AccueilIndexCréditsContact



La Lettre de L'Agora
Abonnez-vous gratuitement à notre bulletin électronique.
>>>

La méthode Lovaas, une voie de guérison contre l'autisme (Hélène Laberge)
Quelques sites québécois sur l'autisme
L'Autiste Show (Hélène Laberge)
Bibliothèque numérique et sitographie
Sites sur l'autisme et les troubles envahissants du développement (Hélène Laberge)
TEDDI au tribunal (Jacques Dufresne)
Un minou robot pour mamie
Un minou robot pour mamie (Jacques Dufresne)


Revue Le partenaire
Créée en 1992, la revue le partenaire est devenue au Québec une voix importante pour les personnes utilisatrices de services en santé mentale et pour tous les acteurs concernés par la réadaptation psychosociale, le rétablissement et la problématique de la santé mentale. Ses éditoriaux, ses articles, ses dossiers proposent une information à la fine pointe des connaissances dans le champ de la réadaptation psychosociale. Ils contribuent à enrichir la pratique dans ce domaine et à stimuler le débat entre ses membres.
Destination El Paradiso
El Paradiso n’est pas une maison de retraite comme les autres. Située dans une île enchanteresse qui est réservée à son usage, elle accueille des pensionnaires bien particuliers. Ce sont, par un aspect ou l’autre de leur vie, par ailleurs tout à fait honorable, des originaux, des excentriques, habités par une douce folie, qui n’a sans doute d’égal que la simplicité de leur bonheur. C’est une galerie de personnages un peu fantasques que nous fait rencontrer cet ouvrage tout empreint de tendresse, d’humour et d’humanité. Voici donc les premiers douze membres de ce club très spécial: Perry Bedbrook, Guy Joussemet, Édouard Lachapelle, Andrée Laliberté, Céline Lamontagne, Guy Mercier, Avrum Morrow, Lorraine Palardy, Antoine Poirier, Michel Pouliot, Charles Renaud, Peter Rochester.
Le Guérisseur blessé
Le Guérisseur blessé de Jean Monbourquette est paru au moment où l’humanité entière, devant la catastrophe d’Haïti, s’est sentie blessée et a désiré contribuer de toutes sortes de façons à guérir les victimes de ce grand malheur. Bénéfique coïncidence, occasion pour l’ensemble des soignants du corps et de l’âme de s’alimenter à une source remarquable. Dans ce livre qui fut précédé de plusieurs autres traitant des domaines de la psychologie et du développement personnel , l’auteur pose une question essentielle à tous ceux qui veulent soigner et guérir : « Que se cache-t-il derrière cette motivation intime à vouloir prendre soin d’autrui? Se pourrait-il que la majorité de ceux et celles qui sont naturellement attirés par la formation de soignants espèrent d’abord y trouver des solutions à leurs propres problèmes et guérir leurs propres blessures? » Une question qui ne s’adresse évidemment pas à ceux qui doivent pratiquer une médecine de guerre dans des situations d’urgence!
Mémoire et cerveau
Dans ce numéro de La Recherche, on se limite à étudier la mémoire dans la direction indiquée par le psychologue torontois Endel Tulving, reconnu en en ce moment comme l'un des grands maîtres dans ce domaine. Cela confère au numéro un très haut degré de cohérence qui en facilite la lecture. Culving est à l'origine de la distinction désormais universellement admise entre la « mémoire épisodique » portant sur des événements vécus et la « mémoire sémantique » portant sur des concepts, des connaissances abstraites. C'est la première mémoire que je mets en œuvre quand je m'efforce d'associer des mots à un événement passé, un voyage par exemple; je m'en remets à la seconde quand je m'efforce d'associer des mots automatiquement les uns aux autres, abstraction faite de tout événement vécu auquel ces mots pourraient se rapporter. Au cours de la décennie 1960, Tulving a constaté que les résultats obtenus grâce au premier exercice étaient beaucoup moins bons que ceux obtenus par le second exercice, ce qui l'a incité à faire l'hypothèse qu'il existe deux mémoires distinctes.
Spécial Mémoire
Dans ce numéro de La Recherche, on se limite à étudier la mémoire dans la direction indiquée par le psychologue torontois Endel Tulving, reconnu en en ce moment comme l'un des grands maîtres dans ce domaine. Cela confère au numéro un très haut degré de cohérence qui en facilite la lecture. Culving est à l'origine de la distinction désormais universellement admise entre la « mémoire épisodique » portant sur des événements vécus et la « mémoire sémantique » portant sur des concepts, des connaissances abstraites. C'est la première mémoire que je mets en œuvre quand je m'efforce d'associer des mots à un événement passé, un voyage par exemple; je m'en remets à la seconde quand je m'efforce d'associer des mots automatiquement les uns aux autres, abstraction faite de tout événement vécu auquel ces mots pourraient se rapporter. Au cours de la décennie 1960, Tulving a constaté que les résultats obtenus grâce au premier exercice étaient beaucoup moins bons que ceux obtenus par le second exercice, ce qui l'a incité à faire l'hypothèse qu'il existe deux mémoires distinctes.
