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| Revue Le partenaire | | Créée en 1992, la revue le partenaire est devenue au Québec une voix importante pour les personnes utilisatrices de services en santé mentale et pour tous les acteurs concernés par la réadaptation psychosociale, le rétablissement et la problématique de la santé mentale. Ses éditoriaux, ses articles, ses dossiers proposent une information à la fine pointe des connaissances dans le champ de la réadaptation psychosociale. Ils contribuent à enrichir la pratique dans ce domaine et à stimuler le débat entre ses membres. | |
Destination El Paradiso | | El Paradiso n’est pas une maison de retraite comme les autres. Située dans une île enchanteresse qui est réservée à son usage, elle accueille des pensionnaires bien particuliers. Ce sont, par un aspect ou l’autre de leur vie, par ailleurs tout à fait honorable, des originaux, des excentriques, habités par une douce folie, qui n’a sans doute d’égal que la simplicité de leur bonheur. C’est une galerie de personnages un peu fantasques que nous fait rencontrer cet ouvrage tout empreint de tendresse, d’humour et d’humanité. Voici donc les premiers douze membres de ce club très spécial:
Perry Bedbrook, Guy Joussemet, Édouard Lachapelle, Andrée Laliberté,
Céline Lamontagne, Guy Mercier, Avrum Morrow, Lorraine Palardy,
Antoine Poirier, Michel Pouliot, Charles Renaud, Peter Rochester.
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Le Guérisseur blessé | | Le Guérisseur blessé de Jean Monbourquette est paru au moment où l’humanité entière, devant la catastrophe d’Haïti, s’est sentie blessée et a désiré contribuer de toutes sortes de façons à guérir les victimes de ce grand malheur. Bénéfique coïncidence, occasion pour l’ensemble des soignants du corps et de l’âme de s’alimenter à une source remarquable.
Dans ce livre qui fut précédé de plusieurs autres traitant des domaines de la psychologie et du développement personnel , l’auteur pose une question essentielle à tous ceux qui veulent soigner et guérir : « Que se cache-t-il derrière cette motivation intime à vouloir prendre soin d’autrui? Se pourrait-il que la majorité de ceux et celles qui sont naturellement attirés par la formation de soignants espèrent d’abord y trouver des solutions à leurs propres problèmes et guérir leurs propres blessures? » Une question qui ne s’adresse évidemment pas à ceux qui doivent pratiquer une médecine de guerre dans des situations d’urgence! | |
Mémoire et cerveau | | Dans ce numéro de La Recherche, on se limite à étudier la mémoire dans la direction indiquée par le psychologue torontois Endel Tulving, reconnu en en ce moment comme l'un des grands maîtres dans ce domaine. Cela confère au numéro un très haut degré de cohérence qui en facilite la lecture. Culving est à l'origine de la distinction désormais universellement admise entre la « mémoire épisodique » portant sur des événements vécus et la « mémoire sémantique » portant sur des concepts, des connaissances abstraites. C'est la première mémoire que je mets en œuvre quand je m'efforce d'associer des mots à un événement passé, un voyage par exemple; je m'en remets à la seconde quand je m'efforce d'associer des mots automatiquement les uns aux autres, abstraction faite de tout événement vécu auquel ces mots pourraient se rapporter. Au cours de la décennie 1960, Tulving a constaté que les résultats obtenus grâce au premier exercice étaient beaucoup moins bons que ceux obtenus par le second exercice, ce qui l'a incité à faire l'hypothèse qu'il existe deux mémoires distinctes. | |
Spécial Mémoire | | Dans ce numéro de La Recherche, on se limite à étudier la mémoire dans la direction indiquée par le psychologue torontois Endel Tulving, reconnu en en ce moment comme l'un des grands maîtres dans ce domaine. Cela confère au numéro un très haut degré de cohérence qui en facilite la lecture. Culving est à l'origine de la distinction désormais universellement admise entre la « mémoire épisodique » portant sur des événements vécus et la « mémoire sémantique » portant sur des concepts, des connaissances abstraites. C'est la première mémoire que je mets en œuvre quand je m'efforce d'associer des mots à un événement passé, un voyage par exemple; je m'en remets à la seconde quand je m'efforce d'associer des mots automatiquement les uns aux autres, abstraction faite de tout événement vécu auquel ces mots pourraient se rapporter. Au cours de la décennie 1960, Tulving a constaté que les résultats obtenus grâce au premier exercice étaient beaucoup moins bons que ceux obtenus par le second exercice, ce qui l'a incité à faire l'hypothèse qu'il existe deux mémoires distinctes.
