AccueilIndex Articles Questions vives Livres Réseaugraphie Collaborer Guide Écrivez-nous
Notre Francophonie
Acteurs
Culture et éducation
Économie et écologie
Géographie
Grandes questions
Langue
Politique internationale
Sciences et techniques
Société

La Lettre de L'Agora
Abonnez-vous gratuitement à notre bulletin électronique.
>>>
Questions vives
Le français, langue des Caraïbes?
Dévasté par un terrible tremblement de terre en janvier 2010, ce pays peuplé des Caraïbes se relève peu à peu. Haïti a participé à la fondation des institutions de la francophonie dès la création de l'ACCT en 1969. Aujourd'hui, travaillant à sa reconstruction, Haïti entend jouer un rôle plus décisif dans la région des Caraïbes. Ainsi, son nouveau président, Michel Martelly, a demandé aux dirigeants des pays et territoires membres de la CARICOM réunis à Sainte-Lucie le 4 juillet 2012 d'adopter le français comme l'une des langues officielles de l'organisation. Créée en 1973, la CARICOM est une organisation régionale qui regroupe une quinzaine de pays et territoires des Caraïbes. L'anglais en est l'unique langue officielle, bien qu'avec ses 9 millions d'habitants, Haïti représente environ 56% de la population totale de la CARICOM. Les départements français de la Guadeloupe et de la Martinique ne sont pas membres de la CARICOM.

Document associé
Haïti: Après les sauveteurs, les sauveurs
Dossier: Haïti

Jacques Dufresne
Présentation
Et s'il était possible d'atténuer les effets d'un grand malheur en en faisant l'occasion d'un grand redressement!

Voir aussi, sur Haïti un article où nous invitons les principaux acteurs dans la reconstruction à tenir compte des besoins des personnes handicapées. De 10% de la population avant la catastrophe, leur nombre passera peut-être  à 15 % ou plus après.

Extrait

Il faut souhaiter que Danny Laferrière (Prix Médicis 2009) et ses homologues de la diaspora haïtienne aient un rôle significatif à jouer dans la reconstruction. Nous en sommes encore à l'étape des sauveteurs. Le monde industrialisé débarque en force à Haïti offrant le spectacle de la technologie et de son efficacité. Le choc culturel sera violent, si violent que certains même parmi les Haïtiens seront tentés de renoncer à leur négritude. Viendra ensuite, il faut l'espérer, l'étape des sauveurs, ceux dont la mission sera d'introduire un peu de sens, quelques fleurs ici et là dans la nécessaire efficacité.

Texte
H. H
Hibiscus

J'ai failli renoncer au mot reconstruction dans cet article,  parce que certains préconisent la fermeture du territoire haïtien et le retour de sa population en Afrique. Voici la déclaration du président du Sénégal, Abdoulaye Wade, à ce sujet: «Étant donné la multiplication de ces phénomènes nous devons, nous, africains imaginer autre chose. Je pense vraiment pour ma part qu’il faudrait évacuer cette île disons cette demi-île parce que Haïti partage l’île avec Saint Domingue. Le président Wade a ensuite offert aux Haïtiens l'hospitalité de son pays.

Ce scénario invraisemblable a au moins le mérite de soulever une question importante: quel serait le pourcentage des Haïtiens qui resteraient dans leur pays si on leur offrait un visa pour l'étranger ? Inondations dans une région, tremblements de terre dans une autre, la plus peuplée, on doit se demander en effet si ce pays est encore habitable. S'il faut exclure l'hypothèse de la malédiction, on ne peut nier le fait de la déforestation. Si demain une pluie diluvienne commençait à tomber sur le pays, les glissements de terrain aggraveraient sans doute le mal déjà fait par le séisme.

La culture sauvera Haïti, déclare néanmoins l'écrivain Danny Laferrière au journal Le Monde. Quelle culture, lui réplique-t-on, parfois sans aménité, tout en lui reprochant d'avoir quitté son pays au moment où il aurait eu le plus besoin de lui. J'estime au contraire que Danny Laferrière, écrivain québécois d'origine haïtienne, a fait les bons choix et je souhaite qu'il puisse jouer un rôle clé dans la reconstruction des régions sinistrées. J'ai entendu les commentaires de cet écrivain à cinq ou six reprises depuis le début de la catastrophe, ils m'ont toujours paru non seulement sages, mais inspirés, dictés par l'attachement le plus authentique à sa terre natale et je crois avoir bien compris ce qu'il entend par le «salut par la culture». Ce fut l'essentiel de sa réponse à un représentant d'Architecte Urgence qui venait de déclarer qu'il faudrait aller au plus pressé, semblant oublier que le malheur accroît le besoin de beauté plutôt que de l'étouffer. Certes, il faut d'abord procurer aux gens un toit résistant aux séismes, mais l'extraordinaire solidarité mondiale dont on est témoin en ce moment permet d'espérer, que même ce toit sera beau. C'est cela avant tout que Danny Laferrière entend par culture, cela et autre chose de plus fondamental encore. S'il est un moderne que certaines manifestations de la religion populaire indispose sans doute, sa culture est assez profonde pour englober le sens cosmique et métaphysique de son peuple. Sa parole est tonique parce qu'elle est chtonique. La chose est devenue manifeste quand il a évoqué à la radio les gens qui dormaient par terre autour de lui et dont le corps tremblait au rythme de la terre qui les portait.