L'itinérance au Québec
La personne en situation d’itinérance est celle : […] qui n’a pas d’adresse fixe, de logement stable, sécuritaire et salubre, à très faible revenu, avec une accessibilité discriminatoire à son égard de la part des services, avec des problèmes de santé physique, de santé mentale, de toxicomanie, de violence familiale ou de désorganisation sociale et dépourvue de groupe d’appartenance stable. Cette définition met en évidence la complexité du phénomène et l’importance de l’aspect multifactoriel des éléments déclencheurs tels que la précarité résidentielle et financière, les ruptures sociales, l’accumulation de problèmes divers (santé mentale, santé physique, toxicomanie, etc.). L’itinérance n’est pas un phénomène dont les éléments forment un ensemble rigide et homogène et elle ne se limite pas exclusivement au passage à la rue.L’itinérance est un phénomène dynamique dont les processus d’exclusion, de marginalisation et de désaffiliation en constituent le coeur.
L’habitation comme vecteur de lien social
Evelyne Baillergeau et Paul Morin (2008). L’habitation comme vecteur de lien social, Québec, Collection Problèmes sociaux et intervention, PUQ, 301 p. Quel est le rôle de l’habitation dans la constitution d’un vivre ensemble entre les habitants d’un immeuble, d’un ensemble d’habitations ou même d’un quartier ? Quelles sont les répercussions des conditions de logement sur l’organisation de la vie quotidienne des individus et des familles et sur leurs modes d’inscription dans la société ? En s’intéressant à certaines populations socialement disqualifi ées, soit les personnes ayant des problèmes de santé mentale et les résidents en habitation à loyer modique, les auteurs étudient le logement non seulement comme l’un des déterminants de la santé et du bien-être, mais également comme un lieu d’intervention majeur dans le domaine des services sociaux. De la désinstitutionnalisation à l’intégration, des maisons de chambres aux HLM, ils décrivent et analysent des expériences ayant pour objectif le développement individuel et collectif des habitants et les comparent ensuite à d’autres réalisées au Canada, aux Pays-Bas et en Italie. Pour en savoir plus : http://www.puq.ca
Revue Développement social
On a longtemps sous-estimé l'importance du lien entre les problèmes environnementaux et la vie sociale. Nous savons tous pourtant que lorsque le ciel est assombri par le smog, on hésite à sortir de chez soi pour causer avec un voisin. Pour tous les collaborateurs de ce numéro consacré au développement durable, le côté vert du social et le côté social du vert vont de soi. La vue d'ensemble du Québec qui s'en dégage est enthousiasmante. Les Québécois semblent avoir compris qu'on peut redonner vie à la société en assainissant l'environnement et que les défits à relever pour assurer le développement durable sont des occasions à saisir pour resserrer le tissu social.
La réforme des tutelles: ombres et lumières.
En marge de la nouvelle loi française sur la protection des majeurs, qui doit entrer en vigueur en janvier 2009. La France comptera un million de personnes " protégées " en 2010. Le dispositif actuel de protection juridique n'est plus adapté. Ce " livre blanc " est un plaidoyer pour une mise en œuvre urgente de sa réforme. Les enjeux sont clairs lutter contre les abus, placer la protection de la personne, non plus seulement son patrimoine, au cœur des préoccupations, associer les familles en les informant mieux, protéger tout en respectant la dignité et la liberté individuelle. Le but est pluriel. Tout d'abord, rendre compte des difficultés, des souffrances côtoyées, assumer les ombres, et faire la lumière sur la pratique judiciaire, familiale et sociale ; Ensuite, expliquer le régime juridique de la protection des majeurs, et décrire le fonctionnement, les bienfaits, et les insuffisances ; Enfin, poser les jalons d'une réforme annoncée comme inéluctable et imminente mais systématiquement renvoyée à plus tard. Les auteurs: Michel Bauer, directeur général de l'Udaf du Finistère, l'une des plus grandes associations tutélaires de France, anime des groupes de réflexion sur le sujet et œuvre avec le laboratoire spécialisé de la faculté de droit de Brest. II est l'auteur d'ouvrages sur les tutelles et les curatelles. Thierry Fossier est président de chambre à la cour d'appel de Douai et professeur à l'Université d'Auvergne, où il codirige un master et l'IEJ. II est fondateur de l'Association nationale des juges d'instance, qui regroupe la grande majorité des juges des tutelles. II est l'auteur de nombreuses publications en droit de la famille et en droit des tutelles. Laurence Pécaut-Rivolier, docteur en droit, est magistrate à la Cour de cassation. Juge des tutelles pendant seize ans elle préside l'Association nationale des juges d'instance depuis plusieurs années.
