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Réchauffement climatique et refroidissement linguistique
Le français, langue de l'environnement? Rien n'est moins sûr. Pour l'heure, il n'a toujours pas droit de cité au sein des instances onusiennes travaillant sur le réchauffement climatique, qui viennent de déposer le 2 février 2007 un important rapport d'un groupe d'experts international sur l'évolution du climat, en anglais exclusivement, au coeur même de la capitale française où siège la Francophonie.

Document associé
C'est l'heure d'affirmer la fraternité française
Dossier: Francophonie

Jean-Marc Léger
Extrait
Il me paraît essentiel d’intégrer au nationalisme canadien-français cette notion de la plus grande France ou, si l’on veut, de la communauté spirituelle française. Car, au-delà de la conjoncture propre à chacun des groupes français, au-delà des conditions particulières selon lesquelles se poursuit le destin de chacun d’eux, il subsiste, patrimoine commun à tous, le fait de la civilisation française et de tout ce qu’elle implique, le fait de la présence française au monde.

Texte
Nous assistons ces années-ci, et surtout depuis quelques mois, à la manifestation de deux phénomènes qui soulignent la nécessité d’une réaffirmation de la communauté spirituelle entre les divers groupes français du monde.

D’une part, en effet, dans un monde qui ne se pense plus qu’en termes de «blocs» – pour notre commun malheur – il est assez naturel que les divers groupes français éprouvent le besoin de multiplier leurs relations, de se rassembler, d’édifier au-delà des grands ensembles politico-militaire, une communauté spirituelle véritable. Construction bien fragile et assez risible au regard des stratèges, mais qui a au moins le mérite d’offrir à l’humanité d’autres thèmes que ceux de «sécurité collective», «guerre préventive», «conflit atomique», etc… D’où ces nombreux organismes et mouvements, divers par les noms, différents souvent par les objectifs immédiats, mais au fond tous animés d’une même préoccupation essentielle : la redécouverte des chemins qui mènent à la fraternité française, des moyens réalistes et féconds de traduire celle-ci. «Québec-Wallonie», «Normandie-Canada», «Pays de Loire-Canada», «Jeunes France-Canada», «Accueil franco-canadien de Paris», la fondation, l’an dernier, d’une fédération des mouvements de rapprochement franco-canadien (dans l’ensemble France-Canada), la fondation, il y a quelques semaines de «l’Association internationale pour la Culture française à l’étranger», autant de gestes qui démontrent qu’en France, en Belgique, au Canada français, dans les autres pays où se trouvent des communautés françaises, le besoin d’un rapprochement, mieux d’un rassemblement, est vivement ressenti.

Le deuxième phénomène auquel, plus haut, je faisais allusion, consiste dans le courant d’immigration française qui commence à se faire sentir au Canada. Nous avons bien longtemps déploré l’absence de tout élément français parmi les immigrants qui venaient en notre pays, dénoncé cet état de choses : voici maintenant qu’ils commencent à arriver et qu’ils seront vraisemblablement de plus en plus nombreux. Or, rien n’assure que nous soyons vraiment prêts à les recevoir.

L’attitude des Canadiens français, et particulièrement de certains éléments nationalistes canadiens-français, à l’endroit des Français a toujours eu quelque chose d’assez complexe, voire de paradoxal. Disons-le tout net : alors que, surtout de ces milieux-là, on eût attendu une attitude exactement contraire, ils donnaient, ils donnent malheureusement parfois encore dans la francophobie. Il serait à la fois très triste mais fort intéressant d’entreprendre une étude approfondie des raisons du comportement de ces milieux à l’endroit des Français. Mais ce n’est pas là notre propos. Rappelons simplement que chez ceux des nôtres qui sont réellement francophobes – le petit nombre fort heureusement – deux facteurs surtout paraissent avoir joué : la conviction que «la vraie France» ne pouvait être que de droite, et donc le rejet de la France d’après 1789 et surtout d’après 1871, et le refus de tous ceux qui la représentaient à un titre ou à l’autre; ensuite la conscience d’une certaine infériorité intellectuelle devant plusieurs Français et le refus d’admettre cette infériorité, refus traduit par un raidissement à l’endroit de ces «maudits Français», dont l’on moquait même le mode d’expression et à qui l’on reprochait de n’être que de bas flagorneurs quand ils avaient émis à notre endroit uniquement des éloges, d’être dépourvus de «savoir-vivre» quand d’aventure ils se hasardaient à manifester leur esprit critique.

