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Crise alimentaire |
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Définition |
Quand on réduit la crise alimentaire à la malnutrition par manque, on n'a qu'une vue partielle de la situation mondiale. La malnutrition par excès est en effet devenue un problème aussi grave que la malnutrition par manque. Selon une étude récente de l’OMS, il y a désormais autant d’humains (1,1 milliard) qui souffrent de la première forme de malnutrition, accompagnée d’obésité, que de la seconde, associée au rachitisme et à l’anémie. Le manque et la surabondance. Deux symptômes universels souvent illustrés par une même image : ces enfants au ventre gonflé, tantôt par le manque, tantôt par l’excès.
Aussi étonnant que la chose puisse paraître à première vue, ces deux maux ont une racine commune: l'atrophie des cultures alimentaires et du jugement personnel et leur remplacement par les données objectives de la science et les agences étatiques de sécurité alimentaire. N'ayant plus à juger par eux-mêmes de la qualité des aliments qu'ils consomment, et assurés qu'ils peuvent se fier aux aliments dont les agences autorisent la vente, les gens sont la proie de la publicité et des saveurs frelatés de ces aliments industriels que l'on appelle junk food. Dans les pays pauvres, ces aliments n'existent pas encore en quantité suffisante, mais l'érosion de la culture alimentaire, qui englobe les pratiques agricoles, les rites de la table et le choix des aliments a pour conséquence que les gens perdent sur les deux tableaux. Ils sont privés de leur nourriture traditionnelle, souvent maigre, mais saine et n'ont pas encore plein accès à la nourriture industrielle.
Pour ce qui est de la malnutrition par manque, je rappellerai qu'elle n'est pas causée seulement par le déracinement culturel, mais aussi par la démesure et le gaspillage des riches, démesure dont ils subissent eux-mêmes les effets négatifs sous la forme de maladies de la civilisation, de l’obésité plus particulièrement. Frances Moore Lappé avait raison, il y a vingt ans, quand elle soutenait que le problème n'était pas la rareté des aliments mais la rareté de la démocratie. Les faits lui donnent encore davantage raison aujourd'hui. Miguel Altieri, un expert reconnu qui enseigne à l’Université de Californie à Berkeley, soulignait récemment «le fait qu’à l’échelle mondiale, nous disposons de deux fois plus d’aliments que nous pouvons en manger. Le monde actuel produit plus de nourriture par habitant que jamais auparavant, 4,3 kg par personne par jour ; 2,5 kg de céréales, de fèves, de noix, 450 grammes de viande, de lait, d’œufs et un autre 450 grammes de fruits et de légumes. La vraie cause de la faim est l’inégale répartition de cette manne. » Pratiquement aucun expert ne conteste les chiffres d’Altieri. (1)
Le gaspillage de nourriture atteint 96 milliards de livres par année aux États-Unis, soit 27 % des 356 milliards de livres produites. Chaque famille gaspille en moyenne 280 livres de nourriture par année. Si le gaspillage causé par la négligence est choquant, celui qui résulte d'un mauvais système fiscal ou d'un système de mise en marché inadéquat est scandaleux. Au Québec et au Canada, par exemple, les producteurs laitiers en sont souvent réduits à jeter leur surplus de lait à l'égout quand ils ont atteint leur quota de production. Une infime minorité de ceux qui ont des surplus parviennent à les vendre à rabais. Pour des raisons évidentes, il est difficile d'obtenir des chiffres précis sur cette question. L'Inde elle-même accumule pour le plaisir des rats des surplus de grain alors que dans ce pays 350 millions d'habitants n'ont pas accès au minimum vital de nourriture. (2)
