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Un minou robot pour mamie
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Revue Le partenaire
Créée en 1992, la revue le partenaire est devenue au Québec une voix importante pour les personnes utilisatrices de services en santé mentale et pour tous les acteurs concernés par la réadaptation psychosociale, le rétablissement et la problématique de la santé mentale. Ses éditoriaux, ses articles, ses dossiers proposent une information à la fine pointe des connaissances dans le champ de la réadaptation psychosociale. Ils contribuent à enrichir la pratique dans ce domaine et à stimuler le débat entre ses membres.
Destination El Paradiso
El Paradiso n’est pas une maison de retraite comme les autres. Située dans une île enchanteresse qui est réservée à son usage, elle accueille des pensionnaires bien particuliers. Ce sont, par un aspect ou l’autre de leur vie, par ailleurs tout à fait honorable, des originaux, des excentriques, habités par une douce folie, qui n’a sans doute d’égal que la simplicité de leur bonheur. C’est une galerie de personnages un peu fantasques que nous fait rencontrer cet ouvrage tout empreint de tendresse, d’humour et d’humanité. Voici donc les premiers douze membres de ce club très spécial: Perry Bedbrook, Guy Joussemet, Édouard Lachapelle, Andrée Laliberté, Céline Lamontagne, Guy Mercier, Avrum Morrow, Lorraine Palardy, Antoine Poirier, Michel Pouliot, Charles Renaud, Peter Rochester.
Le Guérisseur blessé
Le Guérisseur blessé de Jean Monbourquette est paru au moment où l’humanité entière, devant la catastrophe d’Haïti, s’est sentie blessée et a désiré contribuer de toutes sortes de façons à guérir les victimes de ce grand malheur. Bénéfique coïncidence, occasion pour l’ensemble des soignants du corps et de l’âme de s’alimenter à une source remarquable. Dans ce livre qui fut précédé de plusieurs autres traitant des domaines de la psychologie et du développement personnel , l’auteur pose une question essentielle à tous ceux qui veulent soigner et guérir : « Que se cache-t-il derrière cette motivation intime à vouloir prendre soin d’autrui? Se pourrait-il que la majorité de ceux et celles qui sont naturellement attirés par la formation de soignants espèrent d’abord y trouver des solutions à leurs propres problèmes et guérir leurs propres blessures? » Une question qui ne s’adresse évidemment pas à ceux qui doivent pratiquer une médecine de guerre dans des situations d’urgence!
Mémoire et cerveau
Dans ce numéro de La Recherche, on se limite à étudier la mémoire dans la direction indiquée par le psychologue torontois Endel Tulving, reconnu en en ce moment comme l'un des grands maîtres dans ce domaine. Cela confère au numéro un très haut degré de cohérence qui en facilite la lecture. Culving est à l'origine de la distinction désormais universellement admise entre la « mémoire épisodique » portant sur des événements vécus et la « mémoire sémantique » portant sur des concepts, des connaissances abstraites. C'est la première mémoire que je mets en œuvre quand je m'efforce d'associer des mots à un événement passé, un voyage par exemple; je m'en remets à la seconde quand je m'efforce d'associer des mots automatiquement les uns aux autres, abstraction faite de tout événement vécu auquel ces mots pourraient se rapporter. Au cours de la décennie 1960, Tulving a constaté que les résultats obtenus grâce au premier exercice étaient beaucoup moins bons que ceux obtenus par le second exercice, ce qui l'a incité à faire l'hypothèse qu'il existe deux mémoires distinctes.
Spécial Mémoire
Dans ce numéro de La Recherche, on se limite à étudier la mémoire dans la direction indiquée par le psychologue torontois Endel Tulving, reconnu en en ce moment comme l'un des grands maîtres dans ce domaine. Cela confère au numéro un très haut degré de cohérence qui en facilite la lecture. Culving est à l'origine de la distinction désormais universellement admise entre la « mémoire épisodique » portant sur des événements vécus et la « mémoire sémantique » portant sur des concepts, des connaissances abstraites. C'est la première mémoire que je mets en œuvre quand je m'efforce d'associer des mots à un événement passé, un voyage par exemple; je m'en remets à la seconde quand je m'efforce d'associer des mots automatiquement les uns aux autres, abstraction faite de tout événement vécu auquel ces mots pourraient se rapporter. Au cours de la décennie 1960, Tulving a constaté que les résultats obtenus grâce au premier exercice étaient beaucoup moins bons que ceux obtenus par le second exercice, ce qui l'a incité à faire l'hypothèse qu'il existe deux mémoires distinctes.