À côté de ces deux facteurs, il faut aussi déplorer cette habitude que l’on a chez-nous, et pas seulement dans les milieux dits populaires, de ridiculiser les gens qui s’efforcent de parler une langue élégante, et a fortiori, les Français. Durant un séjour d’une année en France, il m’est arrivé à plusieurs reprises d’être en compagnie de camarades canadiens-français chez qui la langue n’était pas le premier souci, loin de là. Jamais, cependant, je n’ai saisi chez les interlocuteurs français la moindre moquerie; un peu d’étonnement parfois tout au plus. Il faut malheureusement convenir qu’il n’en va pas de même chez nous. On me citait récemment le cas d’une fillette en butte à toutes sortes de moqueries et d’ennuis de la part de ses compagnes d’école, simplement parce que, Française, elle ne parlait pas le jargon qu’est trop souvent le langage de nos écoliers.

Là cependant n’est pas surtout ce que je voulais dire mais bien plutôt ceci. Il me paraît essentiel d’intégrer au nationalisme canadien-français cette notion de la plus grande France ou, si l’on veut, de la communauté spirituelle française. Car, au-delà de la conjoncture propre à chacun des groupes français, au-delà des conditions particulières selon lesquelles se poursuit le destin de chacun d’eux, il subsiste, patrimoine commun à tous, le fait de la civilisation française et de tout ce qu’elle implique, le fait de la présence française au monde.

Et sur ce plan, il importe de nous le rappeler, nous ne sommes plus quatre millions de Canadiens français isolés dans une masse anglo-saxonne mais nous faisons partie d’un vaste ensemble de plus de 60 millions d’hommes, tributaires de la pensée et de la langue française (et si nous ajoutons les populations des territoires sous influence ou sous domination française, c’est plus de 120 millions d’êtres humains que représente cette communauté). Dans cette perspective, la lutte – car si jamais il y eut lutte, c’est bien ici que le terme s’applique – que nous poursuivons depuis bientôt deux siècles retrouve tout son sens : non plus seulement effort d’un petit groupe pour affirmer ses caractères distinctifs, ce qui déjà serait admirable, mais inébranlable résolution de quatre millions d’hommes conscients de la valeur de la civilisation à laquelle ils communient, à maintenir sur ce continent une présence française vraiment rayonnante, pleinement vivante, à la faire s’épanouir dans leur intérêt propre, certes, mais également dans celui des groupes ethniques qui les entourent.

Il nous faut donc en quelque sorte repenser notre propre lutte nationale dans un cadre plus vaste, sur ce que j’appellerais le plan français international. La moindre victoire ici remportée sert la cause française, la cause de tous les Français au monde, comme sert la lutte menée de même façon par les Wallons ou par tout autre groupe français. Pour nous Canadiens français, il importe particulièrement que nous ressentions notre appartenance à une vaste communauté française et que nous nous rendions pleinement compte de ce fait que l’augmentation du prestige français dans le monde, sur quelque plan que ce soit, sert notre propre cause comme la compromet le moindre recul de ce même prestige. L’heure n’est plus aux dissensions de clocher.

Chaque groupe, chaque État français est libre de décider de son orientation propre, quitte pour chacun de nous à approuver ou à regretter intérieurement tel ou tel comportement. Mais devant l’urgence de la situation actuelle, ce qui compte infiniment plus que ces querelles, quelque justifiées qu’elles puissent apparaître, c’est l’impérieuse nécessité de réaffirmer la communauté de tous les peuples français, de redonner son sens plein, sur le plan culturel, et d’une façon plus générale, sur le plan spirituel, à la notion de la plus grande France, c’est-à-dire au rassemblement de tous les groupes français par le monde autour de la mère-patrie française. Et pourquoi ne pas envisager la constitution éventuelle d’une sorte d’assemblée internationale permanente où se retrouveraient des représentants dûment mandatés de tous les groupes français, ayant pour mission de coordonner les innombrables efforts poursuivis un peu partout au service de la présence française, du fait français dans son sens le plus large et le plus élevé ? Peut-être, la récente fondation à Paris de l’Association internationale pour le rayonnement de la culture française à l’étranger, sera-t-elle le premier pas dans cette voie.

Ici, en tout cas, et dans l’immédiat, nous avons le devoir de faire en sorte que tous les immigrants français trouvent au Canada une terre vraiment fraternelle. C’est pour une part dans ce but qu’était constitué «l’Accueil franco-Canadien» : ce jeune organisme entend être une vaste association de l’amitié française et invite à se joindre à lui tous ceux que préoccupe la cause du rapprochement des divers groupes français. Une permanence sera ouverte sous peu. (…) Le service du Canada français et celui de la grandeur française, de la plus grande France, constituent une même et indivisible cause.

Jean-Marc Léger, «C’est l’heure d’affirmer la fraternité française», L’Action nationale, vol. XXXVII, 1951, p. 87-92
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Sociétés / Groupes
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