était autonome que l'on prenait le risque de l'exposer aux réalités proches du moi. C'est seulement à la fin du curriculum, dans les classes de philosophie, que l'on pouvait étudier la littérature contemporaine et réfléchir sur des questions comme la violence ou le suicide.

L'harmonie est la maîtrise gracieuse de soi, mais que d'obstacles à surmonter, de pièges à éviter pour s'en rapprocher ! S'il faut rester orienté vers le bien il faut aussi veiller à ce que « l'âme ne reste pas jonchée des désirs et des rêves que la flamme a mordus mais n'a pas consumés.» Si nous n'avons pas satisfait tel désir au moment opportun, il reviendra nous hanter au moment le moins opportun, la vieillesse, quand nous ne serons plus en mesure de le satisfaire. N'est-ce pas là l'une des causes de la tristesse de tant de vieillards ?

Mais il faut craindre tout autant que l'âme ne reste jonchée des regrets et des fautes que la flamme a mordus mais n'a pas consumés. Nous portons le fardeau de toutes les souffrances dont nous avons été la cause. La drogue et le divertissement nous le font oublier, ils ne nous en libèrent pas. Le mal fait dans le passé étant, sauf exception, irréparable, une seule chose peut nous libérer du fardeau de l'avoir commis: en détruire les racines en nous, en les exposant au soleil de la vérité. Cette vérité nous atteindra par nos lectures, nos conversations, nos méditations, notre contemplation; quel que soit le chemin qu'elle empruntera, elle sera toujours douloureuse. Il faut souffrir de soi pour pouvoir se souffrir soi-même.

Purification vient de pur qui signifie feu. Ce sujet est tabou aujourd'hui. La souffrance a été discréditée par cette morale de comptable qui mettait dans un plateau de balance la souffrance d'aujourd'hui et dans l'autre la béatitude éternelle. C'est le plaisir et le bonheur qui sont désirables, non la souffrance. Elle est toutefois inévitable même sur le chemin qui mène au plaisir et au bonheur. Il ne nous reste plus qu'à tenter vainement de la fuir ou à en faire bon usage. Les règles de ce bon usage sont ce qu'il y a de plus précieux au cœur de la tradition grecque et chrétienne, comme au cœur de plusieurs autres grandes traditions que nous ne pouvons qu'évoquer ici. « La grandeur du christianisme, écrit Simone Weil, n'est pas d'apporter un remède à la souffrance, c'est d'apporter un usage surnaturel de la souffrance. »

Seul le bonheur terrestre est en cause pour le moment. Mais si l'on croit que l'immortalité peut prendre la forme de la fusion avec le Bien pur au terme de notre séjour dans le temps et l'espace, la recherche de l'harmonie se confond avec la quête de l'immortalité, mais il faut dire alors de l'immortalité ce que Spinoza dit de la béatitude, « qu'elle n'est pas la récompense de la vertu mais la vertu elle-même. »

Nous arrivons au terme du grand détour qu'il nous fallait emprunter pour déplorer que les aînés se laissent infantiliser et gaver de médicaments au point de vivre dans une anesthésie ou presque plus rien ne les atteint en profondeur. La vie disait Valéry est «la chute d'un corps,» mais elle est aussi, la montée d'un être intérieur qui échappe à la pesanteur. Il n'est rien de plus beau qu'un vieillard qui se tient droit, en dépit d'un corps qui tombe, comme tous les corps, qui se tient droit non par raideur, mais par inspiration.

C'est cet élan que l'on brise quand on se laisse infantiliser et quand on recherche un remède à toute souffrance dans les médicaments. Je dis à toute souffrance en pensant d'abord à la souffrance morale et psychologique, à l'angoisse et non à des douleurs physiques localisées, une rage de dent par exemple, que l'on peut combattre sans mettre en péril ses plus hautes facultés. En brisant son élan, on perd aussi son identité, sa présence au monde et aux autres et on s'enferme dans un cercle vicieux. Plus on est anesthésié, c'est-à-dire insensible, absent, moins on est intéressant pour les autres et plus on s'expose à l'isolement, un isolement qui créera un nouveau besoin de drogues anesthésiantes.

Il faut pouvoir tenir sa place dans l'univers pour la tenir dans la société. D'où l'importance qu'on accordait à la tenue, au XVIIe siècle en particulier. Voyez dans les tableaux de cette époque comment les vêtements semblaient destinés à mettre la tête en évidence, à la soutenir.


Frans Hals, La compagnie Meagre

L'animal rampe ou avance face contre terre, l'oiseau vole, mais son regard est sans cesse ramené vers la terre, l'homme seul se tient debout et peut contempler l'horizon et le ciel, comme nous le rappelle Ovide dans les Métamorphoses: «distingué des autres animaux dont la tête est inclinée vers la terre, il put contempler les astres et fixer ses regards sublimes dans les cieux. Ainsi la matière, auparavant informe et stérile, prit la figure de l'homme, jusqu'alors inconnue à l'univers.