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L'itinérance au Québec | | La personne en situation d’itinérance est celle :
[…] qui n’a pas d’adresse fixe, de logement stable, sécuritaire et salubre, à très faible revenu, avec une accessibilité discriminatoire à son égard de la part des services, avec des problèmes de santé physique, de santé mentale, de toxicomanie, de violence familiale ou de désorganisation sociale et
dépourvue de groupe d’appartenance stable.
Cette définition met en évidence la complexité du phénomène et l’importance de l’aspect multifactoriel des éléments déclencheurs tels que la précarité résidentielle et financière, les ruptures sociales, l’accumulation de problèmes divers (santé mentale, santé physique, toxicomanie, etc.). L’itinérance n’est pas un phénomène dont les éléments forment un ensemble rigide et homogène et elle ne se limite pas exclusivement au passage à la rue.L’itinérance est un phénomène dynamique dont les processus d’exclusion, de marginalisation et de désaffiliation
en constituent le coeur. | |
L’habitation comme vecteur de lien social | | Evelyne Baillergeau et Paul Morin (2008). L’habitation comme vecteur de lien social, Québec, Collection
Problèmes sociaux et intervention, PUQ, 301 p.
Quel est le rôle de l’habitation dans la constitution d’un vivre ensemble entre les habitants d’un immeuble, d’un ensemble d’habitations ou même d’un quartier ? Quelles sont les répercussions des conditions de logement sur l’organisation de la vie quotidienne des individus et des familles et sur leurs modes d’inscription dans la société ? En s’intéressant à certaines populations socialement disqualifi ées, soit les personnes ayant des problèmes de santé mentale et les résidents en habitation à loyer modique, les auteurs étudient le logement non seulement comme l’un des déterminants de la santé et du bien-être, mais également comme un lieu d’intervention majeur dans le domaine des services sociaux. De la désinstitutionnalisation à l’intégration, des maisons de chambres aux HLM, ils décrivent et analysent des expériences ayant pour objectif le développement
individuel et collectif des habitants et les comparent ensuite à d’autres réalisées au Canada, aux Pays-Bas et en Italie.
Pour en savoir plus : http://www.puq.ca | |
Revue Développement social | | On a longtemps sous-estimé l'importance du lien entre les problèmes environnementaux et la vie sociale. Nous savons tous pourtant que lorsque le ciel est assombri par le smog, on hésite à sortir de chez soi pour causer avec un voisin. Pour tous les collaborateurs de ce numéro consacré au développement durable, le côté vert du social et le côté social du vert vont de soi. La vue d'ensemble du Québec qui s'en dégage est enthousiasmante. Les Québécois semblent avoir compris qu'on peut redonner vie à la société en assainissant l'environnement et que les défits à relever pour assurer le développement durable sont des occasions à saisir pour resserrer le tissu social.
| La réforme des tutelles: ombres et lumières. | | En marge de la nouvelle loi française sur la protection des majeurs, qui doit entrer en vigueur en janvier 2009.
La France comptera un million de personnes " protégées " en 2010. Le dispositif actuel de protection juridique n'est plus adapté. Ce " livre blanc " est un plaidoyer pour une mise en œuvre urgente de sa réforme. Les enjeux sont clairs lutter contre les abus, placer la protection de la personne, non plus seulement son patrimoine, au cœur des préoccupations, associer les familles en les informant mieux, protéger tout en respectant la dignité et la liberté individuelle. Le but est pluriel. Tout d'abord, rendre compte des difficultés, des souffrances côtoyées, assumer les ombres, et faire la lumière sur la pratique judiciaire, familiale et sociale ; Ensuite, expliquer le régime juridique de la protection des majeurs, et décrire le fonctionnement, les bienfaits, et les insuffisances ; Enfin, poser les jalons d'une réforme annoncée comme inéluctable et imminente mais systématiquement renvoyée à plus tard.