On rattache spontanément l'obésité à la malnutrition par excès. En janvier 2002, le gouvernement américain présentait l'obésité comme une épidémie nationale. Plus de 60 % des Américains font de l'embonpoint et 27 % d'entre eux souffrent d'obésité, deux fois plus qu'il y a dix ans. Les chiffres pour le Québec sont respectivement de 46 % et de 13 % ; ces chiffres sont à la hausse ; c’est pourquoi quand je mentionne les Américains, je pense à nous autant qu’à nos voisins du Sud. Chez ces voisins, le pourcentage d'adolescents obèses a doublé depuis la décennie 1970. La compagnie Southwest Airlines a mis le feu aux poudres en faisant payer le prix de deux sièges aux wide body fliers. ( 3) Les coûts de ces infirmités s'élèvent à 117 milliards de dollars par année en frais médicaux et en pertes de salaires. Et ce mal gagne peu à peu le reste du monde : la Chine, l'Arabie, le Mexique, la Micronésie. Dans certaines îles de la Micronésie, 85% des personnes âgées de plus de 45 ans sont obèses à force de se gaver de croupions de dinde, interdits aux États-Unis pour leur teneur en gras, mais aussi pour des raisons d’ordre génétique. (4)
On mesure la complexité et la profondeur de ce mal à la lumière de cette définition de la nourriture par Bernard Charbonneau: . «Se nourrir ou nourrir, écrit-il, n'est pas une simple fonction alimentaire, c'est un acte total: in-carner, c'est-à-dire édifier de la vie et de l'homme avec le matériau physique et spirituel de la terre. Un acte religieux, hautement significatif, dont dépend la suite: ceci, toutes les sociétés avant la nôtre l'ont reconnu d'instinct. Mal manger c'est mal vivre. Qui accepte de manger n'importe quoi n'importe comment fera et pensera n'importe quoi.»(5)
Cette définition m’invite à m'arrêter à une cause, parmi de nombreuses autres, de la malnutrition par excès : La perte d’autonomie, résultant de la disparition du savoir traditionnel au profit du savoir des experts.
On dit qu'un homme averti en vaut deux. La chose est littéralement vraie aux États-Unis où l’information sur la nutrition est pléthorique, où également les mises en garde contre le junk food se sont multipliées. Des milliers d'ouvrages ont traité de ces questions au cours des trente dernières années, parmi lesquels plusieurs best-sellers : Food for Nought ( Ross Hume Hall) ; Diet for a Small Planet (Frances Moore Lappé) ; Diet for a New America (John Robbins) ; New Diet Revolution (traduit en français chez Stanké en 1990 sous le titre de Se nourrir sans faire souffrir (Robert C. Atkins). Nous savons que ce que nous mangeons est du junk food et néanmoins nous en mangeons chaque jour davantage. « Entre 1990 et 2000, la consommation alimentaire moyenne a augmenté de 8 %, selon le ministère de l'Agriculture des États-Unis. Cette augmentation correspond à environ 63 kg de plus par personne et par année. Quand on apprend que le niveau d'activité physique n'a pas changé depuis 1990, il n'est pas surprenant que pendant la même période, le taux d'obésité ait augmenté de 61 %.» (6) Les personnes les mieux informées au monde sur les dangers du junk food sont aussi celles qui succombent le plus à ses attraits. Un seul mot convient parfaitement à un tel paradoxe : échec.
Si j’étais membre de la confrérie des experts en nutrition je prierais l’ensemble de mes collègues de s’imposer un silence d’au moins cinq ans. Je les inviterais ensuite à profiter de ce moratoire pour réfléchir sur la cause principale de leur échec. Certes, la publicité joue un rôle déterminant et c’est pourquoi l’on songe à adopter dans ce cas la même stratégie que dans la lutte contre le tabagisme : les poursuites judiciaires et les hausses de taxes sur le junk food . Ces deux questions ont occupé une place centrale lors du colloque de la North American Association for the Study of Obesity, qui s'est tenu à Québec en octobre 2001. C'est en Angleterre que les procédures ont commencé. Le procès connu sous le nom de McLibel aura été le plus long de toute l'histoire de la justice britannique. Il aura peut-être été celui qui aura fait le plus de tort à une entreprise, McDonald et aura le plus contribué à discréditer un mode de vie. Mais si la publicité est si efficace n’est-ce pas parce que rien ne s’oppose à elle, que devant elle il n’y a que du vide?