L'itinérance au Québec
La personne en situation d’itinérance est celle : […] qui n’a pas d’adresse fixe, de logement stable, sécuritaire et salubre, à très faible revenu, avec une accessibilité discriminatoire à son égard de la part des services, avec des problèmes de santé physique, de santé mentale, de toxicomanie, de violence familiale ou de désorganisation sociale et dépourvue de groupe d’appartenance stable. Cette définition met en évidence la complexité du phénomène et l’importance de l’aspect multifactoriel des éléments déclencheurs tels que la précarité résidentielle et financière, les ruptures sociales, l’accumulation de problèmes divers (santé mentale, santé physique, toxicomanie, etc.). L’itinérance n’est pas un phénomène dont les éléments forment un ensemble rigide et homogène et elle ne se limite pas exclusivement au passage à la rue.L’itinérance est un phénomène dynamique dont les processus d’exclusion, de marginalisation et de désaffiliation en constituent le coeur.
L’habitation comme vecteur de lien social
Evelyne Baillergeau et Paul Morin (2008). L’habitation comme vecteur de lien social, Québec, Collection Problèmes sociaux et intervention, PUQ, 301 p. Quel est le rôle de l’habitation dans la constitution d’un vivre ensemble entre les habitants d’un immeuble, d’un ensemble d’habitations ou même d’un quartier ? Quelles sont les répercussions des conditions de logement sur l’organisation de la vie quotidienne des individus et des familles et sur leurs modes d’inscription dans la société ? En s’intéressant à certaines populations socialement disqualifi ées, soit les personnes ayant des problèmes de santé mentale et les résidents en habitation à loyer modique, les auteurs étudient le logement non seulement comme l’un des déterminants de la santé et du bien-être, mais également comme un lieu d’intervention majeur dans le domaine des services sociaux. De la désinstitutionnalisation à l’intégration, des maisons de chambres aux HLM, ils décrivent et analysent des expériences ayant pour objectif le développement individuel et collectif des habitants et les comparent ensuite à d’autres réalisées au Canada, aux Pays-Bas et en Italie. Pour en savoir plus : http://www.puq.ca
Revue Développement social
On a longtemps sous-estimé l'importance du lien entre les problèmes environnementaux et la vie sociale. Nous savons tous pourtant que lorsque le ciel est assombri par le smog, on hésite à sortir de chez soi pour causer avec un voisin. Pour tous les collaborateurs de ce numéro consacré au développement durable, le côté vert du social et le côté social du vert vont de soi. La vue d'ensemble du Québec qui s'en dégage est enthousiasmante. Les Québécois semblent avoir compris qu'on peut redonner vie à la société en assainissant l'environnement et que les défits à relever pour assurer le développement durable sont des occasions à saisir pour resserrer le tissu social.
La réforme des tutelles: ombres et lumières.
En marge de la nouvelle loi française sur la protection des majeurs, qui doit entrer en vigueur en janvier 2009. La France comptera un million de personnes " protégées " en 2010. Le dispositif actuel de protection juridique n'est plus adapté. Ce " livre blanc " est un plaidoyer pour une mise en œuvre urgente de sa réforme. Les enjeux sont clairs lutter contre les abus, placer la protection de la personne, non plus seulement son patrimoine, au cœur des préoccupations, associer les familles en les informant mieux, protéger tout en respectant la dignité et la liberté individuelle. Le but est pluriel. Tout d'abord, rendre compte des difficultés, des souffrances côtoyées, assumer les ombres, et faire la lumière sur la pratique judiciaire, familiale et sociale ; Ensuite, expliquer le régime juridique de la protection des majeurs, et décrire le fonctionnement, les bienfaits, et les insuffisances ; Enfin, poser les jalons d'une réforme annoncée comme inéluctable et imminente mais systématiquement renvoyée à plus tard. Les auteurs: Michel Bauer, directeur général de l'Udaf du Finistère, l'une des plus grandes associations tutélaires de France, anime des groupes de réflexion sur le sujet et œuvre avec le laboratoire spécialisé de la faculté de droit de Brest. II est l'auteur d'ouvrages sur les tutelles et les curatelles. Thierry Fossier est président de chambre à la cour d'appel de Douai et professeur à l'Université d'Auvergne, où il codirige un master et l'IEJ. II est fondateur de l'Association nationale des juges d'instance, qui regroupe la grande majorité des juges des tutelles. II est l'auteur de nombreuses publications en droit de la famille et en droit des tutelles. Laurence Pécaut-Rivolier, docteur en droit, est magistrate à la Cour de cassation. Juge des tutelles pendant seize ans elle préside l'Association nationale des juges d'instance depuis plusieurs années.