Les auteurs: Michel Bauer, directeur général de l'Udaf du Finistère, l'une des plus grandes associations tutélaires de France, anime des groupes de réflexion sur le sujet et œuvre avec le laboratoire spécialisé de la faculté de droit de Brest. II est l'auteur d'ouvrages sur les tutelles et les curatelles. Thierry Fossier est président de chambre à la cour d'appel de Douai et professeur à l'Université d'Auvergne, où il codirige un master et l'IEJ. II est fondateur de l'Association nationale des juges d'instance, qui regroupe la grande majorité des juges des tutelles. II est l'auteur de nombreuses publications en droit de la famille et en droit des tutelles. Laurence Pécaut-Rivolier, docteur en droit, est magistrate à la Cour de cassation. Juge des tutelles pendant seize ans elle préside l'Association nationale des juges d'instance depuis plusieurs années. | |
Puzzle, Journal d'une Alzheimer | | Ce livre, paru aux Éditions Josette de Lyon en 2004, a fait l'objet d'une émission d'une heure à Radio-France le 21 février 2008. Il est cité dans le préambule du rapport de la COMMISSION NATIONALE CHARGÉE DE L’ÉLABORATION DE PROPOSITIONS POUR UN PLAN NATIONAL CONCERNANT
LA MALADIE D’ALZHEIMER ET LES MALADIES APPARENTÉES. Ce rapport fut remis au Président de la République française le 8 novembre 2007.
«Je crois savoir où partent mes pensées perdues : elles s’évadent dans mon coeur…. Au fur et à mesure que mon cerveau se vide, mon coeur doit se remplir car j’éprouve des sensations et des sentiments extrêmement forts… Je voudrais pouvoir vivre le présent sans être un fardeau pour les autres et que l’on continue à me traiter avec amour et respect, comme toute personne humaine qui a des émotions et des pensées,même lorsque je semble «ailleurs »1à.
| Les inattendus (Stock) | | Premier roman d'Eva Kristina Mindszenti, jeune artiste peintre née d’un père hongrois et d’une mère norvégienne, qui vit à Toulouse. Le cadre de l'oeuvre: un hôpital pour enfants, en Hongrie. «Là gisent les "inattendus", des enfants monstrueux, frappés de maladies neurologiques et de malformations héritées de Tchernobyl, que leurs parents ont abandonné. Ils gémissent, bavent, sourient, râlent, mordent parfois. Il y a des visages "toujours en souffrance" comme celui de Ferenc évoquant "le Christ à la descente de la croix". Tout est figé, tout semble mort. Pourtant, la vie palpite et la beauté s’est cachée aussi au tréfonds de ces corps suppliciés. » (Christian Authier, Eva Kristina Mindszenti : une voix inattendue, «L'Opinion indépendante», n° 2754, 12 janvier 2007) | |
En toute sécurité | | Cet ouvrage est l'adaptation québécoise de Safe and secure, publié par les fondateurs du réseau PLAN (Planned Lifetime Advocacy Network) et diffusé au Québec par un groupe affilié à PLAN, Réseaux pour l'avenir. Il s'agit d'un guide pratique dont le but est d'aider à les familles à planifier l'avenir "en toute sécurité" des membres de leur famille aux prises avec un handicap. | |
"Il faut rester dans la parade ! " - Comment vieillir sans devenir vieux | | Auteur : Catherine Bergman. Éditeur : Flammarion Québec, 2005. "Dominique Michel, Jacques Languirand, Jean Béliveau, Antonine Maillet, Jean Coutu, Gilles Vigneault, Hubert Reeves, ils sont une trentaine de personnalités qui, ayant dépassé l’âge de la retraite, sont restés actives et passionnées. Ils n’ont pas la prétention de donner des conseils ni de s’ériger en modèles, mais leur parcours exceptionnel donne à leur parole une valeur inestimable. Journaliste d’expérience, Catherine Bergman les interroge sur le plaisir qu’ils trouvent dans ce qu’ils font, leur militantisme et leur vision de la société ; sur leur corps, ses douleurs et la façon dont ils en prennent soin ; sur leur rapport aux autres générations, ce qu’ils ont encore à apprendre et l’héritage qu’ils souhaitent transmettre ; sur leur perception du temps et leur peur de la mort. Son livre est un petit bijou, une réflexion inspirante sur la vieillesse et l’art d’être vivant." (présentation de l'éditeur). | |
Le temps des rites. Handicaps et handicapés | | Auteur : Jean-François Gomez.
Édition : Presses de l'Université Laval, 2005, 192 p.