Ce vide, Ross Hume Hall, l’avait identifié il y a trente ans : c’est la perte d’autonomie consécutive à l’élimination du savoir traditionnel au profit du savoir des experts. Selon certains anthropologues, «les chasseurs-cueilleurs tiraient leur subsistance de 30 000 espèces; 3 000 de ces plantes sauvages auraient sans doute pu avoir un sort semblable à celui du blé ou du maïs : être domestiquées. Il nous est aujourd’hui impossible d’imaginer la somme d’observations, d’expériences sensorielles diverses, de jugements nécessaires pour distinguer les 30 000 espèces comestibles, les composer entre elles.» (7) S’inspirant de La pensée sauvage de Claude Levi-Strauss, Ross Hume Hall décrit l'attitude des peuples primitifs face à l'environnement. «Le Négritos, un Pygmée des Philippines (Aëta), a une connaissance inépuisable du royaume des plantes et des animaux autour de lui. Non seulement est-il en mesure de reconnaître un nombre phénoménal de plantes, d'oiseaux, d'animaux et d'insectes, mais il possède une connaissance précise de leurs habitudes et de leur comportement. Il peut distinguer par exemple les mœurs de 15 espèces de chauve-souris. « Plusieurs fois, écrit le biologiste R. B. Fox, j'ai vu un Négritos qui, lorsqu'il n'était pas sûr d'avoir bien identifié une plante, avait soin de goûter son fruit, de sentir ses feuilles, de briser sa tige pour bien l'examiner, de prendre note des caractéristiques de son habitat. C'est seulement après toutes ces précautions qu'il se prononçait sur son identité.»(8) La chose la plus importante ici n'est pas la quantité de connaissances acquises par le Négritos, mais le fait que pour l'acquisition, la mise à jour et l'application de ces connaissances, il dépend de son propre jugement, lequel s'appuie sur le témoignage de ses sens. Ce Négritos aurait été en droit de dire que dans son rapport avec l'environnement, en matière d'alimentation, il était autonome.
Les habitants des pays industrialisés d'aujourd'hui ne peuvent pas en dire autant. Aux États-Unis ou dans n’importe quel autre pays industrialisé, le Négritos n’a plus à assurer lui-même sa sécurité alimentaire. L’État, éclairé par la science et l’industrie, jugera en son nom de ce qui est bon pour lui et de ce qu’il peut manger sans crainte. Il n’aurait plus besoin de s’en remettre à ses sens et de toute façon, ses sens ne pourraient que le tromper puisque la saveur et la couleur des aliments sont généralement modifiées artificiellement. La langue anglaise a un mot, surrogate, dont l’équivalent français, «substitut», n’est pas aussi fort. Les grandes agences de l’État associées à l’industrie agroalimentaire et aux chercheurs des universités constituent un surrogate for the senses. C’est l’expression utilisée par Ross Hume Hall. Nous ne savons plus distinguer par nous-mêmes ce qui nous fait du mal et ce qui est bon pour nous. Nous dépendons d’un savoir hétéronome à la fois prolifique, instable et rempli de contradictions. D’où le doute, l’incertitude, l’inquiétude, l’angoisse parfois dans le rapport à la nourriture. D’où aussi une conscience toujours en alerte et un sentiment de culpabilité associé aux aliments placés sur la liste noir des experts : le sucre, le sel, le gras, les viandes rouges, la liste est longue. L’acte de manger comporte ainsi un stress qui s’ajoute à celui dont on est souvent atteint au moment de se mettre à table. Les psychiatres ont même identifié une maladie causée par cette culpabilité : l’orthorexie, caractérisée par l’obsession de la rectitude alimentaire.
Nous voilà partagés entre une autonomie atrophiée et une hétéronomie aliénante et inefficace. Disparition du savoir traditionnel et invasion d’un savoir d’experts qui ne peut le remplacer ! Voilà l’état de nos rapports avec la nourriture. Dans le cas des Micronésiens et de bien d’autres autochtones, partout dans le monde, le mal semble irrémédiable, la transition ayant été trop violente. C’est grâce à leur capacité d’emmagasiner la matière grasse que les Micronésiens ont survécu aux catastrophes écologiques dont leur histoire est ponctuée. On comprend qu’ils raffolent du gras. Il était rare jadis. Il est aujourd’hui offert en surabondance à des pêcheurs devenus sédentaires. Heureusement, dans de nombreuses cultures où la transition a été plus lente, la greffe du savoir scientifique sur le savoir traditionnel a mieux réussi.