Puzzle, Journal d'une Alzheimer
Ce livre, paru aux Éditions Josette de Lyon en 2004, a fait l'objet d'une émission d'une heure à Radio-France le 21 février 2008. Il est cité dans le préambule du rapport de la COMMISSION NATIONALE CHARGÉE DE L’ÉLABORATION DE PROPOSITIONS POUR UN PLAN NATIONAL CONCERNANT LA MALADIE D’ALZHEIMER ET LES MALADIES APPARENTÉES. Ce rapport fut remis au Président de la République française le 8 novembre 2007. «Je crois savoir où partent mes pensées perdues : elles s’évadent dans mon coeur…. Au fur et à mesure que mon cerveau se vide, mon coeur doit se remplir car j’éprouve des sensations et des sentiments extrêmement forts… Je voudrais pouvoir vivre le présent sans être un fardeau pour les autres et que l’on continue à me traiter avec amour et respect, comme toute personne humaine qui a des émotions et des pensées,même lorsque je semble «ailleurs »1à.
Les inattendus (Stock)
Premier roman d'Eva Kristina Mindszenti, jeune artiste peintre née d’un père hongrois et d’une mère norvégienne, qui vit à Toulouse. Le cadre de l'oeuvre: un hôpital pour enfants, en Hongrie. «Là gisent les "inattendus", des enfants monstrueux, frappés de maladies neurologiques et de malformations héritées de Tchernobyl, que leurs parents ont abandonné. Ils gémissent, bavent, sourient, râlent, mordent parfois. Il y a des visages "toujours en souffrance" comme celui de Ferenc évoquant "le Christ à la descente de la croix". Tout est figé, tout semble mort. Pourtant, la vie palpite et la beauté s’est cachée aussi au tréfonds de ces corps suppliciés. » (Christian Authier, Eva Kristina Mindszenti : une voix inattendue, «L'Opinion indépendante», n° 2754, 12 janvier 2007)
En toute sécurité
Cet ouvrage est l'adaptation québécoise de Safe and secure, publié par les fondateurs du réseau PLAN (Planned Lifetime Advocacy Network) et diffusé au Québec par un groupe affilié à PLAN, Réseaux pour l'avenir. Il s'agit d'un guide pratique dont le but est d'aider à les familles à planifier l'avenir "en toute sécurité" des membres de leur famille aux prises avec un handicap.
"Il faut rester dans la parade ! " - Comment vieillir sans devenir vieux
Auteur : Catherine Bergman. Éditeur : Flammarion Québec, 2005. "Dominique Michel, Jacques Languirand, Jean Béliveau, Antonine Maillet, Jean Coutu, Gilles Vigneault, Hubert Reeves, ils sont une trentaine de personnalités qui, ayant dépassé l’âge de la retraite, sont restés actives et passionnées. Ils n’ont pas la prétention de donner des conseils ni de s’ériger en modèles, mais leur parcours exceptionnel donne à leur parole une valeur inestimable. Journaliste d’expérience, Catherine Bergman les interroge sur le plaisir qu’ils trouvent dans ce qu’ils font, leur militantisme et leur vision de la société ; sur leur corps, ses douleurs et la façon dont ils en prennent soin ; sur leur rapport aux autres générations, ce qu’ils ont encore à apprendre et l’héritage qu’ils souhaitent transmettre ; sur leur perception du temps et leur peur de la mort. Son livre est un petit bijou, une réflexion inspirante sur la vieillesse et l’art d’être vivant." (présentation de l'éditeur).
Le temps des rites. Handicaps et handicapés
Auteur : Jean-François Gomez. Édition : Presses de l'Université Laval, 2005, 192 p. "Il est temps aujourd’hui de modifier profondément notre regard sur les personnes handicapées et sur les « exclus » de toute catégorie, qu’ils soient ou non dans les institutions. Pour l’auteur du Temps des rites, l’occultation du symbolique, ou son déplacement en une société de « signes » qui perd peu à peu toutes formes de socialités repérable et transmissible produit des dégâts incalculables, que les travailleurs sociaux, plus que quiconque doivent intégrer dans leur réflexion. Il faudrait s’intéresser aux rituels et aux « rites de passage » qui accompagnaient jusque là les parcours de toute vie humaine, débusquer l’existence d’une culture qui s’exprime et s’insinue dans toutes les étapes de vie. On découvrira avec étonnement que ces modèles anciens qui ont de plus en plus de la peine à se frayer une voie dans les méandres d’une société technicienne sont d’une terrible efficacité."
Dépendances et protection (2006)
Textes des conférences du colloque tenu le 27 janvier 2006 à l'Île Charron. Formation permanente du Barreau du Québec. Volume 238. 2006
Document associé
La trisomie 21 et l'eugénisme libéral
Dossier : Trisomie 21 (mongolisme)
Dernière modification :
01 / 28 / 2009
Jacques Dufresne