"Il est temps aujourd’hui de modifier profondément notre regard sur les personnes handicapées et sur les « exclus » de toute catégorie, qu’ils soient ou non dans les institutions. Pour l’auteur du Temps des rites, l’occultation du symbolique, ou son déplacement en une société de « signes » qui perd peu à peu toutes formes de socialités repérable et transmissible produit des dégâts incalculables, que les travailleurs sociaux, plus que quiconque doivent intégrer dans leur réflexion.
Il faudrait s’intéresser aux rituels et aux « rites de passage » qui accompagnaient jusque là les parcours de toute vie humaine, débusquer l’existence d’une culture qui s’exprime et s’insinue dans toutes les étapes de vie. On découvrira avec étonnement que ces modèles anciens qui ont de plus en plus de la peine à se frayer une voie dans les méandres d’une société technicienne sont d’une terrible efficacité." | |
Dépendances et protection (2006) | | Textes des conférences du colloque tenu le 27 janvier 2006 à l'Île Charron. Formation permanente du Barreau du Québec. Volume 238. 2006 | | |
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Sociabilité |
Dernière modification : 01 / 12 / 2008 |
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Définition |
Le sort des personnes vivant avec des hancipaps physiques graves ou avec une déficience intellectuelle dépend de la forme que prend la sociabilité dans les sociétés et du degré qu'elle y atteint. D'où l'importance, pour ceux qui ont à coeur d'améliorer ce sort de comprendre la sociabilité et d'étudier ses variations dans le temps et dans l'espace.
La sociabilité est selon le Littré,« cette disposition innée qui porte les hommes et plusieurs autres animaux à vivre en société. Sénèque, poursuit-il, reconnaît formellement un code de l'humanité, et en même temps un principe de sociabilité d'où dérivent toutes les lois de la nature qui regardent nos devoirs envers les autres hommes. » Sénèque rejoint ici Aristote selon qui l'homme est un zoon politikon, un animal sociable. Social ou sociable? Il y a une nuance. Social désigne ici le fait de vivre en société et d'une manière générale ce qui concerne la société; sociable désigne le fait d'être porté à vivre en société et d'y trouver plaisir. La personne sociable est celle qui aime la compagnie. L'insecte social, l'abeille par exemple, est celui qui vit en société.
La sociabilité varie, mais lentement, d'une époque à une autre; elle varie aussi d'un peuple à un autre. Elle n'en est pas moins, selon Bergson, l'un des deux traits essentiels de l'humanité:
«L'homme présente toujours deux traits essentiels, l'intelligence et la sociabilité. Mais, du point de vue où nous nous plaçons, ces caractères prennent une signification spéciale. Ils n'intéressent plus seulement le psychologue et le sociologue. Ils appellent d'abord une interprétation biologique. Intelligence et sociabilité doivent être replacées dans l'évolution générale de la vie.
Pour commencer par la sociabilité, nous la trouvons sous sa forme achevée aux deux points culminants de l'évolution, chez les insectes 'hyménoptères tels que la fourmi et l'abeille, et chez l'homme. A l'état de simple tendance, elle est partout dans la rature. On a pu dire que l'individu était déjà une société : des protozoaires, formés d'une cellule unique, auraient constitué des agrégats, lesquels, se rapprochant à leur tour, auraient donné des agrégats d'agrégats ; les organismes les plus différenciés auraient ainsi leur origine dans l'association d'organismes à peine différenciés et élémentaires. Il y a là une exagération évidente ; le « polyzoïsme » est un fait exceptionnel et anor-mal. Mais il n'en est pas moins vrai que les choses se passent dans un organisme supérieur comme si des cellules s'étaient associées pour se partager entre elles le travail. La hantise de la forme sociale, qu'on trouve dans un si grand nombre d'espèces, se révèle donc jusque dans la structure des individus. Mais, encore une fois, ce n'est là qu'une tendance ; et si l'on veut avoir affaire à des sociétés achevées, organisations nettes d'individualités distinctes, il faut prendre les deux types parfaits d'association que représentent une société d'insectes et une société humaine, celle-là immuable. et celle-ci changeante, l'une instinctive et l'autre intelligente, la première comparable à un organisme dont les éléments n'existent qu'en vue du tout, la seconde laissant tant de marge aux individus qu'on ne sait si elle est faite pour eux ou s'ils sont faits pour elle. Des deux conditions posées par Comte, « ordre » et « progrès », l'insecte n'a voulu que l'ordre, tandis que c'est le progrès, parfois exclusif de l'ordre et toujours dû à des initiatives individuelles, que vise une partie au moins de l'humanité. Ces deux types achevés de vie sociale se font donc pendant et se complètent. Mais on en dirait autant de l'instinct et de l'intelligence, qui les caractérisent respectivement. Replacés dans l'évolution de la vie, ils apparaissent comme deux activités divergentes et complémentaires.»
