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Crise financière |
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Essentiel |
Une crise philosophique
Au Moyen Age, une crise comme celle des subprimes aurait donné lieu à une bulle pontificale, à une multitude d'admonestations dans les sermons, à des excommunications exemplaires et sans doute à l'érection de quelques bûchers. Le péché d'usure était alors l'un des plus sévèrement punis et l'argent obtenu autrement que par le travail, par des intérêts sur un prêt, par exemple, était considéré comme mal acquis. Les affaires étaient subordonnées à la théologie et intégrées à un système philosophique à la fois théorique et pratique présentant un haut degré de cohérence.
Sans doute faut-il se féliciter de ce que les affaires se soient émancipées de cette tutelle. Les historiens de l'économie n'ont pas manqué en tout cas de nous rappeler que le capitalisme a dû son essor à cette libération, dont la réforme protestante a été l'un des moments décisifs. La crise des subprimes nous rappelle toutefois fort à propos que la libération prend la forme inquiétante de l'irresponsabilité ou pire encore de l'impuissance devant une machine emballée. Et alors que pour mener la lutte contre le réchauffement climatique, il faut présumer que l'économie peut être subordonnée à des valeurs, nous avons sous les yeux le spectacle d'une économie à laquelle toutes les valeurs sont subordonnées.
À commencer par celle qui est la voie d'accès à toutes les autres , l'enracinement: dans une ville, dans une maison. Il existe encore en Europe, et sans doute en bien d'autres endroits dans le monde, des maisons occupées par la même lignée depuis quatre cents ans et plus. À Rome, la maison était un lieu sacré où l'on pratiquait le culte des ancêtres. Elle demeure le premier de ces objets inanimés à qui le poète Lamartine s'adressait en ces termes: « avez-vous donc une âme qui s'attache à la nôtre et la force d'aimer ? ». « Le langage est la maison de l'être, » a dit le philosophe Heidegger, ce qui donne la mesure de l'importance de ce lieu dans la formation de chaque être humain. Faire d'un tel lieu un objet interchangeable de spéculation n'est-il pas un acte barbare ?
Le rapport au temps est tout aussi perverti que le rapport à l'espace dans ce contexte. Le but n'est pas d'allonger le plus possible la durée de l'occupation de la maison, mais au contraire, de réduire le temps mis à tirer le maximum de profit de l'opération. Cette compression du temps est devenue à ce point banale - parce qu'elle est au cœur de la technique et de l'économie - que personne ne songe à s'en inquiéter même quand elle dénature des processus vitaux dont chacun sait que leur durée est incompressible.
Dans ce non-lieu et ce non-temps de la spéculation, il est bien difficile d'identifier des responsables. L'opération semble en effet avoir été planifiée de telle sorte que personne ne puisse être tenu responsable des pertes: ni les vendeurs d'hypothèques, ni les banques, ni les agences d'évaluation, ni les compagnies d'assurance.
Les mathématiciens ont un rôle important à jouer dans des opérations aussi complexes. On a en effet recours à eux pour évaluer la réduction des risques résultant de l'opération qui consiste à rassembler un grand nombre d'hypothèques dans un même ensemble. C'est ainsi qu'on a pu accuser les mathématiciens d'être les premiers responsables de la catastrophe. Après avoir reconnu que ses collègues avaient leur part de responsabilité dans la crise, la mathématicienne française Nicole El Karaoui, propose une autre explication: la formation d'une bulle. « Le bons sens disparaît. La vraie question est donc de savoir pourquoi on laisse des bulles se former. Quand on est à l'intérieur, il n'est pas facile d'en sortir, car on gagne beaucoup d'argent. Si on en sort trop tôt, on est sanctionné. Les bénéfices des banques depuis deux ans auraient dû servir d'alerte. C'était le signe d'un emballement. On ne gagne pas beaucoup d'argent sans prendre de gros risques. On s'étonne maintenant de grandes pertes. Il aurait fallu être plus vigilant sur les gains. Tout le monde a laissé faire. La crise est due au manque de régulation. Les Etats-Unis ont laissé se former cette bulle qui soutenait leur économie. Je ne peux pas croire qu'on ne savait pas qu'outre-Atlantique il y avait beaucoup trop d'argent investi dans les subprimes. Ces produits permettaient aux institutions financières de booster leur activité, à une période où les taux étaient très bas. Les agences de notation sont aussi en cause. On ne sait pas comment elles font leur rating. »Le Monde, 28 mars 2008.
Et pendant que chaque acteur parvenait à se disculper dans cette stratosphère abstraite, formaliste, qu'enseignait-on dans les facultés américaines de philosophie ? Une philosophie analytique tout aussi formaliste, où l'on apprend à faire des raisonnements logiquement impeccables parce protégés contre ces sources d'erreur que sont tous les rapports directs et immédiats avec le réel.
Rassemblez tous les sous-systèmes formels ainsi à l’œuvre dans le monde et vous aurez bientôt sous les yeux le grand responsable de la crise des subprimes: le Système, irresponsable par définition; le Système technicien qui n’obéit qu'à une loi, celle de l'efficacité croissante, de l'accélération de la vitesse d'exécution. Parmi tous les désirs humains, un seul est parfaitement compatible avec ce Système: celui de gagner le plus d'argent possible, en produisant le moins possible de biens réels, et avec le moins d'égards possible pour les millions d'être réels qui sont les cobayes involontaires.
