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Étudiants francophones étrangers en France
Sur les 237 000 étudiants étrangers en France, 76 273 provenaient des États arabes et 41 430 de l'Afrique sub-saharienne, ce qui indique que la proportion des étudiants étrangers en France provenant de la francophonie se situe à 50% environ.

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François Hollande et la Francophonie
Dossier: France

Marc Chevrier
Texte publié le 28 août 2012.
Mis à jour le 24 septembre 2012.
Présentation
Le président François Hollande, qui s'est présenté aux Français depuis son élection comme un président normal, fera-t-il de la défense de la langue française une des missions normales de la diplomatie française? Dans son premier grand discours de politique étrangère devant le corps diplomatique français, le président Hollande s'est exprimé sur la place qu'occuperont cette mission et la Francophonie dans l'action internationale de la France.

Extrait
Il n'est donc pas clair que le discours de François Hollande marque un tournant de la politique francophone française. On peut y lire cependant des inflexions, des écarts avec la politique précédente du président Sarkozy, des éléments de continuité avec le gaullisme qui laissent à penser que peut-être, si le discours se double d'une action cohérente et soutenue, la défense de la langue et de la culture françaises redeviendra une des missions « normales » de la diplomatie française, dans un monde multipolaire dont l'Europe n'occupe plus le centre et où la France n'est plus le pôle démographique de la Francophonie.

Texte
Une fois l'an, le président de la République française convoque le corps diplomatique français au grand complet pour donner un discours sur les orientations de la politique étrangère française. C'est un moment solennel, où se déploie le faste du rite républicain, fort attendu d'ailleurs, qui rappelle à la nation entière que si la France a un ministre des Affaires étrangères, il n'en demeure pas moins que c'est le Président qui est le grand commandeur de la diplomatie, ainsi que l'avait voulu le général de Gaulle.

Le président François Hollande vient de se livrer à cet exercice coutumier, pour la première fois de sa présidence, le 27 août dernier, lors de la XXe conférence des ambassadeurs, tenue au Palais de l'Élysée. La Francophonie apparaît dans le discours du président comme l'un des fondements de l'action internationale de la France. Mais avant de relever les propos du président à ce sujet, éclairons-les de la place particulière qu'il assigne à la France dans le monde.

Voici ce qu'il en dit :

La France est un pont entre les nations, y compris les émergentes, entre le Nord et le Sud, entre l'Orient et l'Occident. Notre pays est un acteur et un médiateur du dialogue entre les civilisations.

C'est son indépendance qui la rend précieuse au monde.


La France est une puissance mondiale, nous sommes un des rares pays qui dispose encore d'un très large éventail d'actions, doté d'une capacité nucléaire, un pays constamment impliqué dans la vie internationale par sa responsabilité de membre permanent du Conseil de sécurité.  


En ces quelques phrases, le président Hollande se distancie de la vision atlantiste du président Sarkozy, aligné sur le rôle hégémonique des États-Unis et plutôt occidentaliste, et s'inscrit dans la continuité gaulliste. Ainsi, le France ne se contenterait plus d'être une bonne alliée des États-Unis dans la défense des valeurs occidentales mais, au nom de son indépendance et de sa propre vocation à incarner des valeurs universelles, elle se verrait faire le pont entre les civilisations et les continents. En insistant sur la possession de l'arme nucléaire qui la distingue d'entre les nations et lui confère des responsabilités plus lourdes, François Hollande reprend l'un des grands thèmes du gaullisme. En d'autres termes, si la France est objectivement une puissance intermédiaire, elle se projette encore en puissance mondiale.