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Enjeux |
Quand nous portons des jugements, souvent négatifs, sur les rapports sociaux d’aujourd’hui, nous avons généralement à l’esprit, plus ou moins consciemment, un lieu ou un moment du passé où ces rapports étaient plus chaleureux. C’est ainsi que s’est construit le préjugé favorable aux rapports sociaux dans les sociétés traditionnelles. Les souvenirs sur lesquels cette construction repose demeurent toutefois vagues, ce qui rend flou le jugement que nous portons sur le présent par comparaison avec ce passé.
C’est la raison pour laquelle de nombreux auteurs, des historiens surtout, ont au XXe siècle étudié les mentalités, alors qu’auparavant on s'était surtout intéressé aux grands événements politiques et militaires. Et c’est expressément dans le but de préciser leur point de comparaison avec le passé que deux historiens reputés, Peter Laslett en Angleterre et Philippe Ariès en France, ont dressé un tableau des rapports sociaux traditionnels de leur pays.
La famille étendue dans l’Angleterre d’avant la révolution industrielle
Peter Laslett l’a fait pour sa part dans un livre intitulé Un monde que nous avons perdu? Quelle était donc, se demande-t-il, cette société anglaise d’avant la révolution industrielle dont Marx et Angels avait la nostalgie, donnant ainsi le ton à la critique sociale de l’avenir. «Tous les liens multicolores qui unissaient l’homme féodal à ses supérieurs naturels, la bourgeoisie les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister entre l’homme et l’homme que le froid intérêt, que le dur argent comptant. […] Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange.»
Au début de son livre, Peter Laslett nous présente la cellule sociale typique de l’Angleterre du début du XVIIe siècle, la famille d’un maître boulanger londonien. (Elle comprenait le boulanger et de sa femme, quatre employés salariés que l’on appelait garçons boulangers, deux apprentis, deux servantes et les trois ou quatre enfants du maître-boulanger lui-même. «[…] Les dépenses les plus lourdes étaient celles qui concernaient la nourriture. Il était plus coûteux de nourrir un garçon boulanger que de lui payer son salaire. […] Une telle famille formant une unité de production de treize personnes était relativement importante pour l’Angleterre de l’époque. Pour la majorité de la population agricole, le groupe familial était plus petit que l’entourage d’un artisan londonien.»1
Leslett n’idéalise pas la vie de la famille qu’il décrit, c’est en observateur réaliste qu’il souligne les avantages qu’elle présentait par rapport à la vie dans une société moderne :
«On remarquera que les rôles que nous avons attribués aux membres de la vaste famille du patron boulanger de Londres en l’an 1619, sont tous, du point de vue émotif, très symboliques et extrêmement satisfaisants. On peut penser que dans une société tout entière organisée sur ce modèle, et malgré la subordination, l’exploitation et l’effacement des jeunes ou de la gent féminine ou domestique, chaque individu faisait partie d’un groupe de caractère familial. Chacun trouvait de l’affection autour de lui, tous les rapports pouvaient en somme être fondés sur l’amour.
II n’en est pas ainsi aujourd’hui. On ne saurait ressentir à l’égard d’une société à responsabilité limitée ou d’une administration, l’amour d’un apprenti pour la parfaite image du père qu’était son maître, même si ce dernier était un tyran et un bourreau, un usurier et un hypocrite. Pourtant si la famille forme un milieu où l’on s’aime, elle peut aussi être le théâtre ou l’on hait. Les pires tyrans, les assassins, les scélérats sont des maris jaloux et des épouses rancunières, des parents égoïstes et des enfants que la vie n’a pas gâtés.»2
Lieu d’appartenance, cette famille était aussi le lieu de travail. Quand, après la révolution industrielle, l’apprenti ou l’employé aura terminé son travail à l’usine, il rentrera seul dans son réduit.