Présentation
Après la France, le Québec s'apprête à créer un service universel de dépistage de la trisomie 21, ce qui relance le débat sur l'eugénisme. Nous sommes d'avis que le débat devrait d'abord porter sur le choix individuel qui sert de caution au nouvel eugénisme.

Texte
Le docteur Robert Salois, commissaire à la santé et au bien-être du Québec, avec l'appui du collège des médecins, recommande le dépistage universel de la trisomie 21, dans le but, dit-il, de permettre à chaque couple de faire un choix éclairé concernant l'enfant attendu. Ce service est déjà offert dans de nombreux pays, dont la France et les autres provinces canadiennes. Dans son communiqué, le docteur Salois a précisé qu'en France 90% des parents sachant que leur enfant aura la trisomie 21 choisissent l'avortement.

Le première chose qu'il importe de préciser à ce sujet c'est qu'il ne s'agit pas d'un enjeu isolé, qu'on peut aborder sans autre critère que les règles des comités d'éthique. Il s’agit d'une question fondamentale aux nombreuses ramifications, touchant l'ensemble de nos rapports avec la nature, avec la vie, avec la mort. Nous verrons que cette question fondamentale, c'est le choix individuel érigé en absolu.

Dissipons d'abord les mensonges relatifs à l'eugénisme. Ce dernier n'est pas un simple risque à l'horizon, comme certains semblent encore le croire, sans doute pour ménager les derniers dissidents. Il est une pratique courante et une tendance de plus en plus lourde dans le monde. La recommandation du docteur Salois, la chose est parfaitement claire, est une nouvelle étape dans la banalisation de l'eugénisme. Dans un ouvrage paru en 1985 sous le titre de la Reproduction humaine industrialisée, j'ai pris énergiquement position contre l'eugénisme et par suite contre le dépistage pré-natal, l'une des formes sous lesquelles il réapparaissait alors après une interruption de cinquante ans. Au même moment, le Conseil du statut de la femme du Québec, alors dirigé par Mme Francine Mackenzie, de regrettée mémoire, avait organisé un colloque international, La maternité en laboratoire, dont les conclusions générales étaient, c'est le moins qu'on puisse en dire, très prudentes. Dans plusieurs des débats publics auxquels j'ai participé à cette époque, on a demandé aux gens leur opinion sur l'eugénisme. Ils s'y opposaient en majorité. Ils étaient encore sensibles à l'argument tiré de l'usage que les nazis avaient fait de cette pratique.

Nous sommes forcés aujourd'hui de constater que ce n'est pas à l'eugénisme que les gens s'opposaient mais au contrôle de cette pratique par un État totalitaire. Francine Mackenzie avait pressenti qu'il en serait ainsi: «Collectif, l'eugénisme était une horreur, individualisé on dirait qu'il prend du chic.» Sous le couvert du choix individuel l'eugénisme triomphe aujourd'hui en Occident et sur bien d'autres scènes du monde. Si bien que ceux qui, dans un cas comme celui de la trisonomie 21, veulent défendre la thèse opposée doivent d'abord s'attaquer au problème du primat accordé au choix individuel. Ils doivent aussi expliquer ce que perd l'humanité en perdant la naissance d'un enfant touché par la trisomie, de façon à ce que si le choix perdure comme critère, ce qui est plus que probable, les parents puissent être vraiment éclairés.

