On se souviendra de ce photographe français, Yann Arthus-Bertrand, qui a parcouru la terre à la recherche de paysages devant lesquels il n’y aurait qu’un commentaire possible : «Aimer ce que jamais on ne verra deux fois.»
Nous avons parcouru l’archipel francophone dans le même esprit en cherchant, non des paysages – notre vol n’étant que virtuel hélas! – mais des témoignages, des œuvres, des réalisations, des institutions montrant qu’en dépit du mot hexagonal qui la désigne, la francophonie, visage géopolitique de la langue française, est une cité, un lieu d’enracinement intermédiaire entre les nations – qui doivent conserver le nom de patrie – et le monde, un monde appelé à devenir le lieu du cosmopolitisme.
Le mot monde a deux sens : humanité et cosmos. C’est la séparation de ces deux sens qui est à l’origine de la crise écologique actuelle qui est aussi une crise du sens. Le mot cosmopolitisme les réunit, si on lui donne sa double signification: appartenance au cosmos, à la terre et appartenance à la communauté humaine. Dans le même esprit, il faut opérer un rapprochement entre écologie et économie et parler de diversité bioculturelle plutôt que de diversité biologique d’un côté et de diversité culturelle de l’autre. Tel est l’esprit de cette civilisation de l’universel que Léopold Sédar Senghor assigna comme fin à cette cité culturelle internationale qui prit le nom de francophonie.
Yann Arthus-Bertrand a présenté ses photographies dans une exposition extérieure que plusieurs grandes villes ont accueillie. Notre exposition prend, sur Internet, la forme d’une encyclopédie de la francophonie, laquelle devient lat troisième encyclopédie spécialisée associée à l’Encyclopédie de l’Agora, une encyclopédie générale mise en chantier en 1998. C’est l’ensemble constitué de l’encyclopédie générale et du réseau des encyclopédies spécialisées qui constitue désormais l’Encyclopédie de l’Agora.
Au terme de ce survol, à moyenne altitude, notre impression dominante est que la francophonie est un ensemble vivant qui devient de plus en plus attachant au fur et à mesure que l’on apprend à mieux le connaître. À l’intérieur et à l’origine de cet ensemble, qui s’étend aux cinq continents, le fondateur, Léopold Sédar Senghor, constitue un monde en soi, au contact duquel on ne peut que devenir plus humain et plus fier d’appartenir à la francophonie. Il fut poète et législateur, comme Solon, qui écrivit la constitution athénienne et devint ainsi le fondateur du premier état de droit. Senghor écrivit la constitution du Sénégal et la francophonie devint pour lui le moyen de réaliser un grand idéal, fruit de son expérience et de ses lectures (entre autres, Hegel, Frobenius et Teilhard de Chardin): la civilisation de l’universel, une cosmo-cité fondée sur la culture plutôt que sur la puissance économique et militaire.
Nous souhaitons faire de cette encyclopédie une agora au cœur de cette cité, un espace public. « Créer enfin un espace public francophone! » écrivait Dominique Wolton dans Demain la francophonie. « Il n'y a pas d'espace public politique francophone en France. Et même dans le monde, même à Montréal, Bruxelles, Alger, Dakar, Hanoï... Les initiatives, pas plus que les débats, ne sont visibles. Rien que des annonces officielles, à minima, qui donnent le sentiment étrange d'une grande famille unanime. Unanime à 63 pays... Il est urgent de créer un espace de discussion contradictoire. Les publics seraient peut-être plus intéressés s'ils comprenaient les enjeux et les controverses.»
À l’intérieur de la francophonie, de nombreux sujets, les uns pratiques, les autres théoriques, mais tous intéressants se prêtent au débat public et le rendent même nécessaire. Nous en avons traité : le réchauffement climatique, le sort qu’il réserve à l’Afrique, les migrations, les diasporas, la langue des sciences, l’humanisme, la liberté de presse, la fracture numérique, les orphelins du Sida, l’influence culturelle américaine, le soft power à l’américaine, le métissage, le repli identitaire, le tribalisme, l’anglicisation de l’Europe.