Notes
1-A conversation with Miguel Altieri. http://www.alumni.berkeley.edu/Alumni/Cal_Monthly/June_2001/QA-_A_conversation_with_Miguel_Altieri.asp 2-Voir le site: http://www.flonnet.com/fl1720/17201070.htm <br />
3-.« America's Junk Food Debate Heats Up », U.S. News & World Report, World At Large, 7 janvier 2002). <br />
4-Atlantic Monthly Juin 2001 <br />
5-Bernard Charbonneau, Un festin de Tantale, Nourriture et société industrielle, Éditions du Sang de la Terre, Paris, 1997, p. 83. <br />
6-Article du New-York Times, repris dans La Presse du 3 août 2002. <br />
7-Gary Paul Nabham, Stephan L. Buchanann, in Nature’s Services, Gretchen C. Daily, Island Press, Washington, D.C. 1997, p. 133. <br />
8- Ross Hume Hall, Food for Nought, Vintage, New York 1976, p. 140. (Voir le dossier Humus de l’Encyclopédie : http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Humus) <br />
9-Voir le site Proteus: http://www.reseauproteus.net/therapies/nutritio/histoiredetripes.htm<br />
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Enjeux |
Novembre 2008. Nous vivons sous la menace de quatre crises simultanées et inter reliées: la crise alimentaire, la crise financière, le réchauffement climatique et le pic pétrolier. Nous sommes d'avis qu'il est vain de tenter de résoudre l'une de ces crises sans tenir compte des trois autres. En 2005, quand le mouvement Culture de transition a pris racine au Royaume Uni, Rob Hopkins, son iniateur, a pris le risque d'associer dans une même démarche la lutte contre le réchauffement climatique et les efforts pour réduire la consommation de pétrole. C'était un risque, que plusieurs de ses amis écologistes lui ont d'ailleurs reproché. On peut craindre en effet que l'accent mis sur la rareté du pétrole n'ait pour effet de légitimer la production d'éthanol à partir du maïs et d'accélérer par là le réchauffement climatique. Aux yeux de Rob Hopkins, de tels risques n'annulent pas les avantages d'associer les deux crises dans une même démarche.
Il faut à notre avis aller encore plus loin: associer la crise alimentaire et la crise financière aux deux autres. Comme nous l'avons déjà montré dans un article sur la crise des subprimes, l'événement déclencheur de la crise financière, il y a à l'origine de ces catastrophes en cascades, la réduction des maisons à de purs objets de spéculation et cette illusion, d'une insondable naïveté - à moins qu'il ne s'agisse du cynisme le plus abject - selon laquelle le prix des maisons ne pouvait qu'augmenter. La maison était ainsi détachée de ses fins, de son sens. La nourriture subissait le même sort au même moment. On l'a aussi détachée de ses fins, de son sens qui est de nourrir d'abord les êtres humains pour en faire un bien quelconque dont le prix pourrait s'accroître si on en diversifiait les usages. C'est bien ce qui s'est passé, pour le bonheur des grands exploitants agricoles brésiliens ou américains, mais pour le malheur des Africains.
Ce lien philosophique que j'établis ici entre la crise financière et la crise alimentaire, on peut l'étendre au réchauffement climatique et au pic pétrolier. Le pétrole est un bien extrêmement précieux que l'on détourne de ses fins et de son sens en l'utilisant pour propulser des voitures individuelles dix fois trop puissantes compte tenu du service qu'on leur demande. Et c'est la nature entière que nous privons de son sens quand nous déversons sur elle le poison résultant d'un usage inconsidéré du pétrole, comme celui qu'occasionnent les Grand Prix de Formule un.
Cet aspect philosophique commun aux quatre crises n'étant que l'un des nombreux liens qui existent entre elles, ce serait s'illusionner sur le résultat final que de prétendre pouvoir les isoler.