Le choix individuel

Sur le plan philosophique, le passage en douceur de la réprobation de l'eugénisme d'état à l'approbation de l'eugénisme individualisé est l'un des tours de passe-passe les plus frauduleux qu'on puisse imaginer. Quoi? Ce qui fut un crime horrible commis par l'État d'Hitler, aurait été une bonne action si le choix avait été fait par Hitler-en-tant-qu'individu, et si le même Hitler-en-tant-qu'individu s'était limité à prêcher par l'exemple? Cela revient à dire que ni la nature, ni la réalité en général, ni Dieu pour ceux qui croient en lui, n'entrent dans la détermination du bien et du mal, lesquels ne sont ce qu'ils sont que par l'effet du choix d'un individu. En d’autres termes, je ne choisis pas une chose parce qu’elle est bonne en elle-même; c’est le fait que je la choisisse qui en fait une bonne chose!

Michael J.Sandel, professeur de philosophie à Harvard, a fait le point sur la question de l’eugénisme qu'il qualifie de libéral. Il nous rappelle que cet eugénisme a reçu l'appui non équivoque de John Rawls, lequel en tant que théoricien de la justice a sans doute été le penseur américain le plus influent au cours du dernier demi-siècle. Dans le sillage de Rawls, on trouve de nombreux philosophes et bio-éthiciens réputés.

« La marque distinctive du nouvel eugénisme libéral, selon Nicholas Agar, c’est la neutralité de l’état. Le gouvernement n’interviendra pas dans le choix des parents qui seront libres de fabriquer leurs enfants selon des caractéristiques qui n’entraveront pas leur projet de vie. »

« Le philosophe libertarien Robert Nozick est allé jusqu’à proposer un « marché de gènes » où les parents seraient libres de commander le programme de leur enfant sans que leur soit imposé un
design unique pour toute la société. Le grand avantage d’un tel supermarché c’est qu’il serait à l’abri de toute décision centralisatrice qui limiterait le choix à un seul (ou à plusieurs) type humain. » Source

De son côté John Rawls est d’avis que « même dans le cas où une société accepte de partager les bienfaits et les inconvénients d’une loterie génétique, il est dans l’intérêt de tous d’avoir le plus d’atouts naturels possibles pour pouvoir se consacrer au plan de vie qu’ils ont choisi. » Les partis intéressés au contrat social « veulent assurer à leurs descendants le meilleur programme génétique possible considérant que le leur est fixé. Une politique eugénique n’est donc pas seulement désirable, mais nécessaire, une question de justice. » Et il ajoute « qu’une politique génétique devrait avec le temps prendre les mesures nécessaires au moins pour préserver le niveau général des capacités naturelles et empêcher que se répandent les plus graves déficiences. »


On voit apparaître ici le second visage de l'eugénisme. Le premier consiste à éliminer les êtres trop éloignés de la perfection, le second consiste à recourir à des procédés artificiels pour augmenter1 l'homme normal. On en n'est déjà plus à la simple tolérance de cet eugénisme à deux visages, on veut en faire déjà une loi. Mais notre but ici n'est pas de polémiquer, sur leur terrain, avec les défenseurs américains de l'eugénisme libéral, c'est plutôt d'accéder à un terrain plus élevé, plus universel, où il devient possible d'embrasser l'ensemble de la question dans un même regard.

Faire du choix le fondement de tout, subordonner les lois de la vie à son plan de vie personnel, c'est le sport extrême en philosophie, la dernière étape de la dernière émancipation avec – à un horizon qui se rapproche –, le dernier dépassement de la dernière limite: le triomphe sur la mort. Mais qu'arrive-t-il lorsque des choix individuels aberrants finisssent en s'additionnant par constituer une opinion majoritaire. N'est-ce pas précisément ce qui s'est produit dans l'Allemagne des années 1930? Accorder une importance démesurée au choix individuel par rapport à une rationalité transcendante c'est s'engager sur une voie où l'ultime critère est d'ordre quantitatif. C'est rompre aussi avec la grande tradition philosophique sur la liberté, tradition que résume bien ce mot de Descartes: «La liberté d'indifférence est le plus bas degré de liberté.» Par indifférence , il faut entendre ici l'absence de raisons de choisir A plutôt que B. Nous sommes dans un tel état quand, par exemple, nous hésitons entre deux destinations également intéressantes à nos yeux. On ne règle pas le problème en précisant que c'est le choix le plus éclairé qui est le bon, car pour que le mot éclairé ait un sens, il faut faire appel à une vérité transcendante par rapport aux individus.

