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Questions vives
Fiannaland ou le repli identitaire au Liban
Pour Joseph O'Connor, l'écrivain irlandais, Fiannaland serait ce point de nos entrailles où la « maladie identitaire » fait le plus de ravages. « C'est un lieu », écrit-il, « où des événements arrivés il y a des siècles sont discutés avec l'âpreté corrosive d'une douleur toute récente.»

Document associé
L'Alliance française dans le Levant (document historique)
Dossier: Liban

M. Épitalon
Présentation
Intéressant témoignage d'époque publié initialement en 1906. L'expansion de la culture française au Proche-Orient.

Voici le texte de la présentation originale : «M. Épitalon, président du Comité de l'Alliance Française de Saint-Étienne, a été chargé par cette Société d'une mission d'inspection dans les écoles du Levant. À son retour, M. Épitalon a communiqué à M. Pierre Foncin, président de l'Alliance Française et qui est, on ne l'oublie pas ici, l'un des fondateurs de notre Société de géographie, un rapport très documenté et instructif, dont notre président honoraire, M. Marc Maurel, a bien voulu nous adresser pour le Bulletin les extraits ci-dessous».

Texte
En arrivant à Constantinople, on a le plaisir de constater que la haute société en général ainsi que le monde officiel ottoman parlent français dans les relations journalières de la vie. C'est aussi dans notre langue, enseignée officiellement dans les établissements scolaires de la Turquie depuis la guerre de Crimée, qu'ont été exprimées les idées échangées au cours des entretiens que j'ai eus avec des fonctionnaires indigènes, notamment à l'École des Arts et Métiers de Stamboul, chez le vali de Beyrouth et de Damas, chez le gouverneur de Jérusalem, au parquet du procureur général de la Cour d'appel des tribunaux mixtes du Caire et au palais d'Abdin chez S. A. le Khédive.

(...) Parmi les écoles qu'il m'a été donné de voir à Constantinople, je dois une mention spéciale aux deux institutions fondées et dirigées par Mmes Devaux et Schaffner et signaler leur succès, dû à la supériorité des études ainsi qu'à la perfection des méthodes employées. Le Collège de M. Jules Faure à Péra et l'Internat du même à Mola donnent l'enseignement laïque le plus perfectionné qui soit en Turquie et sont dignes d'être mis en parallèle pour l'instruction des garçons avec ceux de Mmes Devaux et Schaffner pour l'éducation des filles. Aussi ces quatre établissements reçoivent-ils ensemble de la République une subvention annuelle de 15,000 francs.

Les Frères des Écoles chrétiennes ont beaucoup fait dans l'empire du Sultan, pour le développement de l'enseignement primaire français et jouissent à juste titre d'une grande popularité aux yeux de tous. Leur maison mère de Saint-Pierre de Galata et plusieurs autres succursales disséminées dans différents quartiers de la ville instruisent de nombreux élèves.

Le Collège gréco-français du Taxim contribue, dans une large mesure à la diffusion de notre influence, grâce à ses 300 élèves qui en même temps qu'ils apprennent l'usage de notre langue, se pénètrent de nos idées et de notre civilisation.

Les cinquante écoles entretenues dans tout l'empire par l'Alliance israélite donnent à 11,000 élèves des deux sexes une instruction très française de langage et de tendances. Rien n'est intéressant comme une visite à une de ces écoles à Galata: l'enseignement n'y a aucun caractère confessionnel et les maîtres y propagent les idées les plus en rapport avec notre génie national.

Les Lazaristes, dans leurs deux Collèges apportent beaucoup d'ardeur à la propagande de notre prépondérance et la jeunesse, au sortir de leurs mains, devient à son tour un actif champion de nos intérêts moraux et matériels. Il en est de même des Augustins de l'Assomption qui, dans leur maison du Koum-Kapou, forment à l'amour de la France les enfants confiés à leurs soins.