Puzzle, Journal d'une Alzheimer
Ce livre, paru aux Éditions Josette de Lyon en 2004, a fait l'objet d'une émission d'une heure à Radio-France le 21 février 2008. Il est cité dans le préambule du rapport de la COMMISSION NATIONALE CHARGÉE DE L’ÉLABORATION DE PROPOSITIONS POUR UN PLAN NATIONAL CONCERNANT LA MALADIE D’ALZHEIMER ET LES MALADIES APPARENTÉES. Ce rapport fut remis au Président de la République française le 8 novembre 2007. «Je crois savoir où partent mes pensées perdues : elles s’évadent dans mon coeur…. Au fur et à mesure que mon cerveau se vide, mon coeur doit se remplir car j’éprouve des sensations et des sentiments extrêmement forts… Je voudrais pouvoir vivre le présent sans être un fardeau pour les autres et que l’on continue à me traiter avec amour et respect, comme toute personne humaine qui a des émotions et des pensées,même lorsque je semble «ailleurs »1à.
Les inattendus (Stock)
Premier roman d'Eva Kristina Mindszenti, jeune artiste peintre née d’un père hongrois et d’une mère norvégienne, qui vit à Toulouse. Le cadre de l'oeuvre: un hôpital pour enfants, en Hongrie. «Là gisent les "inattendus", des enfants monstrueux, frappés de maladies neurologiques et de malformations héritées de Tchernobyl, que leurs parents ont abandonné. Ils gémissent, bavent, sourient, râlent, mordent parfois. Il y a des visages "toujours en souffrance" comme celui de Ferenc évoquant "le Christ à la descente de la croix". Tout est figé, tout semble mort. Pourtant, la vie palpite et la beauté s’est cachée aussi au tréfonds de ces corps suppliciés. » (Christian Authier, Eva Kristina Mindszenti : une voix inattendue, «L'Opinion indépendante», n° 2754, 12 janvier 2007)
En toute sécurité
Cet ouvrage est l'adaptation québécoise de Safe and secure, publié par les fondateurs du réseau PLAN (Planned Lifetime Advocacy Network) et diffusé au Québec par un groupe affilié à PLAN, Réseaux pour l'avenir. Il s'agit d'un guide pratique dont le but est d'aider à les familles à planifier l'avenir "en toute sécurité" des membres de leur famille aux prises avec un handicap.
"Il faut rester dans la parade ! " - Comment vieillir sans devenir vieux
Auteur : Catherine Bergman. Éditeur : Flammarion Québec, 2005. "Dominique Michel, Jacques Languirand, Jean Béliveau, Antonine Maillet, Jean Coutu, Gilles Vigneault, Hubert Reeves, ils sont une trentaine de personnalités qui, ayant dépassé l’âge de la retraite, sont restés actives et passionnées. Ils n’ont pas la prétention de donner des conseils ni de s’ériger en modèles, mais leur parcours exceptionnel donne à leur parole une valeur inestimable. Journaliste d’expérience, Catherine Bergman les interroge sur le plaisir qu’ils trouvent dans ce qu’ils font, leur militantisme et leur vision de la société ; sur leur corps, ses douleurs et la façon dont ils en prennent soin ; sur leur rapport aux autres générations, ce qu’ils ont encore à apprendre et l’héritage qu’ils souhaitent transmettre ; sur leur perception du temps et leur peur de la mort. Son livre est un petit bijou, une réflexion inspirante sur la vieillesse et l’art d’être vivant." (présentation de l'éditeur).
Le temps des rites. Handicaps et handicapés
Auteur : Jean-François Gomez. Édition : Presses de l'Université Laval, 2005, 192 p. "Il est temps aujourd’hui de modifier profondément notre regard sur les personnes handicapées et sur les « exclus » de toute catégorie, qu’ils soient ou non dans les institutions. Pour l’auteur du Temps des rites, l’occultation du symbolique, ou son déplacement en une société de « signes » qui perd peu à peu toutes formes de socialités repérable et transmissible produit des dégâts incalculables, que les travailleurs sociaux, plus que quiconque doivent intégrer dans leur réflexion. Il faudrait s’intéresser aux rituels et aux « rites de passage » qui accompagnaient jusque là les parcours de toute vie humaine, débusquer l’existence d’une culture qui s’exprime et s’insinue dans toutes les étapes de vie. On découvrira avec étonnement que ces modèles anciens qui ont de plus en plus de la peine à se frayer une voie dans les méandres d’une société technicienne sont d’une terrible efficacité."
Dépendances et protection (2006)
Textes des conférences du colloque tenu le 27 janvier 2006 à l'Île Charron. Formation permanente du Barreau du Québec. Volume 238. 2006
Dossier
Dignité
Dernière modification :
06 / 06 / 2006