Par ailleurs, François Hollande emprunte à Jacques Chirac l'idée d'un monde international multipolaire, par opposition à l'ancien monde bipolaire du temps de la guerre froide ou à la vision unipolaire hégémonique américaine. Il l'exprime en ces termes :

La France doit prendre davantage en compte l'émergence d'un monde multipolaire qu'elle a d'ailleurs tellement de fois réclamé. Les cinq pays composant ce que l'on appelle les BRIC, représentent 40% de la population du monde, plus de 30% du PIB. Raison de plus pour avoir les idées claires sur les rapports que nous comptons avoir avec ces nouvelles puissances. 

Le président fait de la Francophonie le dernier élément des fondements de sa politique étrangère.Voici ce qu'il en dit :

Enfin, lorsque j'évoque notre identité, lorsque je parle de nos valeurs, de notre place dans le monde, de notre attachement au droit, je n'oublie pas aussi l'atout de notre langue et de notre culture. La langue, c'est une manière de penser et aussi d'agir. C'est une bataille pour la pluralité et la diversité. C'est la raison qui explique la présence d'une ministre, madame Yamina BENGUIGUI, pour défendre la place du français à travers le monde. Je vous demande, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, dans votre action quotidienne, de ne jamais oublier que la promotion de la langue, de la création française, c'est l'affirmation d'une vision du monde qui fait place à toutes les cultures.

On ose penser, à lire ces lignes, que Claude Hagège, et tous ceux qui ont lié la défense du français à celle de la diversité des cultures et des visions du monde, n'ont pas écrit leurs livres en vain. Bien que Nicolas Sarkozy ait à l'occasion pris fait et cause pour le français au cours de sa présidence, celle-ci s'est déroulée sous le signe de l'anglomanie accélérée des élites françaises et d'un certain laxisme de l'État français et de ses corps à l'égard de la promotion de la langue de la République, sur son territoire et à l'étranger. Ces quelques mots de François Hollande annoncent-ils un revirement? Cela reste à voir, d'autant que dans ce passage, le président Hollande en appelle à la vigilance individuelle des ambassadeurs, sans annoncer le moindre plan ou projet précis qui traduirait en des engagements structurants l'importance que la France accorde au rayonnement de sa langue et de sa culture.

Le président Hollande précise néanmoins sa pensée au sujet de l'Afrique, où il veut «établir une nouvelle donne». La France a longtemps considéré l'Afrique francophone (la Françafrique), sur laquelle elle a exercé naguère une domination coloniale, comme sa chasse gardée, entretenant avec les élites africaines des liens privilégiés qui n'ont pas été exempts de corruption, d'influences douteuses, ni de clientélisme. Et la France fut souvent accusée d'appuyer des dirigeants autoritaires qui acceptaient en échange de veiller à ses intérêts. Or, l'influence française sur le continent français bat en retraite, la France devant y alléger sa présence, laisser les pays de son pré carré s'émanciper de sa tutelle de facto; de plus, la France n'est plus seule en Afrique; outre la Grande-Bretagne et les États-Unis qui y jouissent depuis longtemps de leur sphère d'influence, la Chine, l'Inde et d'autres puissances émergentes s'y pressent, l'Afrique étant riche en ressources inexploitées.  Voulant nouer avec l'Afrique des relations plus transparentes et respectueuses, le président Hollande note que le centre de gravité de la Francophonie se déplacera en Afrique au cours des décennies prochaines. Ainsi, l'Afrique est  :

 Un continent avec lequel nous avons une proximité historique, culturelle, linguistique exceptionnelle. En 2050, 80% des francophones seront Africains, 700 millions de femmes et d'hommes, chacun comprend ici l'enjeu.

Le président en profite pour lever l'incertitude entourant la participation de la France au prochain sommet de la Francophonie, qui doit avoir lieu à Kinshasa du 12 au 14 octobre 2012 en République démocratique du Congo. Voici comment il annonce sa participation :

Je me rendrai dans quelques semaines au Sommet de la Francophonie à Kinshasa. J'y réaffirmerai que la Francophonie, ce n'est pas simplement une langue en partage, c'est aussi une communauté de principes et d'idéaux, dont le rappel à chaque occasion est nécessaire, notamment en République démocratique du Congo. Mais pas seulement là. J'y rencontrerai nos positions politiques, les militants associatifs, la société civile, c'est le sens de la nouvelle politique africaine de la France. Tout dire partout et faire en sorte que ce qui soit dit soit fait. Cette politique sera clairement exposée.