Le Lycée officiel ottoman de Galata Seraï, organisé en 1868, sur les indications de M. Victor Duruy, compte plus de 1,000 élèves, la plupart musulmans, et mérite d'être cité tout particulièrement. Sept de ses professeurs sont détachés de l'Université de France, et le poste de sous-directeur, occupé pendant de nombreuses années par un Français, M. le vicomte d'Hollys, a été encore, à la mort de celui-ci, réservé à un de nos compatriotes, M. Feuillet, dont la nomination est une marque éclatante des sympathies de S. M. I. le Sultan pour notre pays.

L'enseignement professionnel désiré depuis longtemps par les habitants de Constantinople est actuellement représenté par les œuvres d'apprentissage de l'Alliance israélite et par l'École des Arts et Métiers du gouvernement turc.

Cette dernière située à Stamboul, est dirigée par un Français, entouré de l'estime générale, M. Léon Faure, ingénieur. Les ouvrages sortis de ses ateliers, et notamment les meubles, révèlent une grande habileté de main et une sérieuse étude de l'art indigène. Répondant aux vœux des familles, les Frères des Écoles chrétiennes se préparent de leur côté à ouvrir une école de même genre et c'est à cet effet qu'ils sont devenus, sur le versant de Galata, acquéreurs d'un terrain destiné à la même affectation.

Il existe parmi les membres de la colonie française et les étrangers soucieux de profiter des leçons de nos professeurs un mouvement tendant à la création d'établissements d'enseignement secondaire classique. Bien plus, les aspirants aux diplômes délivrés par nos Facultés, découragés sinon empêchés par les frais qu'entraînent toujours de longs et coûteux déplacements, souhaitent de tout leur cœur l'installation d'une Université Française à Constantinople. Ils espèrent que le gouvernement de la République ne dédaignera pas de leur donner satisfaction sur ce point et leur permettra de compléter leurs études jusqu'à leur parfait couronnement.

En me rendant en Syrie et pendant de courtes escales à Smyrne, j'ai visité le collège des Lazaristes et les écoles tenues par les Frères des Écoles chrétiennes, institutions qui conservent le bon renom de la France parmi la population cosmopolite de cette ville.

À Beyrouth et dans le Liban, l'enseignement français a pris un développement considérable, et atteint aujourd'hui jusqu'en ses moindres branches, un merveilleux épanouissement.

L'École des Dames de Nazareth, celle des sœurs de Saint-Vincent de Paul et le pensionnat des sœurs de Saint-Joseph de l'Apparition font l'éducation d'un très grand nombre de jeunes filles de toutes les conditions et de tous les cultes.

En 1904, les deux écoles laïques, dirigées, l'une par M. Olivier, et l'autre par M. Augier, recevaient un total de deux cent élèves; en 1905, lors de mon second voyage, l'école Olivier était fermée; celle de M. Augier comptait trente-cinq pensionnaires parmi lesquels des Persans venus poursuivre les cours de la Faculté de Médecine.

Les Capucins français, les Frères des Écoles chrétiennes les Lazarites, qui ont installé une École industrielle, les Écoles de l'Alliance israélite et le collège des Jésuites instruisent un grand nombre d'élèves, toutes ces maisons d'éducation offrent sans exception un magnifique spectacle de tolérance: sur les mêmes bancs s'asseyent le Druse, le Maronite, le Mahométan, l'Israélite et le Chrétien de tous les rites; les haines de race s'évanouissent, des préventions séculaires s'effacent ainsi pour faire place à des amitiés qui s'ébauchent alors sur ces mêmes bancs et souvent se demeurent fidèles dans le cours entier de la vie.