Définition
On se sent bien humble quand vient le moment de définir la dignité. Qui est digne d’entreprendre une telle tâche ? Dignité est le mot phare en ce moment, plus fondamental que le mot droit, - car les droits de l’homme reposent sur sa dignité - , plus précieux que le mot liberté, car on conserve encore toute sa dignité quand on a perdu l’usage de sa liberté, à cause d’un handicap par exemple.

Dignité est aussi le mot qui désigne la seule réalité en chaque être humain qui puisse encore retenir l’agresseur au seuil de la violence extrême ! Quelle est cette réalité ? Comment se manifeste-t-elle et à quelles conditions peut-on lui être sensible ? L’indifférence, cette non-assistance morale à la personne en danger de détresse, est aussi une atteinte à la dignité, celle sans doute dont on souffre le plus, surtout parmi les personnes vivant avec un handicap grave. Comment la prévenir, comment cultiver ce regard vers l’autre qui témoigne d’un respect inconditionnel à son endroit ?

L’histoire de ce mot ressemble à celle du mot honneur. Il a d’abord désigné une distinction accordée aux titulaires de fonctions importantes. «À Rome, précise Jean-François Mattéi, le mot dignitas désigne le mérite attaché à une fonction ou à un office. Et par conséquent la considération et l’estime qu’on a pour celui qui en est digne»1. Il n’y a rien, poursuit Mattéi, ni dans le droit romain, ni dans les usages de la Grèce antique, qui évoque la dignité universelle des droits de l’homme. L’idée même d’humanité, à laquelle on associe celle de dignité, était étrangère aux Grecs. «Quand ils utilisent les mots hoi anthropoi, les hommes, ils désignent bien l’ensemble des hommes, mais non l’essence d’une humanité distincte de ses enracinements linguistiques, politiques et géographiques»2.

Dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1791, l’article premier se lit comme suit : «Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. » Le mot dignité n’apparaît qu’à l’article 6, dans le sens ancien du terme : «Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

Point de trace non plus de l’idée de dignité dans la déclaration américaine de 1776. «Tous les hommes naissent naturellement et également libres et indépendants, et possèdent certains droits inaliénables dont ils ne peuvent pas, lorsqu'ils entrent dans l'état de société, priver ou dépouiller leur postérité. Ce sont : la jouissance de la vie et de la liberté, l'accession à la propriété, la recherche du bonheur et de la sécurité. »

Il faudra attendre la Déclaration de 1948 pour voir apparaître le mot dignité dans un grand texte solennel : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », dit l’article premier.