Le président ne révèle rien de nouveau sur la Francophonie elle-même, en utilisant les formules d'usage, mais il est significatif qu'il veuille exposer les tenants et aboutissants de la nouvelle politique africaine de la France à Kinshasa où sévit encore l'instabilité politique. La participation du président Hollande à ce sommet est cependant loin de faire l'unanimité parmi les Congolais eux-mêmes.

Pays où l'on émigrait jadis peu, la France compte aujourd'hui une diaspora disséminée sur plusieurs continents; la piètre situation économique de la France pourrait accroître encore cette émigration. Le président dit vouloir rencontrer ces Français de l'extérieur dans ses déplacements et compter sur l'action des communautés françaises à l'étranger pour défendre la langue française. Les compatriotes français :

participent eux aussi à la diplomatie économique, à la défense de nos entreprises, à la promotion de nos produits et aussi à notre langue.
 
Enfin, la France possède, outre ses ambassades, un grand réseau culturel à l'étranger, menacé par les «efforts budgétaires» que la France devra consentir dans les prochaines années, alors que sa croissance économique demeure anémique et que le chômage vient de frôler la barre des trois millions de chômeurs en juillet 2012.  Le président demeure évasif sur le maintien tel quel de ce réseau, qui comporte plus d'une centaine d'établissements et d'antennes de l'Institut français. Il devra évoluer, dit-il :

La France dispose aussi d'un grand réseau culturel ; il nous faut le faire l à  (sic) encore évoluer, élargir le public touché mais en même temps, je suis particulièrement attentif à ce que ce réseau demeure.

Il n'est donc pas clair que le discours de François Hollande marque un tournant de la politique francophone française. On peut y lire cependant des inflexions, des écarts avec la politique précédente du président Sarkozy, des éléments de continuité avec le gaullisme qui laissent à penser que peut-être, si le discours se double d'une action cohérente et soutenue, la défense de la langue et de la culture françaises redeviendra une des missions «normales» de la diplomatie française, dans un monde multipolaire dont l'Europe n'occupe plus le centre et où la France n'est plus le foyer démographique de la Francophonie.

Pour comprendre la portée réelle des intentions de François Hollande à l'égard de la Francophonie, il est aussi utile de rappeler les engagements qu'il a pris lors de la campagne présidentielle. Ainsi, il a répondu par écrit à un ensemble de questions posées par le réseau des Maisons de la Francophonie, texte dans lequel il précise ses intentions. Il se dit ainsi favorable à la création d'une Fondation de la Francophonie pour l'économie et des Volontaires de la Francophonie, prêt à étudier les modalités de création d'un programme d'échange universitaire francophone calqué sur le modèle du programme Érasmus européen, prêt à étudier de même la faisabilité d'un Institut des Hautes Études Francophones, dont le siège ne serait pas nécessairement en France, d'accord avec l'idée d'instituer un mois de la Francophonie en France, disposé à demander au ministre de l'Éducation nationale d'inscrire un volet francophone dans les programmes scolaires. Enfin, sur le plan international, il veut «rappeler à Bruxelles que le Français est la deuxième langue officielle des institutions européennes» et veut faire respecter ce «règlement», comme mener le même type d'actions à l'égard de l'ONU et d'autres organisations internationales. De plus, il entend voir à la création d'un classement européen des universités qui fasse contrepoids au classement de Shanghai axé sur les publications en anglais. Ces engagements forment déjà en soi tout un programme. Comme le mandat du président Hollande est encore dans sa jeunesse, attendons de voir ce qu'il fera de ses promesses.

 

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