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Christian Lamontagne |
Dernière modification : 11 / 19 / 2010 |
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Biographie en résumé |
Fondateur du site Passeport Santé et du magazine Guides Ressources |
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Vie et œuvre |
«D’une certaine manière, les créations que nous reconnaissons comme «grandes», celles que nous appelons des chefs-d'œuvre, manifestent l’absence de leur créateur: celui-ci laisse toute la place à son sujet, il s’efface. Son œuvre est complète et parle d’elle-même. Un grand créateur ne cherche pas à «s’exprimer», il est à la recherche de la vérité qui veut s’exprimer à travers lui et qui le guide.»1
L'auteur de ces lignes, Christian Lamontagne, est le fondateur de Passeport Santé, lequel avec ses 2 millions 300 000 visites par mois est l'un des sites les plus fréquentés et les plus influents du Québec. Ce site est une œuvre. Il ne s'agit pas en effet d'une simple compilation de données sur les maladies et les traitements, comme on en trouve en bien d'autres endroits, mais de l'application à la santé d'une vision du monde qui a pris forme au cours d'une vie où l'action et la réflexion ont alterné dans l'approfondissement d'une même intuition: l'autonomie par l'enracinement. Christian tient aujourd'hui un blogue dans le grand site qu'il a fondé, un blogue qui est l'âme de l'œuvre, où l'on retrouve sous diverses formes, cette pensée: «fois le sens évacué, la Vie n’a même plus de valeur en elle-même. Les études statistiques sur l’état de santé mentale et physique des populations permettent d’affirmer que les gens dont la vie est guidée par un sens transcendant (altruiste ou spirituel) sont en meilleure santé, vivent plus longtemps et supportent mieux les épreuves. Ce n’est pas parce que la santé est la récompense d’un sens donné à la vie, mais parce que le sens est la nourriture spirituelle de la vie.»2
Christian Lamontagne a été le co fondateur du Temps fou en 1978 et le fondateur en 1985 du magazine Guides Ressources. Son intérêt pour la contre-culture et la pensée orientale, manifeste dans le Temps fou devait déboucher à partir de 1985 sur une promotion réfléchie de l'approche holistique en santé. 1985! Les temps sont mûrs au Québec pour une telle approche. C'est l'année où l'Agora organise à Orford un colloque international ayant réuni 750 personnes, au terme duquel il était devenu clair que les médecines douces, alternatives, complémentaires ou holistiques - les désignations étaient multiples-, auraient désormais leur place dans l'éventail des soins offerts aux malades. Au début de la décennie 1980, les médicaments homéopathiques étaient inconnus et interdits au Québec. À la fin de la même décennie on les trouvait facilement en pharmacie.
Si pour certains cette mutation ne fut qu'un élargissement de la médecine officielle, d'inspiration cartésienne, pour d'autres, dont au premier chef Christian Lamontagne, elle fut une aventure spirituelle profonde et féconde. La plupart des acteurs dans cette aventure étaient familiers avec la critique de la profession médicale amorcée par René Dubos et complétée par Ivan Illich. La matière d'un côté, de l'autre, séparée d'elle, la pensée. Tel est le dualisme cartésien appliqué au monde. Appliqué à l'être humain, il donne le corps machine rattaché par un lien ténu à la pensée qui le gouverne. C'est le fonctionnement de ce corps machine qu'étudiera et soignera la médecine occidentale, sans se soucier outre-mesure de son insertion dans un environnement et une culture. Détaché à son tour de sa culture et de ses traditions médicales, devenu étranger à la nature autour de lui, le citoyen de cette nouvelle cité hôpital risquera fort de tomber sous la dépendance de la profession médicale. Il verra là un danger pour sa santé elle-même et l'occasion d'une dépense ruineuse pour la société.
C'est le mot autonomie qui traduit le mieux à cette époque l'idéal de Christian Lamontagne et de tous ceux, dont Jacques Languirand, qu'on peut considérer comme les leaders de ce mouvement. Ce mot est toutefois ambigu. S'il ne s'agissait que de nommer une volonté d'indépendance face au pouvoir médical, c'est le mot qui conviendrait parfaitement. Mais le mot autonomie hélas s'est imposé dans un contexte philosophique, le kantisme, plus proche de la vision cartésienne du monde que de l'approche holistique. Certes, on peut démontrer que l'autonomie du vivant est parfaitement compatible avec un enracinement dans la nature - et c'est dans cet esprit que certains ont continué à opposer l'autonomie à la dépendance à l'endroit de la profession médicale -, mais on comprend facilement que d'autres aient préféré recourir à un autre mot pour rendre les mêmes idées.
Christian Lamontage a vite compris que la dépendance par rapport au pouvoir médical n'était que le symptôme d'un mal plus profond: une rupture du lien avec la nature... et le sacré, rupture qu'il a su lui-même éviter par une démarche au terme de laquelle la responsabilité lui fut révélée. La reconquête de l'autonomie passera à ses yeux par celle de la responsabilité, comme en fait foi l'essai qu'il vient de publier sous le titre de La responsabilité, la liberté et la création du monde. Livre étonnant, qui devrait susciter l'adhésion de toute une génération de non conformistes ayant choisi, en marge des religions, la voie de la spiritualité pour s'insérer dans le monde, dans l'humanité. Pour ce qui est de Christian Lamontagne, cette double insertion en suppose une troisième: l'enracinement dans le surnaturel, le surnaturel, défini à partir de Witgenstein, comme «l'au-delà des faits auxquels se limite la science».
