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Questions vives
Le bonus de l'anglais pour la Grande-Bretagne
La domination actuelle de l'anglais rapporte annuellement de 10 à 17 milliards d'Euros à la Grande-Bretagne, du fait des revenus tirés de l'enseignement de l'anglais sur son territoire, des économies de traduction et autres avantages produits par cette rente de situation. Ce bonus représente grosso modo 1 % du PIB du pays.

Document associé
Le français aux Nations Unies
Dossier: Diplomatie

Paul-Marie Couteaux
Écrivain, député du Parlement européen.
Présentation
Aux Nations-Unis, le français n'est pas seulement l'une des langues officielles, il est aussi l'une des langues de travail. Dans l'extrait qui suit, Paul-Marie Couteaux évoque la dimension politique de ce statut.

Extrait
«La querelle ne cessa jamais : en 1967, le gouvernement états-unien lançait une nouvelle offensive pour reléguer le coûteux français au rang de simple langue officielle, prétendant déduire de la contribution états-unienne, si la raison ne l'emportait pas, les frais de traduction de l'« autre langue de travail » - c'était une des figures de l'offensive que Washington engageait alors contre de Gaulle, et certain axe francophone récemment éclos sur un balcon de Montréal.»

Ouvrage paru en septembre 2006
Texte
«On sait que, en avril 1945, lors de la conférence de San Francisco créant l'Onu, les Etats-Unis proposèrent que l'anglais fût l'unique langue de travail et que, les ambassades américaines ayant rameuté nombre de pays asiatiques et... européens, ce ne fut qu'à une voix près, et grâce à une levée de boucliers venus in extremis d'Amérique du Sud et du Canada (mais aussi d'URSS), que le français fut déclaré langue de travail à parité avec l'anglais. L'année suivante, une résolution de l'Assemblée générale rappela le principe de stricte égalité (entre les deux langues de travail), principe renforcé dans les années 1960 par l'accession à l'indépendance de nombreux pays francophones. S'ensuivirent bien des escarmouches comme s'il était consubstantiel à l'organisation universelle que s'y affrontassent l'anglais et le français : dès 1961 René Etiemble les relatait dans ses premières charge contre le « babélien », citant ce délégué d'Haïti qui énumérait en 1952 devant l'Assemblée générale la liste de documents uniquement disponibles en anglais et se demandant « s'il ne s'agit pas d'un plan systématique pour saboter une langue qui pendant des siècles a été celle de la diplomatie ». La querelle ne cessa jamais : en 1967, le gouvernement états-unien lançait une nouvelle offensive pour reléguer le coûteux français au rang de simple langue officielle, prétendant déduire de la contribution états-unienne, si la raison ne l'emportait pas, les frais de traduction de l'« autre langue de travail » - c'était une des figures de l'offensive que Washington engageait alors contre de Gaulle, et certain axe francophone récemment éclos sur un balcon de Montréal... Non seulement l'offensive fut repoussée mais, le 21 décembre 1968, la France et les Etats africains firent voter une résolution imposant le bilinguisme à tous les fonctionnaires du secrétariat, d'où qu'ils vînssent.

Sur le français à l'Onu, la ténacité du ministère des Affaires étrangères fut constante au fil des gouvernements et des décennies - ne se relâchant que depuis peu. Paris marqua plusieurs points, soutenant par exemple les candidats au poste de Secrétaire général selon leur engagement en faveur du français. C'est ainsi par exemple que, peu après son élection, M. Javier Perez de Cuellar conforta l'application du principe de parité en exigeant que tous les fonctionnaires d'autorité du secrétariat et des commissions puissent maîtriser les deux langues de travail (note du 8 juillet 1983). Son successeur, M. Boutros Boutros-Ghali, élu en décembre 1991, fit de même : choisissant de prononcer la plupart de ses discours et messages en français, il recruta à son cabinet un French speachwriter (office de plume français) - c'est ainsi que je fus appelé auprès de lui. Peu après, le 11 avril 1992, il offrait, chose jamais vue, la grande salle de l'Assemblée générale à M. Bernard Pivot pour l'annuelle finale de sa « dictée », laquelle fut ce jour-là ouverte à 266 candidats venus de 108 pays. Plus de mille invités assistèrent à l'événement, presque tous citoyens américains ravis de fêter le français - illustration supplémentaire de l'émouvante francophilie d'une certaine élite new-yorkaise...

On n'imagine pas cependant l'agacement que semblables initiatives provoquèrent dans le camp anglophone. Le lendemain, ma secrétaire, bonne Française combattante, arriva au bureau rouge de colère : les ascenseurs étaient affublés de graffitis tels que « French is shit » (que par exception à ma règle je ne traduis pas); quelques jours plus tard, le chef du protocole, un Egyptien copte grand genre, « à la française », me raconta son terrible 11 avril, harcelé qu'il fut par divers émissaires lui intimant l'ordre de n'accorder nul égard aux notables Frenchies venus participer à l'émission. Quant à moi, je fus bientôt dans la ligne de mire : M. Boutros-Ghali ne put longtemps faire face aux récriminations de l'ambassadrice des Etats-Unis (alors la redoutable Madeleine Albright), qui exigeait que je fusse flanqué d'un alter ego anglophone afin que tout discours fût écrit pour moitié en anglais. Je fus ainsi affublé d'un collègue prétendant tout régenter, réduire la partie française au décalque de ses thèmes, et dus mener avec ce personnage, qui avait été speachwriter au Pentagone, une inlassable guerre de tranchées, de secrétaires, de bureaux (et de clefs !) pour préserver à tout le moins une parité que n'étaient décidés à admettre ni lui-même ni ses mandataires. Je perdis cependant la partie. Quand je dus quitter New York, ma secrétaire fut affectée à la garde d'un placard, et je reste persuadé que le zèle francophone de M. Boutros-Ghali entra pour beaucoup dans le veto que la même Madeleine Albright, devenue sur ces entrefaites esecrétaire d'Etat du président Clinton, opposa peu après à celui qu'elle nommait l'« aristocrate vieille France », veto sans précédent s'agissant de la reconduction d'un secrétaire général, et d'autant plus extraordinaire qu'il était soutenu par 14 des 15 membres du Conseil de sécurité. On sait que, éliminé au bénéfice d'un Ghanéen principalement anglophone, le grand Egyptien fut ensuite nommé, aimable pied de nez de Paris, secrétaire général de cette Francophonie dont on mesure mal, en France, la rage qu'elle inspire à la diplomatie américaine...»

Source: Être et parler français
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