«Le mot aliénation, qui appartient au jargon de notre siècle, a commencé par vouloir exprimer la séparation entre l’ouvrier et le milieu où il travaillait. Point n’est besoin d’accepter tout ce que ce mot en est arrivé à suggérer pour reconnaître qu’il désigne quelque chose d’essentiel concernant nos rapports avec notre passé. Il fut un temps où toute la vie se déroulait dans la famille, dans un cercle de visages aimés et familiers, d’objets bien connus et chéris, le tout à l’échelle humaine. Ce temps est à jamais révolu. C’est en cela que nous différons le plus nettement de nos ancêtres.»3
Selon Philippe Ariès ce n’est pas la famille, fût-elle étendue, qui assure la sociabilité pendant l’Ancien Régime, mais plutôt ce qu’il appelle le Milieu.
«Au Moyen Âge et pendant l'Ancien Régime, la sociabilité était assurée, non par la famille, mais par une collectivité très dense, composée de voisins, d'amis, de parents aussi, définie par la fréquence des relations et la conscience d'appartenir à un même réseau de relations. Voilà l'essentiel, nous l'appellerons, faute de mieux, le Milieu, ce groupe social où les familles étaient diluées et dont elles se distinguaient mal, qui commandait d'ailleurs aux familles, dans la mesure où il réglait l'équilibre des mariages et des sexes, imposait des interdits par des manifestations collectives comme le charivari, par la pression de l'opinion publique. C'est plus dans ce milieu que dans le cercle plus petit de la famille que l'enfant vivait jusqu'au jour prochain où il était exporté dans une famille autre que la sienne comme apprenti.» (4)
La France d’ancien régime était-elle à ce point différente de l’Angleterre ? Soulignons plutôt la ressemblance entre les points de vue des deux historiens : le milieu dont parle Ariès est une société très dense, comme la famille étendue de Leslett, et si la figure paternelle a plus d’importance dans la première collectivité que dans la seconde, la pression sociale est aussi déterminante dans les deux cas. Il s’agissait d’une sociabilité de voisinage plus que d’une sociabilité élective.
Ariès et Leslett formulent le même diagnostic sur la société d’après la révolution industrielle. Tout va se passer désormais entre la maison et le lieu de travail. Le milieu d’Ariès et la famille étendue de Leslett disparaîtront. «La vie quotidienne va se concentrer autour de ces deux pôles, la maison et le lieu de travail, et entre ces deux pôles, riches de sens, d'affectivité, de sociabilité, il n'y aura plus rien : un vide autrefois peuplé par un milieu collectif dense.» (5). Ce vide, Leslett, qui juge ici le milieu de travail plus sévèrement que ne le fait Ariès, nous dira qu’il a été rempli par la société de masse :
«La disparition des fonctions économiques de la famille patriarcale au moment de l’industrialisation a créé une société de masses. Ce phénomène a transformé les gens qui travaillaient en une masse d’individus égaux non différenciés, réunis dans une usine ou répartis entre usine et mines, privés à jamais des sentiments que leur apportait le travail en tant que besognes de la famille. »
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De l’enfant ignoré à l’enfant roi
Au moment où s’opérait la séparation entre le milieu de travail et le lieu d’appartenance, la famille se réorganisait autour de l’enfant. Ignoré, souvent méprisé pendant les siècles précédents, il devint roi après la révolution française. Philippe Ariès a lui-même résumé sa pensée sur cette question, dans son ouvrage : L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime.
«Il en est de l’enfant comme du tiers-état; selon Sieyès, on pouvait dire de lui, vers 1780-1800: qu’était-il hier? rien; que sera-t-il demain? tout.
Montaigne était incapable d’établir un compte exact de ses enfants, de toutes les couches de sa femme. La naissance de Gargantua n’a retenu qu’un moment l’attention de Rabelais.
Notre littérature classique ignore l’enfant avec plus de rigueur que la Renaissance. C’est un être trop primitif. Son âme indigente, sa psychologie trop naïve ne suffisent pas à nourrir les passions subtiles et balancées de la grande Tragédie. Il reste encore trop proche de l’instinct. La Fontaine méprise ce petit être cruel et illogique, moins rationnel que l’animal. Cet âge est sans pitié.
Emile Mâle, dans ses belles études sur l’iconographie religieuse après le Concile de Trente, a montré le véritable sens de la dévotion à l’Enfant-Jésus, au XVIIe siècle: c’est l’abîme d’humilité où le Christ a daigné descendre. ″L’enfance est la vie d’une bête″, reconnaît Bossuet. Et pourtant le Fils de Dieu a emprunté cette apparence imbécile: pouvait-il descendre plus bas? Voilà le sentiment qu’il s’agissait d’exciter en représentant Jésus sous l’image d’un enfant.
