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Promotion de la langue française et coopération : une ambiguïté à dissiper |
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À l’ambiguïté des vocables s’ajoute dans une certaine mesure l’ambiguïté de l’entreprise par les objectifs qu’elle s’assigne. Soucieuses de ne point apparaître militantes, la plupart des organisations francophones, tant officielles que non gouvernementales, récusent tout ce qui ressemblerait à la défense ou à la promotion du français, se gardent bien en tout cas d’en faire état comme un de leurs permanents soucis. À l’exception de quelques organisations directement vouées à la qualité, à la créativité, à la promotion de la langue (au premier rang desquelles le Conseil international de la langue française, à l’activité particulièrement féconde), les autres proclament qu’elles ne sont pas au service de la langue française mais de la coopération, du développement, du dialogue des cultures, de la solidarité, etc., grâce à la langue française qui se pose ainsi comme le moyen, éminent, mais non pas comme le but ou l’un des buts des organisations concernées. La lecture de la convention et de la charte de l’Agence de coopération culturelle et technique est à cet égard révélatrice : son but est « de promouvoir et de diffuser les cultures des Hautes Parties contractantes et d’intensifier la coopération culturelle et technique entre elles» (convention, art. 1) et son principal objectif, «l’affirmation et le développement entre ses membres d’une coopération multilatérale dans les domaines ressortissant à l’éducation, à la formation, à la culture, aux sciences et aux techniques» (charte, art. 1). De même, l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF) «a pour objectif essentiel le développement d’une conscience internationale et d’un esprit de coopération au service de la pluralité culturelle et du progrès scientifique» (statuts, art. 2).
Très rares, en fait, sont les organisations francophones qui ont inscrit parmi leurs buts la promotion et le rayonnement du français. Cet état de choses tient à deux raisons principales : d’abord le souci de ne pas gêner, par une attitude et des objectifs linguistiquement militants, certains adhérents et de ne point dissuader des candidats éventuels; ensuite, le sentiment que la façon la plus heureuse de contribuer à la promotion et au rayonnement du français et d’en faire un moyen efficace d’information, de progrès et de développement. On comprendra aisément la justesse de l’un et l’autre raison, tout en rappelant qu’il peut être des circonstances et des moments où l’habileté, le pragmatisme et le refus du militantisme ne sont point suffisants pour assurer à eux seuls le salut d’une langue menacée. De surcroît, on n’empêchera jamais l’homme de la rue ni les médias (qui en sont ou prétendent en être l’écho) de percevoir les organisations et associations francophones d’abord comme des instruments de défense et de rayonnement du français. L’espèce de pudeur, de gêne, et la discrétion tactique de nombre d’Occidentaux francophones tournent à leur confusion lorsque des personnalités des pays du Sud leur reprochent, parfois en termes vifs, leur pusillanimité dans la défense du français sur le plan international (voir dans des manifestations ou des publications scientifiques nationales) ou demandent elles-mêmes que cette défense soit inscrite au premier rang des préoccupations communes (1).
(1) Lors du premier sommet de Paris, en février 1986, certains membres de délégations occidentales furent étonnés de l’intérêt porté par plusieurs délégations du Sud au thème relatif à la place du français dans les organisations et les conférences internationales. |
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