La question est trop complexe. Qu'il nous suffise de rappeler que dans la grande tradition qui va de Platon à Descartes et au-delà, c'est la connaissance qui fait la liberté. C'est l'intelligence qui indique ce qui est bon. Le choix est toujours au coeur de la liberté, mais il consiste à maintenir le cap sur la lumière et sur le bien qu'elle présente et non à créer ce bien.

Par cette conception de la liberté, Descartes tempérait l'élan qu'il donnait aux hommes en les invitant à être maîtres et souverains de la nature et en leur indiquant une méthode pour parvenir à cette fin. On assiste aujourd'hui à une dissociation des deux positions de Descartes. L'homme désire plus que jamais être maître et souverain de la nature, mais dans cette entreprise il ne veut d'autre guide que lui-même, lui-même non pas en tant que part d'une nature universelle, mais en tant que centre du monde et titulaire de droits. En séparant complètement la pensée, de ce qu'il appelait l'étendue, par quoi nous pouvons entendre le réel autour de nous, Descartes avait lui-même rendu inévitable la dissociation dont nous parlions entre sa conception de la liberté et sa conception de l'homme souverain.

Choix et démesure

Dépasser les limites en toutes choses, souvent pour satisfaire les volontés capricieuses d'un moi insatiable, dans le respect d'un liberté définie par le choix, a été la grande occupation des Occidentaux depuis trois siècles. Et depuis un siècle ou quelques décennies selon les cas, celle de la très grande majorité des êtres humains. Dans cette perspective, l'eugénisme, collectif ou individuel – cette distinction perd ici son sens – l'avortement banalisé, la surexploitation aussi bien du capital social que du capital naturel sont les variantes d'une même démesure fondamentale et sont par suite des choses équivalentes sur le plan moral.

En d'autres termes, c'est d'une même orientation fondamentale, dont la démesure et le choix sont deux aspects indissociables, que nous viennent aussi bien les choses aujourd'hui considérées comme des conquêtes bénéfiques: l'avortement et l'eugénisme par exemple, que les progrès dont on commence à douter parce qu'on en voit les effets négatifs, tels ceux qui reposent sur l'usage généralisé et inconsidéré du pétrole.

C'est à la lumière de cette orientation fondamentale qu'on peut le mieux comprendre les contradictions à l'intérieur de la société américaine actuelle et expliquer aussi l'engouement mondial pour le président Obama. Nous sommes en janvier 2009. D'un côté, une droite à dominante religieuse qui oppose une étonnante résistance à l'eugénisme, sous ses deux formes, allant jusqu'à interdire les recherches sur les cellules souches, mais qui se met en contradiction avec elle-même en défendant l'American way of life avec détermination, sans le moindre souci pour les limites des ressources et le partage équitable de ce qu'il en reste. De l'autre, une gauche libérale qui, le mot le dit bien, entend respecter le choix individuel en matière d'eugénisme, mais qui s'engage à inviter les Américains à devenir de véritables citoyens du monde en introduisant un peu plus de mesure dans leur consommation des ressources les plus précieuses de la planète. Le sens de la limite revient d'un côté sous la forme du respect de la nature en matière de reproduction, de l'autre sous la forme du respect de la nature et de la vie dans les autres secteurs de la vie.

L'espoir que suscite Barak Obama tient au fait qu'on voit en lui le champion d'une politique qui promet à la fois le maintien de la démesure et du primat du choix dans les choses touchant directement l'homme lui-même et qui, d'autre part, invite les gens aux sacrifices qui leur permettront de composer avec les limites de la nature, condition désormais sine qua non de la réalisation du rêve américain.

