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Senghor et la Francophonie

Jacques Dufresne
Texte
«C’est un tel idéal mêlé d’un tel réel» (Hugo)


Faut-il redire ici l’importance de Léopold Senghor dans l’histoire de la Francophonie ? Elle fut le point de convergence de ses trois carrières : celles du penseur, du politique et du poète. C’est le poète qui, par son Anthologie de la poésie nègre et malgache, parue en 1948, sera l’un des premiers à rassembler les écrivains francophones vivant hors de France. S’il n’avait pas occupé une place centrale, en tant que penseur, dans le numéro de novembre 1962 de la revue Esprit,ce numéro aurait été privé d’une partie de son âme. Le politique fut de tous les rendez-vous importants qui balisèrent la route vers la Francophonie. Quand il n’était pas au premier plan, ce fut le cas à Niamey en 1970, il s’affairait avec Adbou Diouf aux traités qui allaient donner naissance à une nouvelle organisation, en l’occurrence l’ACCT, l’agence de coopération culturelle et technique.

Sa quatrième carrière, militaire — il combattit pour la France et passa deux ans en prison — lui donna la légitimité qui allait lui permettre, le jour venu, de réclamer l’indépendance de son pays sans être accusé d’être un ennemi de la République.

L’opposition de l’opinion publique française se manifesta davantage dans le cadre du débat sur l’aide économique aux anciennes colonies, dont le Sénégal, grâce à Senghor, reçut sa large part. La grogne dans la métropole prit la forme d’un mouvement qu’on appela le cartiérisme, en raison des articles retentissants que le journaliste Raymond Cartier consacra à cette question. Là sans doute se trouve l’une des causes principales de la méfiance que suscite encore la Francophonie en France.
Peut-on reprocher à Senghor d’avoir été calculateur, d’avoir utilisé la Francophonie avant tout pour attirer l’aide des pays riches de langue française vers sa région? «La musique, disait Leibniz, est une mathématique de l’âme qui compte sans savoir qu’elle compte. » On peut dire la même chose de la poésie de Senghor et de sa politique à l’endroit de la Francophonie. Elles furent une mathématique de l’âme qui calculait sans savoir qu’elle calculait.

On ne peut douter de l’authenticité et de la portée universelle de l’idéal que poursuivait Senghor en rassemblant les peuples les plus divers autour d’une langue qui n’était pas celle de son pays d’origine. Cet idéal, Senghor n’a pu que l’évoquer, n’ayant pas eu le loisir de préciser sa pensée autant qu’il l’aurait sans doute souhaité lui-même. Nous avons fait écho à cette évocation dans nos dossiers humanisme et universalité de même que dans notre document intitulé : Senghor : le penseur.

Au moment des indépendances, l’idéal marxiste paraissait réaliste, pratique, et il était présenté comme tel, ce qui faisait son attrait. L’idéal de Senghor, culturel, paraissait utopique. Le cours des choses, l’histoire, a éloigné le premier du réel et en a rapproché le second.

Si l’on veut imposer à l’économie une limite et une orientation nouvelle, il faudra bien que l’on parvienne à la subordonner à la culture. La crise écologique est aussi une crise du sens sous la double forme d’une rupture du lien avec la nature et la vie et celle d’une impuissance de la raison face aux crédos fondamentalistes. Coupée de l’élémentaire d’un côté, rejetée de l’autre par la foi fondamentaliste, la raison, au sens du logos des Grecs, est réduite à cette raison instrumentale qui nous maîtrise plus que nous la maîtrisons.

En s’appuyant à la fois sur Frobenius et sur Teilhard de Chardin, sans avoir pu démontrer la cohérence de ce double choix, Senghor courait le risque d’être relégué en tant que philosophe à la pensée naïve, à laquelle les auteurs sérieux ne daignent même pas s’opposer. Il n’en demeure pas moins qu’il pose les vraies questions et propose les vrais défis. Puisqu’il a invité les hommes à une recherche du sens qui suppose une résilience des sens, l’avenir ne pouvait que lui donner raison.

Pourquoi a-t-il choisi la langue et la culture françaises comme cadre pour opérer cette symbiose entre la sensibilité et la raison? Sans doute avait-il noté que dans cette France où l’on a eu le culte de la raison, on n’a jamais oublié que «l’insensibilité est mère des déraisons. »
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