Pendant qu'il tenait ces propos sur le sol haïtien et la terre, à Port-au-Prince, des centaines de ses compatriotes dansaient et chantaient dans la rue, remerciaient Dieu de les entourer de son amour. L'occasion était pourtant belle pour eux de reprocher à Dieu d'avoir créé une nature qui répand le malheur si injustement. JOB s'est plaint de son sort avant de s'y résigner, le Christ lui-même a reproché à son père de l'avoir abandonné. Les Haïtiens ne semblaient sensibles qu'à l'amour de Dieu comme si ce Dieu n'existait que pour adoucir le sort fait aux hommes par une nature qu'il a lui-même créée.

Danny Laferrière a aussi tenu des propos très réalistes sur la reconstruction. Il a par exemple évoqué le fait que des compagnies comme Halliburton y trouveraient leur compte, ce qui lui paraissait bien normal.

Il faut souhaiter que Danny Laferrière et ses homologues de la diaspora haïtienne ait un rôle significatif à jouer dans la reconstruction. Nous en sommes encore à l'étape des sauveteurs. Le monde industrialisé débarque en force à Haïti offrant le spectacle de la technologie et de son efficacité. Le choc culturel sera violent, si violent que certains même parmi les Haïtiens seront tentés de renoncer à leur négritude. Viendra ensuite, il faut l'espérer, l'étape des sauveurs, ceux dont la mission sera d'introduire un peu de sens, quelques fleurs ici et là dans la nécessaire efficacité. Étant donné les investissements considérables qu'il faudra faire de toute façon, pourquoi n'en profiterait-on pas pour relever le défi du reboisement ? S'il faut exclure la malédiction de l'interprétation des événements, il faut inclure l'incurie humaine. Déboiser le pays à l'excès est un acte suicidaire dans une culture encore si proche de la terre. On peut présumer que la force morale s'accroîtra dans ce peuple au rythme où ses arbres repousseront. Pour que la reconstruction soit durable à Port au Prince même, il faut qu'on reboise les collines des environs.

Pour expliquer que les ambassades américaine, française et canadienne aient tenu pendant que les édifices publics haïtiens s'effondraient, on a rappelé que les meilleurs ouvriers et techniciens haïtiens avaient émigré. Il faut aussi espérer que ce mouvement s'inverse, que les ouvriers et les techniciens de la diaspora viennent participer à la reconstruction en tant que formateurs. Danny Laferrière attache sans aucun doute la plus grande importance à cet autre aspect de la culture.

Source
Recherche
>

Genre de texte
Article
Secteur
Politique
Discipline
Philosophie
Autres textes de cet auteur
Fin de l'Europe unilingue anglaise?
Internet et les révolutions
Evgeny Morozov, Slacktivism, Révolution, Kierkegaard, Iran, Tunisie
Lettre à nos amis tunisiens
Bonheur, Révolution du jasmin, Marxisme, Simone Wei, Edgar Morin
La francophonie contre Google: le jugement contre la machine
Numérisation, Europe, France, Google, Jugement, Histoire, Encyclopédie
Villes en transition: un site pour la francophonie
Information, Médias, Masse, Peuple, Pouvoir local
Le Rwanda anglais, monsieur K et le complexe de Voltaire
Paul Kagame, Bernard Kouchner, Jean-Claude Guillebaud, anglomanie, États-Unis, France
2009, année de la monnaie et de la solidarité locales?
spéculation, intérêt, pauvreté, emploi
De la pré-vision à la pro-vision
Développement durable, Interface, backcasting, Pas à pas avec la nature, The Natural Step, TNS
La Francophonie, de Charles de Gaulle à Paul Desmarais
France Québec, politique, économie, pouvoir, puissance
Autres documents associéw au dossier Haïti
Haïti: Après les sauveteurs, les sauveurs
Jacques Dufresne
Laferrière (Danny), Reforestation, Reconstruction, Tremblement de terre
Haïti: le séisme espagnol
Marmontel
Fanatisne, scélératesse, cruauté, cupidité, stupidité