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| Revue Le partenaire | | Créée en 1992, la revue le partenaire est devenue au Québec une voix importante pour les personnes utilisatrices de services en santé mentale et pour tous les acteurs concernés par la réadaptation psychosociale, le rétablissement et la problématique de la santé mentale. Ses éditoriaux, ses articles, ses dossiers proposent une information à la fine pointe des connaissances dans le champ de la réadaptation psychosociale. Ils contribuent à enrichir la pratique dans ce domaine et à stimuler le débat entre ses membres. | |
Destination El Paradiso | | El Paradiso n’est pas une maison de retraite comme les autres. Située dans une île enchanteresse qui est réservée à son usage, elle accueille des pensionnaires bien particuliers. Ce sont, par un aspect ou l’autre de leur vie, par ailleurs tout à fait honorable, des originaux, des excentriques, habités par une douce folie, qui n’a sans doute d’égal que la simplicité de leur bonheur. C’est une galerie de personnages un peu fantasques que nous fait rencontrer cet ouvrage tout empreint de tendresse, d’humour et d’humanité. Voici donc les premiers douze membres de ce club très spécial:
Perry Bedbrook, Guy Joussemet, Édouard Lachapelle, Andrée Laliberté,
Céline Lamontagne, Guy Mercier, Avrum Morrow, Lorraine Palardy,
Antoine Poirier, Michel Pouliot, Charles Renaud, Peter Rochester.
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Le Guérisseur blessé | | Le Guérisseur blessé de Jean Monbourquette est paru au moment où l’humanité entière, devant la catastrophe d’Haïti, s’est sentie blessée et a désiré contribuer de toutes sortes de façons à guérir les victimes de ce grand malheur. Bénéfique coïncidence, occasion pour l’ensemble des soignants du corps et de l’âme de s’alimenter à une source remarquable.
Dans ce livre qui fut précédé de plusieurs autres traitant des domaines de la psychologie et du développement personnel , l’auteur pose une question essentielle à tous ceux qui veulent soigner et guérir : « Que se cache-t-il derrière cette motivation intime à vouloir prendre soin d’autrui? Se pourrait-il que la majorité de ceux et celles qui sont naturellement attirés par la formation de soignants espèrent d’abord y trouver des solutions à leurs propres problèmes et guérir leurs propres blessures? » Une question qui ne s’adresse évidemment pas à ceux qui doivent pratiquer une médecine de guerre dans des situations d’urgence! | |
Mémoire et cerveau | | Dans ce numéro de La Recherche, on se limite à étudier la mémoire dans la direction indiquée par le psychologue torontois Endel Tulving, reconnu en en ce moment comme l'un des grands maîtres dans ce domaine. Cela confère au numéro un très haut degré de cohérence qui en facilite la lecture. Culving est à l'origine de la distinction désormais universellement admise entre la « mémoire épisodique » portant sur des événements vécus et la « mémoire sémantique » portant sur des concepts, des connaissances abstraites. C'est la première mémoire que je mets en œuvre quand je m'efforce d'associer des mots à un événement passé, un voyage par exemple; je m'en remets à la seconde quand je m'efforce d'associer des mots automatiquement les uns aux autres, abstraction faite de tout événement vécu auquel ces mots pourraient se rapporter. Au cours de la décennie 1960, Tulving a constaté que les résultats obtenus grâce au premier exercice étaient beaucoup moins bons que ceux obtenus par le second exercice, ce qui l'a incité à faire l'hypothèse qu'il existe deux mémoires distinctes. | |
Spécial Mémoire | | Dans ce numéro de La Recherche, on se limite à étudier la mémoire dans la direction indiquée par le psychologue torontois Endel Tulving, reconnu en en ce moment comme l'un des grands maîtres dans ce domaine. Cela confère au numéro un très haut degré de cohérence qui en facilite la lecture. Culving est à l'origine de la distinction désormais universellement admise entre la « mémoire épisodique » portant sur des événements vécus et la « mémoire sémantique » portant sur des concepts, des connaissances abstraites. C'est la première mémoire que je mets en œuvre quand je m'efforce d'associer des mots à un événement passé, un voyage par exemple; je m'en remets à la seconde quand je m'efforce d'associer des mots automatiquement les uns aux autres, abstraction faite de tout événement vécu auquel ces mots pourraient se rapporter. Au cours de la décennie 1960, Tulving a constaté que les résultats obtenus grâce au premier exercice étaient beaucoup moins bons que ceux obtenus par le second exercice, ce qui l'a incité à faire l'hypothèse qu'il existe deux mémoires distinctes.