Le jugement de valeur ayant été discrédité au cours de la mise en place du Système, on en est réduit à prétendre pouvoir enrayer le mal en cherchant les erreurs techniques, alors que la grande erreur est de s'en remettre au Système plutôt que de lui opposer la cohérence d'une pensée enracinée dans le réel.
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Aperçus divers |
Biocarburants et sécurité alimenaire | 2008: La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture, Rapport annuel de la FAO La flambée de la demande de matières premières agricoles pour la fabrication de biocarburants a contribué à une hausse des prix des denrées alimentaires, menaçant la sécurité alimentaire des acheteurs nets de denrées alimentaires les plus démunis des zones urbaines et rurales.Des filets de sécurité s’imposent de toute urgence
pour protéger les populations les plus démunies et les plus vulnérables et leur assurer un accès approprié aux denrées alimentaires
| Les crises indissociables selon Jared Diamond, auteur de Collapse | L'Amérique, juge aujourd'hui Jared Diamond, "n'a jamais été aussi troublée et en recherche d'elle-même". Les crises financières, économiques, sociales et écologiques auxquelles elle est confrontée vont l'obliger, pour les surmonter, "à réexaminer ses valeurs".
Or, poursuit-il avec malice: "Dans un monde de ressources finies, il n'y a que les imbéciles et les économistes pour continuer de croire en la croissance. Trop d'entre eux pensent que développement = croissance et consommation. Accroître la consommation des ressources dans les pays en développement, d'accord. Mais pas dans le monde entier. Parce qu'on est déjà à court de ressources, d'eau, de poissons..."
"La meilleure façon de persuader les Américains de réduire leur consommation est de doubler au moins le prix du pétrole, en tout cas suffisamment pour qu'ils achètent des voitures économes".
Face au changement climatique, certaines sociétés s'en tireront mieux que d'autres: Tuvalu, archipel à peine émergé un mètre au-dessus de la mer "n'est pas très bien équipé". La Nouvelle Guinée, parce qu'elle est restée jusqu'à très récemment en totale autarcie, est mieux armée.
L'Europe, les Etats-Unis? "Ils vont être mal".
Par le passé, rappelle-t-il, sous l'effet des changements de climat, des sociétés ont totalement sombré dans le nord du Groenland, ou partiellement disparu sur l'île de Pâques. D'autres se sont déplacées en abandonnant leurs terres et ont survécu, tels les Mayas frappés autour de 800 par la sécheresse.
"Mais en Islande ou dans le sud-ouest inhospitalier des Etats-Unis, les gens ont bien réussi à se fixer. Et ils y sont encore".
| La première crise socio écologique du capitalisme | Synthèses à la fin d'un colloque
Mr Jérôme GLEIZES, Professeur d'économie à l'Université de Paris XIII
La crise financière ne peut être abordée uniquement sous l'angle d'une nouvelle régulation financière, mais doit être abordée dans un contexte plus large, à savoir celui d'une crise écologique, qui nécessite la confection d'un "New Deal" pour la résoudre.
Stéphane ROZES, Professeur en Sciences Politiques
Dans l'imaginaire des Français, les logiques financières empêchent les citoyens de se projeter dans l'avenir. Il y a un processus d'intériorisation des contradictions des citoyens, entre leur prise de conscience des enjeux écologiques, qui en appellent à des modifications de leur mode de vie, et leur conduite. Il y a un clivage entre l'imaginaire et la réalité.
Alain Lipietz: Député européen - Conclusions
La crise financière actuelle témoigne de la crise du capitalisme libéral. Les solutions à cette crise sont donc anti-libérales. Parce que la crise financière n'est rien d'autre qu'une crise écologique, les solutions vont au-delà de l'amélioration de la régulation financière. Il faut repenser à un éco-modèle du développement.
| Distributisme | Le distributisme reprend les principes énoncés sous diverses appellations comme « créditisme » (au Canada) ou « économie distributive » (en France à partir de 1932).Nous avons adopté distributisme pour l'opposer au redistributisme.
Son programme tient en trois points :
1. Chiffrer la masse des produits et services disponibles avec de moins en moins de travail humain.
2. Diviser ce chiffre par le nombre d'usagers et donner à tous un revenu proportionnel aux richesses.
Chacun pourra les acheter au lieu de les regarder derrière les vitrines, interdites, soldées et finalement détruites
3. Renouveler les biens et services en fonction de l'évolution des usages et du respect de l'environnement.
La créativité et le travail ne sont plus astreints aux aléas du marché ni à la loi des banques. Les biens et services sont librement renouvelés en fonction des intérêts communs.
Le crédit dont les entreprises et les particuliers disposent est gagé sur des biens et services réels et non plus sur la valeur que ces biens et services ont sur le marché.
La valeur d'usage, en d'autres termes, prend le pas sur la valeur marchande.
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| 2009, année de la monnaie et de la solidarité locales? | Jacques Dufresne | spéculation, intérêt, pauvreté, emploi | Le 21 décembre dernier, la télévision de Radio Canada, après la BBC, présentait un reportage sur la Lewes Pound, la monnaie locale que vient d'adopter cette petite ville anglaise du Sussex. |
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