Instituée après la guerre de 1870, sur l'initiative de Gambetta, l'Université de Beyrouth, qui répondait à de sérieux besoins, n'a pas tardé à augmenter l'éclat qu'avaient déjà jeté dans tout l'Orient les œuvres françaises philanthropiques et religieuses fondées par nos compatriotes. Dirigée par les Pères Jésuites dont le chancelier actuel est le R. P. Cattin, elle groupe sous la chaire de ses savants une élite d'auditeurs. Par l'érudition et l'élévation de ses doctrines, comme par l'excellence de ses méthodes et de ses procédés, elle ne le cède en rien à sa rivale l'Université américaine. Chaque année des examinateurs français viennent par leur présence encourager et consacrer officiellement les efforts et le savoir de ses aspirants aux divers diplômes.

Aussi, malgré des efforts contraires, sa clientèle qui lui vient de tous les points de l'Orient lui demeure fermement attachée.

L'imprimerie annexée à l'Université édite sur la linguistique, l'archéologie et l'histoire orientale des ouvrages très estimés. Les publications arabes qui sortent de ses presses sont très goûtées dans le monde sémitique et les docteurs de l'Islam eux-mêmes viennent souvent y puiser pour accroître leurs trésors scientifiques et littéraires.

L'Université a obtenu du gouvernement ottoman le privilège de conférer des grades valables pour la profession de la médecine sur tout le territoire turc.

Dans le Liban, plusieurs localités possèdent de prospères établissements d'éducation également dirigés par des Français. Au premier rang, je dois citer le collège d'Antoura où quatre cents pensionnaires se préparent aux examens de nos divers baccalauréats. Je signale aussi les écoles fort bien tenues de Baabda, qui est la résidence de S. E. Mouzzafer Pacha, gouverneur chrétien du Liban, de Djoumé, et l'asile des sœurs de Zouk; partout les enfants sont élevés en français.

Les 6 et 7 mai 1905, avant de quitter les montagnes du Liban, sur une invitation de Mgr Elie-Pierre Oyek, patriarche d'Antioche et de tout l'Orient, je me suis rendu au palais de Bkerky: le patriarche et les évêques qui résident avec lui professent hautement les sentiments les plus chaleureux pour notre pays.

Ils n'oublient pas que les gouvernements qui, depuis Saint-Louis, se sont succédé en France, ont tous tenu à honneur de couvrir de leur protection la nation maronite dont ils sont les chefs. Ces prélats m'ont entouré des plus délicates attentions, témoignage de sympathie qui allait plus haut que ma personne et s'adressait surtout à l'Alliance française dont j'étais le représentant.

À l'ombre des ruines imposantes de l'ancienne Héliopolis, s'abritent l'école grecque-melchite de Bàalbek où l'on enseigne notre langue; .un peu plus loin, à l'orphelinat du P. Natter à Tanaïl, cinquante pensionnaires suivent des cours d'agriculture professés en français.

Damas, quoique capitale de la Syrie musulmane, s'est laissée pénétrer par la bienfaisante infiltration de notre civilisation; grâce à nos écoles, les préjugés contre les chrétiens ont perdu de leur acuité et on peut espérer que dans un avenir rapproché, ils seront remplacés par une confiance réciproque d'autant plus que la communauté d'intérêts hâtera la venue de cette entente si profitable à tous. Cinq établissements scolaires répandent l'instruction parmi les habitants de cette ville célèbre. Ce sont: le collège des Lazaristes, le pensionnat des Sœurs de St-Vincent de Paul, les écoles israélites pour filles et garçons, l'école grecque-melchite et l'ouvroir des Sœurs syriennes, où de jeunes enfants venus des campagnes voisines assistent régulièrement à des cours de langue française. Dans ces écoles, comme dans toutes celles que j'ai visitées, j'ai constaté avec plaisir que l'enseignement est donné conformément à nos programmes et suivant nos idées. Je n'oublierai jamais l'émotion que je ressentis, lorsque ayant franchi le seuil du collège grec-melchite et celui de l'école des Lazaristes, je fus reçu aux accents de la Marseillaise et j'entendis des centaines de jeunes gens, rangés autour du drapeau tricolore, acclamer la France et la République. Je sentis ainsi que j'étais là en terre française dans un asile inviolable conquis par la vaillance de nos instituteurs.