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L'itinérance au Québec | | La personne en situation d’itinérance est celle :
[…] qui n’a pas d’adresse fixe, de logement stable, sécuritaire et salubre, à très faible revenu, avec une accessibilité discriminatoire à son égard de la part des services, avec des problèmes de santé physique, de santé mentale, de toxicomanie, de violence familiale ou de désorganisation sociale et
dépourvue de groupe d’appartenance stable.
Cette définition met en évidence la complexité du phénomène et l’importance de l’aspect multifactoriel des éléments déclencheurs tels que la précarité résidentielle et financière, les ruptures sociales, l’accumulation de problèmes divers (santé mentale, santé physique, toxicomanie, etc.). L’itinérance n’est pas un phénomène dont les éléments forment un ensemble rigide et homogène et elle ne se limite pas exclusivement au passage à la rue.L’itinérance est un phénomène dynamique dont les processus d’exclusion, de marginalisation et de désaffiliation
en constituent le coeur. | |
L’habitation comme vecteur de lien social | | Evelyne Baillergeau et Paul Morin (2008). L’habitation comme vecteur de lien social, Québec, Collection
Problèmes sociaux et intervention, PUQ, 301 p.
Quel est le rôle de l’habitation dans la constitution d’un vivre ensemble entre les habitants d’un immeuble, d’un ensemble d’habitations ou même d’un quartier ? Quelles sont les répercussions des conditions de logement sur l’organisation de la vie quotidienne des individus et des familles et sur leurs modes d’inscription dans la société ? En s’intéressant à certaines populations socialement disqualifi ées, soit les personnes ayant des problèmes de santé mentale et les résidents en habitation à loyer modique, les auteurs étudient le logement non seulement comme l’un des déterminants de la santé et du bien-être, mais également comme un lieu d’intervention majeur dans le domaine des services sociaux. De la désinstitutionnalisation à l’intégration, des maisons de chambres aux HLM, ils décrivent et analysent des expériences ayant pour objectif le développement
individuel et collectif des habitants et les comparent ensuite à d’autres réalisées au Canada, aux Pays-Bas et en Italie.
Pour en savoir plus : http://www.puq.ca | |
Revue Développement social | | On a longtemps sous-estimé l'importance du lien entre les problèmes environnementaux et la vie sociale. Nous savons tous pourtant que lorsque le ciel est assombri par le smog, on hésite à sortir de chez soi pour causer avec un voisin. Pour tous les collaborateurs de ce numéro consacré au développement durable, le côté vert du social et le côté social du vert vont de soi. La vue d'ensemble du Québec qui s'en dégage est enthousiasmante. Les Québécois semblent avoir compris qu'on peut redonner vie à la société en assainissant l'environnement et que les défits à relever pour assurer le développement durable sont des occasions à saisir pour resserrer le tissu social.
| La réforme des tutelles: ombres et lumières. | | En marge de la nouvelle loi française sur la protection des majeurs, qui doit entrer en vigueur en janvier 2009.
La France comptera un million de personnes " protégées " en 2010. Le dispositif actuel de protection juridique n'est plus adapté. Ce " livre blanc " est un plaidoyer pour une mise en œuvre urgente de sa réforme. Les enjeux sont clairs lutter contre les abus, placer la protection de la personne, non plus seulement son patrimoine, au cœur des préoccupations, associer les familles en les informant mieux, protéger tout en respectant la dignité et la liberté individuelle. Le but est pluriel. Tout d'abord, rendre compte des difficultés, des souffrances côtoyées, assumer les ombres, et faire la lumière sur la pratique judiciaire, familiale et sociale ; Ensuite, expliquer le régime juridique de la protection des majeurs, et décrire le fonctionnement, les bienfaits, et les insuffisances ; Enfin, poser les jalons d'une réforme annoncée comme inéluctable et imminente mais systématiquement renvoyée à plus tard.