Étonnante métamorphose du mot qui porte aujourd’hui tous les espoirs des êtres humains! Une distinction extérieure, une marque sociale, une décoration est devenue ce je ne sais quoi, à l’intérieur de chaque être humain concret, qui mérite le respect inconditionnel d’autrui. «Il y a, dira Simone Weil, depuis la petite enfance jusqu’à la tombe, au fond du cœur de tout être humain, quelque chose qui, malgré toute l’expérience des crimes commis, soufferts ou observés, s’attend invinciblement à ce qu’on lui fasse du bien et non du mal. » Simone Weil ajoute : «C’est cela, avant toute chose, qui est sacré en tout être humain »3.

Ce serait donc de la partie divine de son être que l’homme tirerait sa dignité. Il semble logique qu’il en soit ainsi. Puisque l’homme n’avait pas réussi à se protéger contre lui-même en devenant maître de son destin et en substituant ses principes et ses droits à ceux du Dieu des religions, ne convenait-il pas d’inviter chacun à tourner son regard vers un je ne sais quoi qui ait un sens à l’intérieur de chacune des religions aussi bien que hors d’elles? C’est bien en effet une autre des caractéristiques de l’idée de dignité que d’avoir un sens pour les incroyants aussi bien que pour les croyants.

Ce n’est pourtant pas la thèse de l’origine divine de la dignité qui suscite l’adhésion la plus large depuis 1948, mais une autre, plus terre à terre, défendue notamment par le philosophe Paul Ricœur, selon laquelle «quelque chose est dû à l’être humain du seul fait qu’il est humain »4.

Ayant rappelé que le temps d’incubation de l’idée de dignité, présente à l’état d’ébauche chez les stoïciens et dans la chrétienté, a été très long, qu’il a fallu attendre la Renaissance, plus précisément le De dignitate hominis oratio de Pic de La Mirandole, puis les pensées de Rousseau de Kant pour qu’elle prenne forme en Europe, attendre enfin la Déclaration de 1948, pour qu’elle soit proposée au reste du monde, Jean-François Mattéi démontre que c’est le sentiment d’indignation qui est premier.

« Les hommes se sont indignés avant de concevoir la notion de dignité. […] Je propose ici l’hypothèse selon laquelle le sentiment d’indignation a précédé, et précipité ensuite, le concept de dignité en permettant l’éclosion de ce que nous nommons depuis Rousseau la conscience morale. […] L’homme n’est pas indigné parce qu’un acte vil a porté atteinte à une dignité abstraite; il proclame son exigence de dignité parce qu’il a éprouvé des indignations réelles »5.

C’est dans le sillage de l’indignation que l’idée de dignité s’est imposée et elle appartient de par cette origine à la sphère de la transcendance. «Fonder la dignité sur l’homme ou l’homme sur la dignité sans instaurer de médiation, le Grand Artisan chez Pic de la Mirandole, Jésus-Christ chez Pascal, l’Être divin chez Rousseau, le Maître suprême chez Kant, c’est succomber à la pétition de principe qui consiste à fonder la raison sur elle-même »6.

On n’échappe pas à cette pétition de principe lorsque, à l’instar de monsieur Axel Kahn 7, on soutient que la dignité repose sur le regard signifiant posé sur autrui. Raisonner ainsi c’est oublier que le regard compatissant est lui-même le signe d’une conscience morale qui a été éveillée auparavant par l’indignation.

Notes

1. Jean-François Mattéi, De l’indignation, La Table Ronde, Paris, 2005, p. 15.
2. Ibidem.
3. Simone Weil, Écrits de Londres et dernières lettres, Paris, Gallimard, 1957, p.13.
4. Paul Ricoeur, in J.-F. de Raymond, Les Enjeux des droits de l’homme, Paris, Larousse, 1988, p.236-237.
5. Jean-François Mattéi, De l’indignation, La Table Ronde, Paris, 2005, p. 21.
6. Ibidem, p. 18.
7. Forum vie, grande dépendance et dignité


Enjeux
Dans le livre de Thomas de Koninck sur la dignité humaine, le thème central est le lien entre le mépris de la dignité et l'abstraction. «Notre temps, dit l'auteur, à la première page, est passé maître dans l'invention de catégories permettant d'immoler "à l'être abstrait les êtres réels," selon la juste formule de Benjamin Constant.» 1 Plus loin, s'inspirant de Gabriel Marcel, il montre comment la passion fabrique de l'abstrait. Dans certaines conditions, cet être unique auquel normalement nous n'oserions pas faire de mal, devient une chose quelconque parce nous le regardons à travers une idée générale, une abstraction: juif, bourgeois, noir, jaloux, hystérique, etc.