Jérusalem est entourée d'une triple auréole par la vénération des Juifs, des Chrétiens et des Musulmans, et tous, lorsqu'ils franchissent ses murailles, y trouvent des édifices et des vestiges qui entretiennent leur foi religieuse.

La générosité française, qui a ouvert dans la Ville Sainte des asiles à l'enfance, à la vieillesse et à toutes les souffrances humaines, a mis au rang de ses préoccupations la culture des intelligences et la formation des cœurs. Et elle manifeste sa sollicitude inépuisable en créant et alimentant de ses subsides, des maisons d'éducation et d'instruction égales, sinon supérieures, aux œuvres similaires fondées par les colonies étrangères. Grâce à cette libéralité, de nombreuses écoles, dont le Scholasticat de Bethléem et l'Institut Saint-Pierre exclusivement destinés aux enfants arabes, initient et rattachent aux mœurs de notre patrie les jeunes générations de la Cité de David, tandis que le séminaire melchite des l'ères Blancs forme des sujets qui, plus tard, dans les vilayets d'où ils viennent, à Alep, Mossoul, Bagdad, etc., aideront à la diffusion de la langue et des idées françaises.

Je dois mentionner aussi les deux écoles israélites dont l'une forme d'ingénieux et habiles artisans et où les maîtres font naître et développent dans l'âme de leurs élèves de vives sympathies pour la France en même temps qu'une grande admiration pour les chefs-d'œuvre de sa littérature.

L'Institut des Études bibliques dirigé par les Dominicains s'est attiré dans le monde savant une considération très grande et très méritée; sa bibliothèque, riche de précieux documents, est consultée avec fruit par des exégètes de tous les pays et de diverses religions. Le Prieur m'a dit toute sa reconnaissance pour l'appui et les encouragements qu'il devait à l'Alliance Française.

À Jaffa, les maisons des Frères des Écoles chrétiennes, des Sœurs de St-Joseph de l'Apparition et les écoles israélites complètent admirablement l'organisation classique qui fonctionne en Palestine.

Après avoir consacré quelques pages à nos écoles d'Égypte, grâce auxquelles, contrairement à ce que l'on croit souvent, la langue française défend ses positions et même fait des progrès, M. Épitalon continue en ces termes:

L'Œuvre de nos écoles, en Orient, est puissamment secondée par les établissements hospitaliers dus au zèle et à la charité française. Dans toutes les contrées que j'ai parcourues, ils donnent à notre influence un caractère pratique très propre à la servir aux yeux des populations indigènes et prouvent, une fois de plus, que notre nation reste toujours l'héroïne désintéressée de la justice et la bienfaitrice de l'humanité.

Mais les agents les plus utiles de notre influence en Orient sont, sans contredit, nos instituteurs, quelle que soit la forme et la couleur de leur habit. Ces soldats de la science, exempts de tout esprit de prosélytisme confessionnel, luttent victorieusement contre la rivalité sans cesse grandissante des nations jalouses des positions que nous conservons encore; et leurs écoles qui ont fait pousser dans ce sol des racines aussi vivaces que nombreuses sont autant d'œuvres patriotiques nourrissant de leur sève les affections pour la France.

À ce titre, ils ont droit aux encouragements de l'Alliance Française et, surtout, à l'appui de la République; à ce titre aussi, il est à désirer que, persévérant dans la voie où il est entré et répondant aux désirs de nos clients des bords de la Méditerranée, notre gouvernement ne se borne pas à prêter son aide aux institutions scolaires existantes, mais qu'il se hâte d'en accroître le nombre.

Source
Bulletin de la Société de géographie commerciale de Bordeaux. Bulletin, 2e série, 29e année, 1906, p. 355-361.
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