Les chances qu'un tel projet réussisse sont bien minces. Le réussite suppose un rapprochement des deux camps, non seulement sur le plan politique, mais aussi sur le plan philosophique. Le personnage anachronique de Sarah Palin prend tout son sens dans ce contexte. En se présentant devant les caméras avec dans les bras son petit enfant touché par un handicap, elle disait à ses adversaires: vous prétendez respecter la nature, la vie, vous préférez les animaux sauvages à ceux qui les chassent, mais vous êtes aussi ceux qui veulent empêcher que les enfants, comme celui que je porte dans mes bras, viennent enrichir l'humanité de leur faiblesse.

Les opinions certes ne sont pas toujours aussi tranchées dans la réalité. Il y a mille nuances à introduire de part et d'autre, et les ponts entre les deux camps sont peut-être plus nombreux qu'il ne semble. Michael J. Sandel que je citais précédemment est l'un des penseurs libéraux qui ont vu les contradictions que nous venons d'évoquer et proposent des remèdes auxquels il est difficile de rester insensible.

Dans un commentaire, sur Social Theory and Practice, William Lund écrivait: «Est-ce que les valeurs clés et les croyances qui soutiennent la démocratie aux États-Unis peuvent suffire à nous permettre de faire face aux problèmes actuels? Depuis la publication de son premier livre en 1982, Michael Sandel a proposé une réponse négative à cette question centrée sur sur ce qu'il considère comme un sentiment d'angoisse découlant du fait que les citoyens sont obligés de reconnaître qu'ils ne peuvent donner forme ni à leur environnement personnel ni à leur environnement collectif. À ses yeux cette pathologie s'enracine dans une acceptation non critique, des droits, de la fairness, du choix individuel comme les paramètres durs de la politique légitime; il propose plutôt un retour à conception pré-libérale de la perfection mettant l'accent sur la responsabilité, le devoir civique et le bien commun.»

Dans ses travaux sur les questions apparentées à celle de l'eugénisme, en particlier dans A Case against Perfection, Sandel précise ce que l'humanité perdra en donnant au choix individuel une importance telle qu'elle rejette systématiquement le non choisi, ce qui lui est donné par la nature. L'enfant trisomique fait partie de ce non choisi. Si, précise-t-il, on refuse le non choisi, et si d'autre part on s'empresse d'accepter les nouvelles techniques d'augmentation de la mémoire, de la taille ou du pénis, il en résultera une société de plus en plus dure, où l'on aura de moins en moins de compassion pour les plus faibles, car on sera de plus en plus tenté de leur reprocher à eux et à leurs parents de ne pas avoir fait les efforts pour s'améliorer au moment voulu.

« Mais après tout, pourquoi les bien nantis génétiques devraient-ils quelque chose aux plus fragiles de la société ? La réponse repose essentiellement sur la notion de la gratuité des dons. Les talents naturels dont jouissent les heureux ne relèvent pas d’eux mais d’un heureux hasard; ils sont le résultat du jeu de loterie génétique. Si ces bonnes dispositions génétiques sont des dons, plutôt que des perfectionnements dont nous pourrions nous attribuer tout le crédit, c’est une erreur et un mensonge de croire qu’ils nous donnent pleinement le droit d’en tirer tous les fruits bienfaisants dans une économie de marché. Nous avons une obligation de partager cette richesse avec ceux qui, sans qu’il y ait faute de leur part, sont dénués de talents comparables.

C’est par un sens aigu du caractère gratuit de nos talents et de nos dons que nous empêcherons la dérive vers une société de méritocratie où les riches se compareront aux pauvres avec encore plus de suffisance comme étant la cause première de leurs succès et de leurs richesses. Les pauvres qui se trouvent au bas de l’échelle sociale ne seront plus considérés comme des défavorisés méritant comme tels de bénéficier de mesures de soutien, mais comme des inaptes méritant d’être génétiquement réparés. »
Source

D'autres voies conduisent à une conclusion semblable. «Il faut que le coeur se brise ou se bronze.» (Chamfort) Il se bronze le plus souvent. C'est pourquoi la dureté ou l'indifférence sont des choses si répandues par rapport à la compassion, à la tendresse. Le progrès de l'humanité sur ce plan tient à la présence dans les cultures des oeuvres d'art les plus pures et des êtres également les plus purs et les plus innocents, ce que sont beaucoup des enfants nés avec une déficience intellectuelle mais aussi avec un supplément d'affectivité qui brise le coeur de ceux qui leur accordent leur attention, comme le fait une oeuvre d'art de premier ordre, une sculpture de Donatello par exemple.