Les auteurs: Michel Bauer, directeur général de l'Udaf du Finistère, l'une des plus grandes associations tutélaires de France, anime des groupes de réflexion sur le sujet et œuvre avec le laboratoire spécialisé de la faculté de droit de Brest. II est l'auteur d'ouvrages sur les tutelles et les curatelles. Thierry Fossier est président de chambre à la cour d'appel de Douai et professeur à l'Université d'Auvergne, où il codirige un master et l'IEJ. II est fondateur de l'Association nationale des juges d'instance, qui regroupe la grande majorité des juges des tutelles. II est l'auteur de nombreuses publications en droit de la famille et en droit des tutelles. Laurence Pécaut-Rivolier, docteur en droit, est magistrate à la Cour de cassation. Juge des tutelles pendant seize ans elle préside l'Association nationale des juges d'instance depuis plusieurs années. | |
Puzzle, Journal d'une Alzheimer | | Ce livre, paru aux Éditions Josette de Lyon en 2004, a fait l'objet d'une émission d'une heure à Radio-France le 21 février 2008. Il est cité dans le préambule du rapport de la COMMISSION NATIONALE CHARGÉE DE L’ÉLABORATION DE PROPOSITIONS POUR UN PLAN NATIONAL CONCERNANT
LA MALADIE D’ALZHEIMER ET LES MALADIES APPARENTÉES. Ce rapport fut remis au Président de la République française le 8 novembre 2007.
«Je crois savoir où partent mes pensées perdues : elles s’évadent dans mon coeur…. Au fur et à mesure que mon cerveau se vide, mon coeur doit se remplir car j’éprouve des sensations et des sentiments extrêmement forts… Je voudrais pouvoir vivre le présent sans être un fardeau pour les autres et que l’on continue à me traiter avec amour et respect, comme toute personne humaine qui a des émotions et des pensées,même lorsque je semble «ailleurs »1à.
| Les inattendus (Stock) | | Premier roman d'Eva Kristina Mindszenti, jeune artiste peintre née d’un père hongrois et d’une mère norvégienne, qui vit à Toulouse. Le cadre de l'oeuvre: un hôpital pour enfants, en Hongrie. «Là gisent les "inattendus", des enfants monstrueux, frappés de maladies neurologiques et de malformations héritées de Tchernobyl, que leurs parents ont abandonné. Ils gémissent, bavent, sourient, râlent, mordent parfois. Il y a des visages "toujours en souffrance" comme celui de Ferenc évoquant "le Christ à la descente de la croix". Tout est figé, tout semble mort. Pourtant, la vie palpite et la beauté s’est cachée aussi au tréfonds de ces corps suppliciés. » (Christian Authier, Eva Kristina Mindszenti : une voix inattendue, «L'Opinion indépendante», n° 2754, 12 janvier 2007) | |
En toute sécurité | | Cet ouvrage est l'adaptation québécoise de Safe and secure, publié par les fondateurs du réseau PLAN (Planned Lifetime Advocacy Network) et diffusé au Québec par un groupe affilié à PLAN, Réseaux pour l'avenir. Il s'agit d'un guide pratique dont le but est d'aider à les familles à planifier l'avenir "en toute sécurité" des membres de leur famille aux prises avec un handicap. | |
"Il faut rester dans la parade ! " - Comment vieillir sans devenir vieux | | Auteur : Catherine Bergman. Éditeur : Flammarion Québec, 2005. "Dominique Michel, Jacques Languirand, Jean Béliveau, Antonine Maillet, Jean Coutu, Gilles Vigneault, Hubert Reeves, ils sont une trentaine de personnalités qui, ayant dépassé l’âge de la retraite, sont restés actives et passionnées. Ils n’ont pas la prétention de donner des conseils ni de s’ériger en modèles, mais leur parcours exceptionnel donne à leur parole une valeur inestimable. Journaliste d’expérience, Catherine Bergman les interroge sur le plaisir qu’ils trouvent dans ce qu’ils font, leur militantisme et leur vision de la société ; sur leur corps, ses douleurs et la façon dont ils en prennent soin ; sur leur rapport aux autres générations, ce qu’ils ont encore à apprendre et l’héritage qu’ils souhaitent transmettre ; sur leur perception du temps et leur peur de la mort. Son livre est un petit bijou, une réflexion inspirante sur la vieillesse et l’art d’être vivant." (présentation de l'éditeur). | |
Le temps des rites. Handicaps et handicapés | | Auteur : Jean-François Gomez.