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Essentiel |
La nourriture et le sacré
Toute table est une table du sacrifice. J’ai fait moi-même l’expérience de tuer le cochon élevé sur notre ferme et destiné à notre table. C’est une expérience que tous les mangeurs de viande devraient vivre. Elle les convertirait au végétarisme ou les ramènerait au sacré. On est moins sensible à la mort des végétaux. Elle n’en est pas moins réelle. Tout ce qui est offert sur nos tables est la suite directe ou indirecte d’un sacrifice. À quoi il faut ajouter le travail de ceux qui ont cultivé les plantes, nourri les bêtes, préparé le repas. Nous appartenons à une tradition religieuse au centre de laquelle se trouve un repas qui fut aussi un sacrifice, la dernière Cène, un sacrifice divin qui marqua la fin des sacrifices humains et celle des sacrifices d’animaux, encore pratiqués dans le paganisme finissant. Ce paganisme avait laissé sa marque sur le christianisme. Le mot terre a deux sens : planète et sol. Les anciens Grecs avaient deux déesses distinctes pour l’une et l’autre, Gaia pour la planète et Déméter pour le sol et sa fertilité. Déméter est la déesse de la glèbe fertile ; un de ses surnoms est Karpophoros, « celle qui porte fruit ». Elle a fait don aux humains de l'agriculture : la diffusion de l'agriculture était considérée, en Grèce, comme le commencement de la civilisation. En outre, Déméter, en fondant les mystères d'Éleusis, avait permis aux initiés d’accéder à une voie vers l’immortalité. La graine meurt dans le sol pour ressusciter dans la plante. «Si le grain ne meurt», lit-on dans l’Évangile. En passant de la fertilité du sol à la productivité de l’agriculture, nous avons tourné le dos à Déméter et à toute la poésie sacrée qui entourait la nourriture. Mais en prenant ainsi la relève de Déméter, l’homme a pu nourrir un plus grand nombre de ses semblables. Vous connaissez la suite de cette histoire. Elle se poursuit aujourd’hui avec les OGM. Le sacré antique a disparu à jamais. Nous ne le vivrons plus. Pourrons-nous au moins freiner un mouvement qui semble accompagner ce progrès comme son ombre : la désacralisation, puis la déshumanisation, la réduction à l’état de machine de ces êtres humains à qui sont destinés les aliments industriels?
Nous avons malgré tout encore bien des raisons d’être optimistes. Derrière toute recherche de la qualité dans la nourriture et dans les rites de la table, il y a l’ébauche d’un mouvement vers le bien transcendant. Ce qu’avait déjà indiqué Brillat-Savarin dans le sous-titre de La physiologie du goût : Méditations de gastronomie transcendante. Derrière toute recherche de l’authenticité et de l’intégrité des aliments, derrière tous les efforts pour recréer un climat de confiance à leur endroit, derrière la réhabilitation du temps réservé au repas, du slow food, s’ébauche une résurrection du corps signe et de l’homme intégral. Bien des repas parfaitement profanes en apparence peuvent, si la table est belle, le menu bien ordonné et la compagnie amicale, être des occasions de s’élever. Nous sommes en permanence la proie de nos désirs, lesquels sont toujours contrariés par la réalité. Ce sont ces déchirements qui nous clouent à cette illusion que nous appelons le temps. Il est heureusement des situations où cette illusion se dissipe, dans l’amour, dans la contemplation des paysages, des oeuvres d’art, dans le travail même pour certains. Un repas peut être une situation de ce genre. Au milieu d’un bon repas, il y a un plateau où le temps est suspendu. C’est le moment où l’on n’est plus tenaillé par le désir de manger sans être encore la proie du désir de dormir ou de travailler. Moment de dialogue, d’intelligence, de paix : oasis. On voudrait faire durer cet instant... D’où, à la fin du repas, la succession de ces petits plaisirs dont le but n’est pas de sustenter mais de retarder l’obligation de quitter la table. Nous sommes alors, sans le savoir, à la table des dieux. |
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Aperçus divers |
Biocarburants et sécurité alimenaire | 2008: La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture, Rapport annuel de la FAO La flambée de la demande de matières premières agricoles pour la fabrication de biocarburants a contribué à une hausse des prix des denrées alimentaires, menaçant la sécurité alimentaire des acheteurs nets de denrées alimentaires les plus démunis des zones urbaines et rurales.Des filets de sécurité s’imposent de toute urgence
pour protéger les populations les plus démunies et les plus vulnérables et leur assurer un accès approprié aux denrées alimentaires
| Le nutritionnisme | «Pourquoi ne voit-on désormais dans le lait que du calcium, dans la sardine que des oméga-3 et dans la myrtille que des antioxydants ? C’est parce que nous sommes entrés dans l’ère du nutritionnisme, une idéologie dont Michael Pollan démonte ici un à un les fondements fallacieux : « La fonction de l’alimentation se cantonne à la santé » ou « Nous avons besoin de nutritionnistes pour nous dire ce qu’il faut manger » ou encore « Un aliment équivaut à la somme de ses constituants ». Le nutritionnisme, au lieu de nous éclairer, sème la confusion dans les esprits. Cette confusion sert les intérêts des experts eux-mêmes mais aussi ceux de l’industrie agroalimentaire, toujours prompte à inonder le marché de nouveaux produits « markétés » santé.