Au vieux fond de violence instinctive, peut-être trop systématiquement refoulé dans la vie courante, se sont ajoutées, par le biais de la montée du formalisme dans la vie quotidienne et dans la science, des raisons, les moyens et l'excuse de tuer efficacement. Les pilotes de l' avion qui a largué la bombe atomique sur Hiroshima étaient à une distance telle -physique et psychologique- de leurs victimes, que tout leur semblait non seulement permis, mais facile.

Comment cultiver en nous-mêmes cette attention qui nous fera découvrir l'être unique, concret et digne, derrière la catégorie méprisable à laquelle nous sommes tentés de le réduire. Quiconque veut contribuer à la prévention des génocides et des autres atteintes à la dignité et à la vie d'autrui doit d'abord répondre pour son propre compte à cette question sur l'attention.

La réflexion sur l'attention dans cette perspective soulève la question du sens de la culture et de l'éducation. Pour l'intelligence, l'abstraction est un outil et un appui: cette chose devant moi est un arbre. Grâce au concept (outil) je distingue l'arbre du ruisseau qui coule à côté et cette distinction me rassure, je poursuis ma promenande en pensant à autre chose. À ce niveau d'attention, je trouverai parfaitement normal, que quelqu'un abatte l'arbre, je ne m'en apercevrai peut-être même pas. Il en sera bien autrement si mon attention s'accroît au point que l'arbre quelconque devienne pour moi tel arbre, concret, unique, beau, attachant. A partir de ce moment je m'intéresserai vraiment à lui, je comprendrai qu'il s'agit d'un cerisier rare. S'il en est ainsi dans mes rapports avec toutes les choses , j'aurai le coeur secrètement brisé par chacune d'elle comme on le voit dans la lettre à Lord Chandos, et il en sera ainsi dans mes rapports avec les êtres. Le risque que je porte atteinte à leur dignité sera alors à son plus bas degré possible.

Cela suppose une éducation où l'on est invité à renoncer constamment à l'utilité de l'abstraction, à la sécurité qu'elle procure, pour se rapprocher de la réalité concrète par une contemplation qui ressemble de plus en plus à l'amour. François Villon est un poète français de la fin du Moyen Age, soit! Le voilà situé, et aussi réduit à une abstraction. Mais faites l'effort de mieux comprendre l'époque où il vivait, les excès auxquels il s'est abandonné, la justice qui l'a frappé, le repentir auquel un chrétien était appelé, apprenez ses poèmes par coeur pour vous rapprocher encore davantage de lui, chantez-les avec Brassens et vous comprendrez aux sentiments que feront naître en vous ses plus beaux vers, que la barbarie vient de régresser en un point déterminé de l'espace et du temps: vous-mêmes.

«Frères humains qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis...»

Si la crise de l'école dans le monde est inquiétante c'est parce qu'une dégradation de cette institution équivaut à une dégradation de la faculté d'attention et par là à la disparition d'un rempart contre la barbarie.

Note
1 Thomas De Koninck, De la dignité humaine, Paris, PUF, 1996

Essentiel
Passage de la lettre à Lord Chandos, de Hugo von Hofmannsthal:

«Un arrosoir, une herse à l'abandon dans un champ, un chien au soleil, un cimetière misérable, un infirme, une petite maison de paysans, tout cela peut devenir le réceptacle de mes révélations. Chacun de ces objets, et mille autres semblables dont un oeil d'ordinaire se détourne avec une indifférence évidente, peut prendre pour moi soudain, en un moment qu'il n'est pas du tout en mon pouvoir de provoquer, un caractère sublime et si émouvant, que tous les mots, pour le traduire, me paraissent trop pauvres. ( ... ) Ces créatures muettes et parfois inanimées s'élancent vers moi avec un amour si entier, si présent, que mon regard comblé ne peut tomber alentour sur aucune surface morte. ( ... ) J'ai alors l'impression que mon corps est constitué uniquement de caractères chiffrés avec quoi je peux tout ouvrir. Ou encore que nous pourrions entrer dans un rapport nouveau, mystérieux, avec toute l'existence, si nous nous mettions à penser avec le coeur.»