Édition : Presses de l'Université Laval, 2005, 192 p.
"Il est temps aujourd’hui de modifier profondément notre regard sur les personnes handicapées et sur les « exclus » de toute catégorie, qu’ils soient ou non dans les institutions. Pour l’auteur du Temps des rites, l’occultation du symbolique, ou son déplacement en une société de « signes » qui perd peu à peu toutes formes de socialités repérable et transmissible produit des dégâts incalculables, que les travailleurs sociaux, plus que quiconque doivent intégrer dans leur réflexion.
Il faudrait s’intéresser aux rituels et aux « rites de passage » qui accompagnaient jusque là les parcours de toute vie humaine, débusquer l’existence d’une culture qui s’exprime et s’insinue dans toutes les étapes de vie. On découvrira avec étonnement que ces modèles anciens qui ont de plus en plus de la peine à se frayer une voie dans les méandres d’une société technicienne sont d’une terrible efficacité." | |
Dépendances et protection (2006) | | Textes des conférences du colloque tenu le 27 janvier 2006 à l'Île Charron. Formation permanente du Barreau du Québec. Volume 238. 2006 | | |
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Le tribunal de santé mentale de Montréal |
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Jacques Dufresne |
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La Cour municipale de Montréal |
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Extrait |
Près de quinze mois après son ouverture, le 3 mars 2008, le tribunal de santé mentale de Montréal n'a pas encore retenu l'attention des grands médias. Il s'agit pourtant là d'un événement majeur à double titre; parce qu'il constitue une petite révolution dans le monde de la justice et parce qu'il s'agit d'une mesure qui, tout en rendant possible des économies, pourrait améliorer le sort des itinérants et même réduire leur nombre.
Il faut que l'accusé qui entre au tribunal de santé mentale soit accueilli par un autre homme à qui rien d'humain n'est étranger. |
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Présentation |
Une telle innovation, dans un domaine aux longues et lentes traditions comme celui de la Justice est un événement majeur méritant toute l'attention du grand public aussi bien que des autorités publiques. |
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Texte |
Qui donc a dit que les changements profonds sont silencieux? Nous en avons une nouvelle preuve sous les yeux: près de quinze mois après son ouverture, le 3 mars 2008, le Tribunal de santé mentale de Montréal n'a pas encore retenu l'attention des grands médias. Il s'agit pourtant là d'un événement majeur à double titre; parce qu'il constitue une petite révolution dans le monde de la justice et parce qu'il s'agit d'une mesure qui, tout en rendant possible des économies, pourrait améliorer le sort des itinérants et même réduire leur nombre.
Depuis plus de vingt ans, on déplore sur toutes les tribunes le fait que la désinstitutionalisation n'ait pas été entreprise avec cohérence, c'est-à-dire accompagnée de mesures propres à aider les ex-pensionnaires de nos hôpitaux psychiatriques à s'intégrer à la société. Tout récemment, le lundi 8 juin, un collectif d'intervenants dans ce domaine signait un article intitulé Pour une politique sur l'itinérance, où l'on fait à l'État le reproche suivant: « de financer d'un côté des organismes d'aide, de l'autre, de criminaliser et judiciariser des personnes itinérantes ».
Or, c'est précisément pour résoudre ce problème que leTribunal de santé mentale de Montréal a été créé, dix ans, il faut le préciser, après celui de Toronto et huit ans après celui de Saint-Jean, Nouveau-Brunswick. Mais dans ce domaine, un retard est préférable à une improvisation qui pourrait tout compromettre à jamais.
Car il s'agit d'une opération complexe mettant en cause la conception de la justice et comportant bien des risques. Une seule récidive grave et l'ensemble du projet pourrait être annulé. Pour bien comprendre l'originalité et la signification de ce projet, reportons-nous aux origines du droit dans la Grèce du Ve siècle avant Jésus-Christ. La profession d'avocat n'existait pas à ce moment, ni celle de juge, au début du moins. L'accusé était tenu de se présenter devant des juges choisis parmi les citoyens ordinaires et il devait se défendre seul. D'où l'importance qu'avait pour lui et par suite pour tous les citoyens grecs la maîtrise de la parole. C'est elle qui pouvait transformer en réalité une égalité de principe. Survint l'avocat qui pouvait prêter sa voix, et donc sa maîtrise de la parole, à l'accusé, mais qui pouvait créer une autre inégalité parce que seuls les riches pouvaient payer ses services. Au Tribunal de santé mentale, non seulement les services de l'avocat de la défense sont-ils gratuits, mais ceux des autres membres de l'équipe multidisciplinaire dont il fait partie le sont également. Il s'agit de criminologues, de travailleurs sociaux, d'officiers de probation, d'agents de liaison, de psychologues et bien entendu de médecins et d’infirmières.