Aujourd’hui, il n’en est plus ainsi. L’Enfant-Jésus figure, pour nous, la pureté de la petite enfance, plus proche du baptême, de l’état de grâce. La vie n’a pas encore souillé l’âme innocente, lavée par le Sacrement. On conçoit bien, et l’on approuve que le Fils de Dieu y ait établi sa demeure parmi les hommes: ″Laissez venir à moi les petits enfants.″
En fait, à deux ou trois siècles d’écart, la même image pieuse s’adresse à deux espèces de dévots, bien différentes. C’est que, dans l’intervalle, l’enfance a été rétablie. L’enfant a quitté sa position honteuse pour envahir en roi la nature, les arts, la famille elle-même, qui lui sera désormais subordonnée.»6
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À la lumière de ces deux tableaux, nous pouvons tenir un certain nombre de choses pour acquises et poser quelques questions lourdes de sens.
C’est dans le cadre de la nouvelle famille, qu’on appelle souvent famille nucléaire, que les enfants marginaux ont progressivement été reconnus, mais il fallait d’abord que l’enfant en tant que tel soit réhabilité. Par enfants marginaux, il faut entendre ici aussi bien les enfants touchés par un handicap physique ou une déficience intellectuelle que les enfants délinquants. Une fois sortis de la famille, ces enfants, s’ils ne trouvent pas d’emploi, n’ont aucun lieu d’appartenance auquel se rattacher à moins qu’on ne prévoit pour eux de nouvelles familles étendues à quoi ressemblent les communautés de l’Arche , ou qu’on ne suscite l’avènement d’un milieu intermédiaire constitué de familles nucléaires et assez fort pour susciter l’émergence de groupes d’amis autour des personnes faibles vivant seules, ce qui est la mission de PLAN.
Nous pouvons également tenir pour acquis que l’évolution de la famille en direction de l’enfant n’est pas terminée. L’enfant n’est plus seulement roi, il a de plus en plus d’occasions d’être tyran. Après avoir été l’une des causes de l’éclatement du couple, par l’importance qu’il a pour la mère d’abord, mais aussi pour le père, il est en position de force par rapport à eux sur le plan affectif : il peut choisir de vivre principalement avec l’un plutôt qu’avec l’autre. Jusqu’où ira le balancier? Il existe aux États-Unis des écoles où l’on apprend aux mères à marcher à quatre pattes pour se mettre en état de mieux comprendre l’environnement de leurs bébés. Si la société à l’âge classique était trop centrée sur l’adulte accompli, jouissant pleinement de l’usage de sa raison, ne faut-il pas craindre que la société de demain ne soit constituée pour l’essentiel d’êtres inachevés qui ressembleront trop à leurs enfants pour être capables d’être ce point d’appui qui fonde l’amour des parents de l’ancien régime? Quel sera le sort des plus faibles dans une telle société ?
Pour améliorer le sort des plus faibles en même temps que celui de l’ensemble de la population, faudra-t-il d’abord s’efforcer de reconstituer le milieu d’Ariès ou la famille étendue de Leslett? On utilise aujourd’hui l’expression famille élargie pour désigner une famille où les grands-parents et parfois même des oncles, des tantes ou des cousins ont leur place. Plusieurs souhaitent qu’on favorise le développement de telles familles, notamment au moyen de nouvelles normes architecturales. Il ne faut pas exclure non plus qu’à la faveur du télétravail, la famille-atelier, celle du boulanger de Londres, revive sous des formes nouvelles. Rien de tout cela n’est toutefois incompatible avec les mesures destinées à favoriser la résilience du milieu dont Ariès déplore la disparition.
Notes
1. Peter Laslett, Un monde que nous avons perdu. Les structures sociales pré-industrielles, Paris, Flammarion, 1969, p. 7.
2. Ibidem, p. 11
3. Ibidem, p. 28
4- Philippe Ariès, La famille, hier et aujourd'hui, Revue Contrepoint, Numéro 11, Paris 1973, p. 89-99
5. Philippe Ariès, op.cit.
6- Philippe Ariès, Histoire des populations françaises, Paris, Seuil 1971 |
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