Au départ, il y a un retour à Hippocrate en médecine: c'est la nature qui se guérit elle-même, parfois avec l'aide de la médecine. Un lien positif avec la nature est déjà présent sous forme embryonnaire dans cette prise de position. Ce lien s'approfondira au cours de sa vie à un point tel qu'on est tenté d'assimiler son rapport avec la nature à celui des romantiques allemands, bien qu'on puisse aussi y voir une sensibilité authentiquement québécoise. C'est dans une expérience apparentée à une extase cosmique que Christian Lamontagne prend conscience de sa responsabilité à l'égard de l'ensemble de l'univers en même temps que de sa participation à la création;
«Dès lors que l’on découvre qu’on est fondamentalement responsable de sa vie et qu’on choisit d’assumer complètement son destin d’être humain, infiniment humble et magnifiquement grandiose à la fois, on se met en route vers la fibre la plus intime de son être et participe consciemment à la création du monde.» 3
«La notion de responsabilité n’a pas été «inventée » par les humains, elle n’est pas une «création culturelle», elle est imbriquée dans notre nature. Elle fait partie des propriétés de la conscience réflexive, cette qualité émergente du Cosmos tel qu’il se manifeste à travers l’espèce humaine.»4
Je suis conscient, donc je suis responsable. Je suis conscient, pour être responsable, pour être libre aussi, mais à la condition que l'on comprenne bien que la liberté est subordonnée à la responsabilité, le choix à la limite. Il y a des limites partout dans la nature, note Christian Lamontagne, l'humanité n'échappe pas à cette loi. «Il y a quelques années, j’ai lu un article où l’on faisait état du «droit fondamental de conduire un véhicule 4 x 4 doté du moteur de la puissance que l’on souhaite». Quel est le poids de ce «droit fondamental10» face à celui de respirer de l’air qui ne nous rende pas malade? Nous voyons arriver le moment inéluctable où la société devra discuter de l’échelle des valeurs qui président à son développement.»
Voilà, il convient de le souligner au passage, la seule conception de la liberté compatible avec le développement durable.
Compatible aussi avec la pensée de Simone Weil, la source principale d'inspiration de Christian Lamontagne, avec, au second plan, Gustave Thibon, Martin Buber, Hans Jonas, Alain Etchegoyen et Witgenstein. Occasion de noter que nous ne sommes pas en présence d'un philosophe professionnel qui entend laisser sa marque en un point déterminé d'une histoire des idées soigneusement recensée, mais d'un témoin qui pense pour vivre et qui vit de penser. Des auteurs qui l'inspirent, Christian Lamontagne ne cite qu'un livre ou deux. Aussi bien ne cherche-t-il pas la vérité sur l'un ou l'autre de ces auteurs, mais la vérité sur lui-même et sur le monde, à travers eux, ou mieux encore en se nourrissant d'eux.Car il aspire à vivre d' abord. La synthèse qu'il nous livre est moins le fruit d'un raisonnement que l'unité qui se dégage organiquement des grandes expériences de sa vie.
L'expérience centrale est celle d'un autre ordre de réalité que Christian Lamontagne désigne tantôt par le mot transcendance, tantôt par le mot sacré, tantôt par le mot surnaturel. «Aucun de nous n’échappe à sa participation à la création du monde: que nous proclamions agir de manière libre et responsable ou, au contraire, n’avoir aucune responsabilité ni liberté ne change rien au fait que nous sommes le déploiement de l’Univers en action. De ce point de vue, il n’y a rien qui puisse se mettre à l’écart, il n’y a ni dedans ni dehors, mais seulement Un.»5
Les lignes qui suivent rappellent les plus belles pages de la Lettre à Lord Chandos, de Hofmanstahl. «bouteille brisée, éclatée sur le trottoir, et cet harmonieux paysage au bord de la rivière, notre promenade émerveillée en forêt et notre impatience dans une file d’attente participent également au déploiement de la création. Je m’étonne parfois que cela ne pénètre pas plus souvent les consciences: si nous étions vraiment conscients que nous créons monde, comment ferions-nous pour ne pas être habités d’un sens du sacré, au moins le temps d’un silence, dans tout ce que nous faisons?»6
En lisant ces lignes, j'entends l'écho d'un autre auteur ayant des affinités profondes avec Simone Weil, Françoise Chauvin lorsqu'elle commente ce vers de Rimbaud: Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir. «Un éclair dans la nuit, un éblouissement de la conscience, une «absence», et l'image du monde, nettoyée de nos pensées, comme le ciel des nuages, surgit devant nous. Tout le monde est poète. Une seconde. Mais tenir cette seconde! Trouver hors du temps une durée où l'éclair ne reprend pas sa lumière, où l'image fugace soit ancrée.»7
Notes
1-LAMONTAGNE, Christian, Responsabilité, liberté et création du monde, Éditions Liber, Montréal 2010, p.153.
2- Ibid. p.141.
3- Ibid. p.86.
4- Ibid.p.15
5-Ibid. p.165
6-Ibid. p.165
7-CHAUVIN, Françoise, L'autre côté du rêve, Les éditions de l'Agora, 1990 p.49.
Adresse: 190 Chemin Corey, Ayer's Cliff, Québec, J0B 1C0. |
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