À peine sorti d'un hôpital psychiatrique, monsieur X brise la vitrine d'un magasin. La justice suivant son cours pour ce citoyen présumé normal, monsieur X comparaît ensuite devant l'impressionnant appareil de la justice criminelle. Du haut de son trône, le juge laisse tomber cette condamnation: trois mois de prison! Que se passera-t-il ensuite? Monsieur X sera emprisonné, mais il ne recevra ni les soins ni l'attention que requiert son état. Comme il n'est pas en mesure de profiter des leçons d'un emprisonnement pour s'assagir, il brisera d'autres vitrines de magasin quand il retrouvera sa liberté. C’est ainsi que s'enclenchera le processus de la porte tournante.
Et si pour échapper à ce coûteux et absurde va et vient, il suffisait de traiter l'accusé avec le respect et l'amitié dûs, non pas au malade mental, mais à tout être humain, en proie au malheur, plutôt que de l'exposer à la glaciale et intimidante logique judiciaire ? Ô miracle, ce souci de l'autre suffit dans bien des cas. Six mois à peine après avoir reçu un tel accueil, monsieur Y, un adepte de la porte tournante, s'est présenté par courtoisie chez son avocat pour lui apprendre qu'il avait désormais un emploi et qu'il s'était réconcilié avec sa mère. Il s'agissait d'un cas où l'accusé s'estimait persécuté par sa famille.
La solution n'est toutefois simple qu'en apparence. Qui donc accueillera l'accusé, le défendra et pourra lui éviter à la fois la comparution devant le juge et l'humiliation d'être déclaré inapte par un expert ? Seul un être humain accompli possédant en outre la plus haute compétence professionnelle peut remplir adéquatement cette fonction. La capacité d'inspirer confiance à un accusé au sommet de l'angoisse suppose de la part de l'intervenant une expérience de la vie et une connaissance de l'âme humaine exceptionnelles. L'accusé doit pouvoir se reconnaître en lui, ce qui suppose que ce dernier puisse s'identifier lui-même par l'imagination aux divers mobiles conduisant au crime. Chez un être doué au point de départ d'une affectivité riche, la culture littéraire, cinématographique, scientifique apportera un précieux complément. Quand on a lu Villon, Shakespeare, Victor Hugo, Balzac, Dostoïevski, quand on vu au cinéma quelques films tirés des grands romans policiers, on porte en soi plus de miroirs dans lesquels les criminels puissent se reconnaître. «Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger». Ce mot du poète latin Térence est l'un de ceux qui définit le mieux l'humanisme. Il faut que l'accusé qui entre au tribunal de santé mentale soit accueilli par un autre homme à qui rien d'humain n'est étranger.
Occasion de rappeler l'importance de la culture générale authentique dans la formation des professionnels et en particulier des avocats et des juges ayant un rôle clé à jouer dans un tribunal de santé mentale. Car en plus d'inspirer confiance aux accusés, l'avocat de la défense en charge de l'accueil doit pouvoir s'entendre avec les juges comme avec les procureurs de la poursuite, lesquels ont plus immédiatement et plus directement que lui la responsabilité d'assurer la sécurité publique. Sur l'autre versant de la colline judiciaire, le même avocat doit pouvoir composer avec le psychiatre et les spécialistes des sciences humaines, lesquels ont plus immédiatement et plus directement que lui la responsabilité de la santé mentale des accusés.
Le candidat idéal à ce poste est celui qui a reçu une double formation: en droit et en criminologie par exemple. Au tribunal de Toronto, le rôle clé est joué par le juge Schneider, lequel était psychologue avant d'être nommé juge. Au tribunal de Montréal, la personne qui joue le rôle clé, Me Jocelyn Giroux, est à la fois avocat, criminologue... et musicien. Il est surtout un homme aussi cultivé qu'on puisse l'être selon les normes actuelles.