C'est dans cet esprit qu'Érasme a écrit La civilité puérile, ouvrage sur les bonnes manières dont l'essentiel sera repris par de nombreux éducateurs en Occident, dont Jean-Baptiste de la Salle, le fondateur des Frères des Écoles chrétiennes. Son but est de mettre en relief tout ce qui distingue l'homme de l'animal, de le sculpter par l'intelligence, de transformer ses premiers mouvements, semblables à ceux des bêtes, en des actes pensés, voulus, assumés. D'où son invitation constamment répétée à ne pas se comporter comme tel ou tel animal. «Il y a des gens qui, à peine assis, portent la main aux plats. C'est ressembler à des loups ou à ces gloutons qui tirent la viande de la marmite et qui la dévore, avant que l'on ait, comme dit le proverbe, fait la libation aux dieux. Il y en a qui en riant semble hennir, c'est indécent. Que les regards soient tournés vers la personne à qui l'on parle, mais des regards calmes, francs, ne dénotant ni effronterie, ni méchanceté. Fixer ses yeux à terre, comme le fait le catoblépas, laisse soupçonner une mauvaise conscience. Qu'est-ce qu'un catoblépas? La note de l'éditeur sur cet étrange animal est fort instructive, elle donne à penser que les Anciens étaient persuadés que l'on peu par un regard méchant littéralement empoisonner une personne. «Le catoblépas est, d'après Pline (dans son Histoire naturelle) un taureau d'Afrique dont la tête contient une si grande quantité de poison, qu'il est obligé de la pencher constamment vers le sol; heuresement pour ceux qu'il rencontre, car un seul de ses regards tuerait un homme.»3

Bien se tenir, jusqu'à la fin, c'est cet idéal, comportant une part de dressage, qui inspire respect et admiration pour le vieillard, car chacun devine qu'à mesure que le corps tombe, le redressement intérieur est plus difficile. «Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand», disait Hugo. Sa grandeur tient au fait qu'il doit assurer par sa culture, une prestance que le jeune homme reçoit de la nature sous forme de beauté. L'indignation devant l'infantilisation est un hommage à cet idéal perdu. Tout se passe alors comme si l'on constatait non seulement dans l'homme, mais dans l'univers dont il est l'image, la démission de l'intelligence devant le hasard et la nécessité.

Notes

1-Traduction: Albert Spaeth, Agrégé d'Université, Collection bilingue des classiques étrangers, Éditions Montaigne, 13 quai de Conti, Paris.
2-2-Goethe, Zahme Xenien
3- Erasme, La civilité puérile, Éditions Ramsay, Paris 1977, p. 77
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Auteur: Hélène Laberge
Guignolée, bi, charivari, pompiers
Extrait: Puisque, comme l'a bien compris Arisote, la sociabilité est dans la nature des animaux raisonnables que nous sommes, nous avons sûrement conservé notre aptitude à nous soutenir spontanément les uns les autres.
Voir un clown et mourir
Auteur: Jacques Dufresne
Extrait: Vieillir dans la dignité. Voici l'un de ces débats qu'il faut sans cesse relancer tant la cause des aînés en perte d'autonomie semble perdue d'avance, tant l'indifférence à leur endroit apparaît comme la pente la plus naturelle.
L'autiste show de Blainville
L'autiste show
Difficile de passer sous silence cette joyeuse initiative: les Autiste Show, qui ont lieu dans diverses régions du Québec, entre autres, Ville Lorraine et Repentigny, au printemps. Nous présentons celui qui a eu lieu le 22 mai 2010 au manège du Parc équestre de Blainville, à l'initiative de la ,
Régime enregristré d'épargne invalidité
Assouplissement de l'admissibilité au REEI
Pour être admis au REEI, il faut déjà être admis au régime de crédit d'impôt, ce qui suppose qu'on ait de l'argent dans un compte en banque. Jusqu'à ce jour, il n'était pas possible d'en appeler de cette règle. La procédure ayant récemment été simplifiée, les plus pauvres auront plus facilement droit au REEI.
Ce 3 décembre 2010, Journée Internationale des personnes handicapées
Vivre, peindre et écrire avec le syndrome de Down
La video est en anglais, mais comme d'une part le son n'y est pas très clair et comme d'autre part le langage de la personne en cause est la peinture, vous ne perdrez rien si vous vous limitez à regarder attentivement les visages et les tableaux. Elisabeth Etmanski, née il y a trente-deux ans avec le syndrome de Down, mène une vie autonome depuis longtemps. Ne soyez pas étonnés, si jamais vous la rencontrez, qu'elle vous salue en écrivant ou en disant un poème à votre sujet. Votre sensibilité est peut-être reléguée à l'arrière plan de votre être, la sienne imprègne tout sa personne y compris la surface. Vous comprendrez à son contact comment le réenchantement du monde peut s'opérer. Quelles sont ses aspirations en tant que peintre? On lui pose la question à la fin de la video. Sa réponse est à l'image de sa personne, naïve: «Je veux être la prochaine Emily Carr.»

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