Hugo von Hofmannsthal: La lettre à Lord Chandos, Paris, NRF, p. 81.

Documentation
De Koninck, Thomas. De la dignité humaine, Paris, PUF, 1995; coll. "Quadrige", no 382, 2002, 256 p. Présentation sur le site de l'éditeur.
Présentation sur le site de l'éditeur.
Larochelle, Renée. "Vers une civilisation de l'hospitalité?", Le Fil des événements (Université Laval), 16 septembre 1999. "Selon le philosophe Thomas De Koninck, la dignité humaine devrait représenter la valeur suprême au tournant du nouveau millénaire."

De Koninck, Thomas, et Gilbert Larochelle (coordonnateurs); Jean-François Mattei, Dominique Folscheid, Marie-Andrée Ricard et Jean-François De Raymond. La dignité humaine. Philosophie, droit, politique, économie, médecine, Paris, PUF, 2005, 176 p. Présentation sur le site de l'éditeur.
Recension : Louis Cornellier, "Réflexions sur la dignité humaine", Le Devoir, 24-25 décembre 2005 (texte reproduit sur le site Culture et foi)
Voir aussi : La nouvelle ignorance ? Rencontre avec Thomas de Koninck (émission "Chasseurs d'idées", 13 janvier 2002) - on peut faire l'écoute de l'émission à l'aide de Real Player

De Koninck, Thomas. "A propos de 'dignité'", Cahiers de soins palliatifs, vol. 3, no 1, 2001, p. 3-17

Edelman, Bernard. La dignité de la personne humaine, un concept nouveau. Dalloz, 1997

Millon-Delsal, C. Les fondements de l'idée de dignité humaine. Ethique, 1992

La dignité de la personne humaine. Recherche sur un processus de juridicisation
Charlotte Girard, Stéphanie Hennette-Vauchez - PUF

Hennette-Vauchez, Stéphanie, et Charlotte Girard. Voyage au bout de la dignité. Recherche généalogique sur le principe juridique de dignité de la personne humaine. Synthèse. CERAP (Centre d’études et de recherches sur l’administration publique), Université Paris I Panthéon Sorbonne, avril 2004. Le présent document constitue la synthèse du rapport scientifique d’une recherche financée par le GIP Mission de recherche Droit & Justice, réalisée dans le cadre de l’appel à projets "Les principes fondamentaux du droit", ainsi qu’avec le soutien du Centre d’Etudes et de Recherche sur l’Administration Publique (C.E.R.A.P.) de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne (format PDF)

Plantey, Alain. Approche historique et critique du concept français de dignité de la personne humaine. Discours prononcé lors de l’Assemblée générale de l’Union Académique Internationale (Barcelone, 27-31 mai 2004) - reproduit sur le site de l'Académie des Sciences morales et politiques (format PDF)

Harris, George W. Dignity and Vulnerability: Strength and Quality of Character. Berkeley, Calif:, University of California Press, c1997. On peut lire en ligne le texte intégral de cet ouvrage.

Inaptitude et dignité de la personne humaine

Poisat, J. L. "La tutelle vécue comme une perte de sa dignité humaine", Psychologie médicale, vol. 22, no 12, 1990, p. 1199-1200.

"Hôpital et respect des personnes", in Le supplément, revue d’éthique et de théologie morale, n° 184, mars 1993 (Fédération des institutions hospitalières de Wallonie)

Académie pontificale pour la Vie. Le respect de la dignité de la personne mourante. Considérations éthiques sur l'euthanasie, 2000
Recherche
Dossiers connexes
Maltraitance
Vulnérabilité
Raccourcis

La dignité humaine (synthèse d'après la conférence de M. Sayah, Maître de conférences (Droit) à l'Université de Grenoble, 12 avril 2000) - Éthique et Santé - Réseau Rodin (Inserm et Laboratoire d'éthique médicale de Paris 5)
Gérard Verna, Les atteintes à la dignité, site multilingue.
Dignité humaine au quotidien
Forum vie, grande dépendance et dignité
Allemand
Würdigkeit
Anglais
dignity
Espagnol
dignidad
À lire également dans L'Encyclopédie de L'Agora