Être ainsi touché par un être fragile est aussi la voie de la connaissance suprême de soi, celle qui consiste à laisser se dévoiler l'être fragile et angoissé que nous sommes au plus profond de nous-mêmes, et que nous sommes objectivement, car la rupture accidentelle d'un vaisseau dans notre cerveau peut nous plonger dans un état de plus grande déficience encore que celle d'un enfant trisomique. Si l'être cher qui est notre égal est le miroir qui nous révèle ce par quoi nous sommes unique, l'être fragile qu'un accident a placé au-dessous de nous devient, quand nous l'aimons, le miroir qui nous révèle ce par quoi nous sommes des hommes, c'est-à-dire des créatures faibles et pauvres que seul un amour inconditionnel peut apaiser.

«Quand, écrit Jean Vanier, j'ai commencé à accueillir à l'Arche ces personnes revenues de familles disloquées, d'institutions, d’hôpitaux psychiatriques, j’ai pris conscience de l'intensité de la souffrance et du chaos intérieur qu’engendre un sentiment aigu d'isolement. Bien sûr, on peut étouffer ce sentiment en se jetant dans l'activité et en recherchant le succès, Étant jeune, c'est ce que j'ai fait. C’est ce que nous faisons tous. Nous possédons généralement l'énergie nécessaire pour réaliser des choses qui nous donnent un sentiment d’importance et l'impression de vivre. Mais, lorsqu'on n’y arrive plus, qu’on ne peut plus être actif ou créatif, on redevient conscient de cette souffrance intérieure.

Cette souffrance est un élément fondamental de la nature humaine; nous pouvons chercher à l’oublier, à la cacher de mille manières, elle est toujours là. Cette angoisse est inhérente à l’être humain, car rien dans l'existence ne peut satisfaire complètement les besoins du cœur humain. »2

Dans un cas comme celui de la trisomie 21, il ne suffit pas, pour qu'un choix soit vraiment éclairé, que les parents en cause se demandent s'ils seront en mesure de bien élever cet enfant ou s'il a ou non le droit de voir le jour, il faut aussi qu'ils considèrent le don qu'ils peuvent faire ou ne pas faire à l'humanité et à eux-mêmes en lui permettant ou en lui refusant de voir le jour.

Cet accueil du non choisi ne se limite pas à un enfant attendu, il est une disposition fondamentale qui s'applique à toutes les formes du non choisi, c'est-à-dire à toutes les limites de la nature en nous et hors de nous. Il est la condition d'un rapport harmonieux avec notre milieu.

Notes
1- Nous traduisons par augmenter le verbe to enhance.
2-Vanier, Jean, Accueillir notre humanité, Presses de la Renaissance, Paris 2007, p.18.
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Régime enregristré d'épargne invalidité
Assouplissement de l'admissibilité au REEI
Pour être admis au REEI, il faut déjà être admis au régime de crédit d'impôt, ce qui suppose qu'on ait de l'argent dans un compte en banque. Jusqu'à ce jour, il n'était pas possible d'en appeler de cette règle. La procédure ayant récemment été simplifiée, les plus pauvres auront plus facilement droit au REEI.
Ce 3 décembre 2010, Journée Internationale des personnes handicapées
Vivre, peindre et écrire avec le syndrome de Down
La video est en anglais, mais comme d'une part le son n'y est pas très clair et comme d'autre part le langage de la personne en cause est la peinture, vous ne perdrez rien si vous vous limitez à regarder attentivement les visages et les tableaux. Elisabeth Etmanski, née il y a trente-deux ans avec le syndrome de Down, mène une vie autonome depuis longtemps. Ne soyez pas étonnés, si jamais vous la rencontrez, qu'elle vous salue en écrivant ou en disant un poème à votre sujet. Votre sensibilité est peut-être reléguée à l'arrière plan de votre être, la sienne imprègne tout sa personne y compris la surface. Vous comprendrez à son contact comment le réenchantement du monde peut s'opérer. Quelles sont ses aspirations en tant que peintre? On lui pose la question à la fin de la video. Sa réponse est à l'image de sa personne, naïve: «Je veux être la prochaine Emily Carr.»

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