Mais voyons comment les choses se passent concrètement. Nous sommes à la Cour municipale de Montréal. Chaque matin. Me Giroux se rend au bureau des avocats de la couronne, des avocates plutôt; il y prend connaissance des dossiers des nouveaux accusés; en discute avec ses collègues et rend ensuite visite à ceux qui, compte tenu de ce qu'on sait déjà sur leur état de santé mentale, pourraient bénéficier du nouveau service. Il doit leur faire comprendre qu'il est leur avocat, que sa mission est de défendre leurs intérêts, mais dans le respect de leurs volontés. Il est essentiel qu'ils comprennent qu'il est à leur service, qu'il ne s'engagera avec eux dans une démarche douce que s'ils le désirent vraiment.
Précisons que dans le cadre du projet pilote, il s'agit toujours de crimes mineurs, souvent commis par une personne qui avait cessé de prendre ses médicaments. Une prise de décision rapide s'impose, ce qui suppose une coordination parfaite entre les divers services publics en cause et les organismes communautaires. Avant de conseiller au juge de libérer l'accusé, Me Giroux doit parfois consulter tel ou tel expert de l'Institut Pinel, par exemple, ou obtenir un avis d'un psychiatre, qui devra offrir la garantie d'un rendez-vous dans les plus brefs délais. Le plus souvent, c'est d'un commun accord que l'accusé est libéré lorsque la poursuite y consent. Notons au passage le problème éthique qui se pose alors: est-il juste, peut se demander le psychiatre, que je prolonge l'attente de mes patients réguliers pour venir en aide à un criminel ? Une fois toutes les précautions d'usage prises, Me Giroux peut recommander la libération immédiate de son client, à la condition toutefois qu'il s'engage à prendre ses médicaments et à rencontrer de temps à autre les personnes ayant mandat de l'aider à bien s'intégrer à la société.
Telle est, sous sa forme la plus simple, la démarche suivie, mais pour peu que l'on connaisse le droit, la psychologie et la psychiatrie, on a une idée de la façon dont la situation peut se compliquer. L'accusé est-il apte à subir son procès? Il peut très bien être jugé apte au criminel, même si selon le droit civil il est inapte. Il peut en effet arriver qu’une personne incapable de bien gérer ses biens puisse avoir conservé assez d'autonomie pour devoir répondre de ses actes criminels devant un juge. L'inaptitude au criminel peut aussi être temporaire. On peut par exemple envoyer un accusé dans une maison comme l'Institut Pinel d'où il pourra revenir apte, un mois plus tard, s'il a subi les traitements appropriés.
Le profane a tendance à penser que l'aptitude et la responsabilité sont synonymes. L'accusé peut très bien avoir commis son crime dans un état de crise où sa psychose était aggravée par une intoxication au moyen de drogues. Il n'était pas responsable alors, mais les effets de la drogue ayant disparu au moment où il entre au tribunal, il peut être jugé apte. Les règles du jeu en droit veulent que les avis relatifs à la responsabilité et à l'aptitude soient recueillis au moyen de deux démarches distinctes.
En donnant ces précisions, notre but n'est pas de renseigner le spécialiste du droit ou de la santé mentale, mais de permettre au profane de comprendre la complexité de l'opération et le haut niveau d'humanité et de compétence exigé de tous les intervenants.
Est-ce là la première étape d'un processus qui transformera le tribunal en hôpital psychiatrique ? Dans une allocution qu'il a prononcée le 8 mai 2009, Me Jocelyn Giroux, l'avocat-criminologue qui a été choisi pour jouer le rôle clé en défense dans l'expérience de Montréal, citait ces propos formulés au début du XXe siècle: « Je n'ai aucun doute que, sous le rapport moral, lorsque la mentalité aura évolué suffisamment, les criminels seront considérés comme des malades que la société aura le devoir de guérir». On peut en effet craindre une telle dérive tant est forte la tendance à considérer le criminel comme un malade plutôt que comme un être libre. Il y a souvent certes, un excès frôlant l'irréalisme dans le fait de condamner comme si elle avait agi librement, une personne qui a manifestement agi sous l'effet de mouvements premiers qu'elle n'était pas en mesure de contrôler.»