Cherchez-vous des sujets plus pointus, mais tout aussi intéressants ? En voici quelques-uns : la civilisation africaine, selon Frobenius et Senghor, la négritude, la poésie nègre, la place de la littérature étrangère de langue française dans les divers pays francophones, la place du français dans les rencontres internationales où il n’est pas d’office langue de travail, la responsabilité des médias dans le recul du français face à l’anglais. Constatant que les représentants de l’Afrique francophone ont peine à se faire entendre dans un colloque international sur le réchauffement climatique tenu à Nairobi, une journaliste de France 3 déplore qu’on ne leur enseigne pas davantage l’anglais plutôt que d’exiger que le français soit une langue de travail dans une telle rencontre, tenue au cœur même de l’Afrique!
Pour favoriser le débat public et, en même temps, pour enrichir cette œuvre offerte gratuitement, nous avons prévu des mécanismes simples de collaboration allant du droit d’éditeur, accordé à certaines conditions, à l’accès libre à nos forums et à nos sections réservées aux commentaires. Une fois agréés en tant qu’éditeurs, vous pourrez créer des dossiers ou des documents associés, inscrire des entrées d’index ou d’agenda, de même que des images.
Il existe déjà bien des sites présentant certaines des caractéristiques de l’espace public dont rêve Dominique Wolton, Vox Latina, par exemple, Impératif français, Défense de la la langue française, l’Asselaf, le Bloc-notes de Paul-Marie Couteaux.
Le débat sur la diversité culturelle a aussi ses hauts lieux. PlanetAgora en est un. Combinés avec les bulletins de nouvelles et les archives sur la diversité culturelle du ministère québécois de la Culture et des commuciations, les forums et les articles de PlanetAgora couvrent l'ensemble du sujet, des aspects les plus théoriques à l'actualité au jour le jour.
Une certitude : jamais la langue et la culture françaises n’ont eu autant de moyens matériels à leur disposition. Après la conquête anglaise, au Québec, les manuels scolaires en langue française étaient si rares que les écoliers devaient défiler devant un lutrin pour voir une page de grammaire comme on le fait pour contempler les plus beaux tableaux d’une grande exposition. Aujourd’hui, les meilleurs dictionnaires et les meilleures grammaires défilent sur l’écran cathodique de chaque élève : le Trésor de la langue française, le Grand dictionnaire terminologique, et, dernier né, l’inventerm.
Vous voulez savoir pourquoi Léopold Senghor attache tant d’importance à la révolution de 1889, marquée à ses yeux par la publication de L’essai sur les données immédiates de la conscience de Henri Bergson ? Rendez vous sur le site Les classiques des sciences sociales. Vous avez toutes les chances d’y trouver le livre en cause en version intégrale. Cette bibliothèque virtuelle de 2 500 livres est l’œuvre d’un groupe de bénévoles vivant près du pôle Nord de la francophonie : Saguenay au Québec. Voilà un bel exemple de l’engagement de la société civile dans la francophonie, exemple qui semble avoir inspiré les Bibliothèques nationales lesquelles assument bien leur responsabilité depuis quelques années, après avoir compris l’erreur de publier des milliers d’ouvrages en format image, plutôt qu’en format texte. Où aurions-nous pu trouver, sans quitter notre bureau, le merveilleux texte d’Hippolyte Taine sur le français langue classique, sinon sur Gallica, la bibliothèque virtuelle de la Bibliothèque nationale de France ? Le chercheur non averti peut facilement confondre le site de la Bibliothèque et archives nationales du Québec avec celui de la Bibliothèque électronique du Québec, laquelle est le fruit du travail de monsieur Jean-Yves Dupuis. C’est sur le site de la BANQ que nous avons trouvé l’un des premiers livres consacrés à l’anglomanie, une pièce de théâtre portant ce titre et signée Joseph Quesnel (1749-1809). Le même document apparaît sur le site de la BEQ mais en version pdf image seulement.
Vous vous intéressez aux écrivains d’origine étrangère ayant choisi le français comme langue littéraire, les archives de Radio Méditerranée vous en proposent près de trois cents. Il ne vous suffit pas de les entendre, vous voulez les voir, consultez alors les archives d’Espace Francophone! Accordez une attention particulière à l’interview de l’écrivain congolais Henri Lopes. Vous ne verrez plus l’Afrique de la même manière après l’avoir entendu et vous saurez ce que c’est qu’un congaullois.
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