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Extrait de livre

L’ambivalence de la loi 22
Michel Plourde
Extrait
Les auteurs de la Loi 22 n’avaient pas compris ou voulu comprendre qu’il était impossible de satisfaire à la fois les anglophones et les francophones. Le gouvernement apprit, à ses dépens, qu’en matière de langue, on ne peut pas servir deux maîtres. La Loi 22 se situe en pleine ambivalence entre le passé et l’avenir, entre la Loi 63 et la Loi 101, entre les anglophones et les francophones.

Texte
À maints égards, la Loi 22 constituait un progrès et une première…

Sur presque tous les points, la Loi 22, adoptée le 31 juillet 1974, dépassait la Loi 63. Son champ d’application s’étendait à cinq grands secteurs : l’administration publique, les entreprises et les professions, le monde du travail, le monde des affaires et l’enseignement. Elle donnait à la Régie de la langue française des pouvoirs d’intervention et d’enquête. Elle renforçait les mesures incitatives reliées aux programmes de francisation des entreprises et prévoyait deux mesures coercitives au chapitre de la langue des affaires. Pour la première fois, l’État se donnait un rôle majeur dans l’aménagement linguistique du Québec et son intervention s’étendait à la plupart des domaines d’activités publiques où l’usage du français avait besoin d’être renforcé. Pour la première fois, le français était déclaré «la langue officielle du Québec».

Mais la Loi 22 portait à faux sur deux points : d’abord sur la langue d’enseignement, ensuite sur le statut réel du français au Québec. Le gouvernement avait en main tout ce qu’il fallait pour donner à la langue française une orientation décisive, mais il manqua de clairvoyance ou de courage.

Si le gouvernement comprit qu’il fallait aller à l’encontre de la Commission Gendron et abroger sans tarder la Loi 63, il sous-estima, lui aussi, l’urgence et l’importance de la question de la langue d’enseignement dans l’opinion francophone et évita de donner le coup de barre qu’il fallait, sans doute pour ménager la minorité anglophone. Au lieu d’indiquer aux immigrants, de façon claire et nette, le chemin de l’école française, il leur donna encore une chance de s’inscrire à l’école anglaise, à la condition de connaître suffisamment l’anglais. Cette «connaissance» de la langue d’enseignement donna lieu, on le devine, à de soudains engouements pour l’apprentissage instantané de l’anglais, ce qui fut loin d’enchanter les francophones… Et les «tests» du ministre, prévus à la Loi pour mesurer cette connaissance, mécontentèrent tous les groupes linguistiques ! Pour la deuxième fois en cinq ans, un gouvernement touchait au problème de la langue d’enseignement sans le régler.

La faiblesse générale de la Loi 22 tenait à son objectif même et au degré de volonté que devait y investir le gouvernement. Deux terrains d’ambivalence.

D’une part, le gouvernement reconnaissait le français comme «la langue officielle du Québec», ce qui n’est pas peu dire. Cet article premier était précédé d’un très beau préambule où il était dit que «la langue française constitue un patrimoine national», qu’elle «doit être omniprésente dans le monde des affaires» et que le gouvernement du Québec doit «tout mettre en œuvre pour en assurer la prééminence et pour en favoriser l’épanouissement et la qualité». Mais, au-delà des déclarations symboliques, on constate clairement, à la lecture des articles qui suivent, que le législateur consacre plutôt, dans la plupart des secteurs, non pas la «prééminence» de la langue française, mais la possibilité d’un bilinguisme de facto capable d’occulter le caractère officiel ou prioritaire du français. La Loi fait référence à des règlements qui peuvent permettre des dérogations à l’usage du français et, à maints endroits, le choix de la langue est laissé à l’individu (articles 10, 15, 41). Plus souvent qu’autrement, les textes et les documents de l’administration publique et des entreprises ont le droit d’être accompagnés d’une version anglaise (articles 8, 20, 24, 30), ce qui, à toutes fins pratiques, dispense d’apprendre le français et ne favorise guère sa diffusion. Ainsi l’objectif de départ, qui aurait pu rallier les francophones, s’effrite et s’affaiblit à la lecture de la Loi, si bien que finalement on constate un fossé entre le statut du français garanti par la Loi et celui auquel aspiraient un nombre sans cesse croissant de francophones gagnés à l’idée de l’unilinguisme.

D’autre part, la volonté politique du gouvernement dans cette affaire n’allait pas vraiment jusqu’à vouloir «tout mettre en œuvre», comme le prétendait le préambule, pour «assurer la prééminence» du français et garantir son statut de «langue officielle». La presse et les milieux anglophones s’opposaient violemment aux intentions de la Loi 22, qui touchaient aux privilèges d’une minorité influente, et la dissidence d’un groupe de députés libéraux suscita des craintes au sein du caucus face à l’électorat anglophone.

Les auteurs de la Loi 22 n’avaient pas compris ou voulu comprendre qu’il était impossible de satisfaire à la fois les anglophones et les francophones. Le gouvernement apprit, à ses dépens, qu’en matière de langue, on ne peut pas servir deux maîtres. La Loi 22 se situe en pleine ambivalence entre le passé et l’avenir, entre la Loi 63 et la Loi 101, entre les anglophones et les francophones. Elle se situe au seuil d’un projet de société, comme un espoir qui n’a pas été rempli. Toutes les conditions étaient réunies pour dire oui à un Québec français, mais la conviction fit défaut… La Loi 22 fut emportée dans la défaite électorale du Parti libéral…
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