Par contre, nous le savons tous par expérience, il n'y a rien de plus facile que de trouver des excuses à ses actes, que de « mettre ses penchants lascifs à la charge des étoiles », selon les mots de Shakespeare.
Comment éviter l'un et l'autre de ces excès? C'est l'un des nombreux défis qu'il faut relever dans un tel projet. Il faut d'abord pouvoir démasquer les manipulateurs, ceux qui feindront la maladie mentale pour pouvoir bénéficier d'une libération immédiate. Soyons rassurés: un avocat d'expérience ne se laissera pas prendre par un jeu pareil. Quant au reste, c'est l'esprit de finesse plutôt que l'esprit de géométrie qui en décidera.
Le Tribunal de santé mentale est un tribunal spécialisé. Plusieurs défenseurs des droits en santé mentale, tel le collectif Action autonomie, craignent que certaines personnes ne soient ainsi stigmatisées et reléguées au rang de citoyens de seconde classe. Ils préféreraient des tribunaux réguliers mieux adaptés aux besoins de tous les accusés. «De nombreuses personnes, rappellent-ils, vivent avec une déficience intellectuelle, d’autres avec des problèmes de dépendance diverse, d’autres encore vivent des problèmes sociaux variés. Doit-on faire des tribunaux spéciaux pour chacun? Les organismes signataires de la présente s’entendent pour dire que l’adaptabilité des tribunaux représente une avenue plus porteuse que les tribunaux spécialisés.»
Comment leur donner tort dans l'idéal? Mais sur quelle base pourrions-nous présumer que tous les avocats de la défense, tous les juges et tous les intervenants du secteur de la santé et des services sociaux pourront posséder à brève ou à moyenne échéance les qualités personnelles et la compétence requise pour mener une telle opération à bien?
On pourrait aussi reprocher au projet de substituer une médicalisation accrue à une judiciarisation réduite et de faire appel à une grosse machine administrative pour régler des problèmes le plus souvent mineurs. Il y a d'ailleurs dans une telle solution un paradoxe qui donne à réfléchir. Tout, ou presque, se joue au niveau des rapports humains entre les accusés et les principaux intervenants. On en vient donc à se demander pourquoi il faut déployer tant de technique si c'est la chaleur humaine de quelques personnes qui importe. Sans doute recherche-t-on à grands frais la perfection technique parce qu'on veut tout mettre en oeuvre pour assurer la sécurité du public et celle de l'accusé et aussi parce qu'on veut éviter toute poursuite judiciaire. En cas d'échec, on pourrait toujours dire qu'on a suivi un protocole rigoureux. Tout se passe ainsi aujourd'hui. Libérer un accusé vivant avec des troubles mentaux est une opération semblable à celle qui consiste à préparer un athlète pour la compétition ou un astronaute pour le grand voyage.
Inquiétante perfection, à laquelle il faudrait peut-être renoncer, progressivement, pour rapprocher les méthodes qu'impose la société actuelle des solutions plus conviviales dont on conserve le souvenir et que l'on peut encore observer dans des communautés moins technicisées, moins professionnalisées que les nôtres.
Comment devant un tel spectacle ne pas avoir la nostalgie d'une société où de tels problèmes, précisément parce qu'ils n'étaient pas des problèmes, des situations isolées et objectivées, mais des situations vécues en commun, dans une même appartenance forte à une communauté, pouvaient être résolus ou prévenus par des gens ordinaires? Dans Originaux et détraqués, un recueil d'histoires de Louis Fréchette publié au XIXe siècle, on fait la connaissance de personnages, dont on imagine sans peine que leurs homologues seraient aujourd'hui des itinérants, soit complètement et tragiquement autonomes, soit médicalisés et judiciarisés. L'un d'entre eux, un dénommé Chouinard n'avait pas de domicile fixe ; il livrait à pied le courrier entre Québec et Rimouski. À défaut de pouvoir lire des adresses, il les photographiait du regard et les remettait toujours aux bonnes personnes. Il dormait et mangeait chez l'habitant, dont il faisait le bonheur si l'on en croit le récit. Histoire vraie ou fictive, peu importe, puisqu'elle cadre bien avec l'esprit du temps, caractérisé par un fort sentiment d'appartenance, ce lien vivant avec la nature en même temps qu'avec la société, si bien illustré par la multitude des petits vaisseaux reliant le foie à l'ensemble du corps. L'appartenance à la communauté est faite elle aussi d'une multitude de petits liens: à des personnes, des lieux, des souvenirs, des symboles. C'est la rupture un à un de ces liens qui produit l'isolement. C'est leur lente réapparition dans le cadre d'une résilience sociale qui produit l'appartenance.