Pourtant, depuis que la tradition a cédé la place à la science et au marketing, nous ne sommes pas en meilleure santé. L’analyse de Pollan est décapante. La fréquence du diabète, des maladies cardiovasculaires et des cancers explose à tel point qu’aujourd’hui, la vocation première de la médecine est de conserver en vie ceux qui tombent malades à cause de l'alimentation industrielle.
L’excellente nouvelle c’est que les ravages du nutritionnisme et de l’industrie agroalimentaire sont réversibles. Il est possible de manger à nouveau de vrais aliments, en consommant intelligemment.
| Les crises indissociables selon Jared Diamond, auteur de Collapse | L'Amérique, juge aujourd'hui Jared Diamond, "n'a jamais été aussi troublée et en recherche d'elle-même". Les crises financières, économiques, sociales et écologiques auxquelles elle est confrontée vont l'obliger, pour les surmonter, "à réexaminer ses valeurs".
Or, poursuit-il avec malice: "Dans un monde de ressources finies, il n'y a que les imbéciles et les économistes pour continuer de croire en la croissance. Trop d'entre eux pensent que développement = croissance et consommation. Accroître la consommation des ressources dans les pays en développement, d'accord. Mais pas dans le monde entier. Parce qu'on est déjà à court de ressources, d'eau, de poissons..."
"La meilleure façon de persuader les Américains de réduire leur consommation est de doubler au moins le prix du pétrole, en tout cas suffisamment pour qu'ils achètent des voitures économes".
Face au changement climatique, certaines sociétés s'en tireront mieux que d'autres: Tuvalu, archipel à peine émergé un mètre au-dessus de la mer "n'est pas très bien équipé". La Nouvelle Guinée, parce qu'elle est restée jusqu'à très récemment en totale autarcie, est mieux armée.
L'Europe, les Etats-Unis? "Ils vont être mal".
Par le passé, rappelle-t-il, sous l'effet des changements de climat, des sociétés ont totalement sombré dans le nord du Groenland, ou partiellement disparu sur l'île de Pâques. D'autres se sont déplacées en abandonnant leurs terres et ont survécu, tels les Mayas frappés autour de 800 par la sécheresse.
"Mais en Islande ou dans le sud-ouest inhospitalier des Etats-Unis, les gens ont bien réussi à se fixer. Et ils y sont encore".
| La première crise socio écologique du capitalisme | Synthèses à la fin d'un colloque
Mr Jérôme GLEIZES, Professeur d'économie à l'Université de Paris XIII
La crise financière ne peut être abordée uniquement sous l'angle d'une nouvelle régulation financière, mais doit être abordée dans un contexte plus large, à savoir celui d'une crise écologique, qui nécessite la confection d'un "New Deal" pour la résoudre.
Stéphane ROZES, Professeur en Sciences Politiques
Dans l'imaginaire des Français, les logiques financières empêchent les citoyens de se projeter dans l'avenir. Il y a un processus d'intériorisation des contradictions des citoyens, entre leur prise de conscience des enjeux écologiques, qui en appellent à des modifications de leur mode de vie, et leur conduite. Il y a un clivage entre l'imaginaire et la réalité.
Alain Lipietz: Député européen - Conclusions
La crise financière actuelle témoigne de la crise du capitalisme libéral. Les solutions à cette crise sont donc anti-libérales. Parce que la crise financière n'est rien d'autre qu'une crise écologique, les solutions vont au-delà de l'amélioration de la régulation financière. Il faut repenser à un éco-modèle du développement.
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| Un film qui dit tout sur l'agriculture | Hélène Laberge | Monoculture, OGM, trichogramme, blé, maïs, agriculture biologique | La crise alimentaire est mondiale et les géants de l'industrie accélèrent la cadence des grandes monocultures intensives carburant au pétrole, (engrais, pesticides, machineries et transports)pourtant en partie responsable de cette crise. |
| | | Le réensoleillement de l'agriculture | Michael Pollan | Pétrole, gaz naturel, calorie | Résumé d'une Lettre au président désigné Barack Obama. Au hasard de nos lectures, nous découvrons parfois, rarement, tous les dix ou quinze ans, un article de tout premier ordre dont nous avons le sentiment qu'il marquera l'histoire. |
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