Est-ce que l'appartenance réduit le besoin de drogues et de médicaments? De nombreuses études sur le soutien social semblent le démontrer. Voilà une question sur laquelle il faudra continuer de se pencher si l'on veut que des tribunaux de santé mentale soit non seulement créés dans toutes les villes du Québec, mais améliorés. Il semble que les médicaments prescrits dans les cas de troubles mentaux sont de plus en plus efficaces tout en ayant des effets secondaires légers. Cela améliorera le sort des accusés et facilitera le travail des intervenants, mais cela aggravera aussi un problème qui se pose déjà avec acuité: le recours systématique aux médicaments en psychiatrie. Cette pratique dont nul ne peut contester l'utilité cache une démission devant la souffrance morale et psychologique et le bon usage qu'on peut en faire pour accéder à la maturité et à l'harmonie, avec ou sans les conseils d'amis éclairés ou de psychologues. Au rythme où vont les choses, on risque de ne plus pouvoir distinguer les citoyens du meilleur des mondes, dans la perpétuelle bonne humeur que procure la pilule du bonheur, et les citoyens du vrai monde, oscillant entre les grandes joies et les grandes douleurs d'une existence naturelle, c'est-à-dire contrastée.
«Un peu de poison ici et là, pour faire des rêves agréables, beaucoup de poison à la fin pour mourir agréablement ». C'est ainsi que Nietzsche dans le Zarathoustra présente l'homme de l'avenir, qu'il appelle aussi l'homme de la civilisation et le dernier homme. Ne serions-nous pas en train de lui donner raison avec la meilleure bonne volonté?
Il faudra tenir compte de toutes ces considérations dans l'évaluation du projet en cours, une initiative heureuse, trop longtemps attendue. On l'appelle désormais : Projet d'accompagnement en justice et santé, (PAJES) pour réduire la stigmatisation des accusés, mais il existe un effet secondaire pire que la stigmatisation: l'insensibilisation. Il faudra que dans l'évaluation on tienne compte du fait que le but de l'opération ne doit pas être de faire migrer les accusés du vrai monde au meilleur des mondes, mais de les aider à vivre le mieux possible dans le vrai monde. |
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| L'autiste show | | Difficile de passer sous silence cette joyeuse initiative: les Autiste Show, qui ont lieu dans diverses régions du Québec, entre autres, Ville Lorraine et Repentigny, au printemps. Nous présentons celui qui a eu lieu le 22 mai 2010 au manège du Parc équestre de Blainville, à l'initiative de la ,
| | | Régime enregristré d'épargne invalidité |
| Assouplissement de l'admissibilité au REEI | | Pour être admis au REEI, il faut déjà être admis au régime de crédit d'impôt, ce qui suppose qu'on ait de l'argent dans un compte en banque. Jusqu'à ce jour, il n'était pas possible d'en appeler de cette règle. La procédure ayant récemment été simplifiée, les plus pauvres auront plus facilement droit au REEI. | | | Ce 3 décembre 2010, Journée Internationale des personnes handicapées |
| Vivre, peindre et écrire avec le syndrome de Down | | La video est en anglais, mais comme d'une part le son n'y est pas très clair et comme d'autre part le langage de la personne en cause est la peinture, vous ne perdrez rien si vous vous limitez à regarder attentivement les visages et les tableaux. Elisabeth Etmanski, née il y a trente-deux ans avec le syndrome de Down, mène une vie autonome depuis longtemps. Ne soyez pas étonnés, si jamais vous la rencontrez, qu'elle vous salue en écrivant ou en disant un poème à votre sujet. Votre sensibilité est peut-être reléguée à l'arrière plan de votre être, la sienne imprègne tout sa personne y compris la surface. Vous comprendrez à son contact comment le réenchantement du monde peut s'opérer. Quelles sont ses aspirations en tant que peintre? On lui pose la question à la fin de la video. Sa réponse est à l'image de sa personne, naïve: «Je veux être la prochaine Emily Carr.» | |
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