Que ferons-nous lorsque 50 millions de personnes chercheront dès 2010 asile pour fuir des contrées devenues invivables à cause des dérèglements climatiques ? Et lorsque, d’ici la fin de ce siècle, 200 millions d’hommes, de femmes et d’enfants seront, pour les mêmes raisons, contraints à émigrer ?
C’est la question que posent les journalistes du collectif Argos dans les neuf reportages du livre Réfugiés Climatiques qui vient de paraître le 8 novembre dernier aux éditions Infolio.
Les textes serrés, évocateurs sont accompagnés de photos dont certaines sont extraordinaires. Belles, émouvantes, ces photos disent la diversité des cultures menacées, les enchantements, les ravages et les souillures d’une nature condamnée, l’incompréhension et la détresse dans laquelle commencent à se trouver ces populations dont la vie ne sera bientôt plus possible à cause de la destruction de leurs écosystèmes.
Elles montrent des communautés pauvres qui ne peuvent pas se protéger de la montée des océans, de la désertification ou des cyclones - contrairement aux pays riches qui pourront relativement se prémunir, au moins pendant un temps, et qui sont les principaux responsables du problème par leurs émissions de gaz à effet de serre passées, présentes et à venir. Les jeunes filles rient, les enfants courent, sur le versant de la digue une femme enveloppée de voiles bleus avance sous son parapluie, les villageois au nord de Pékin fuient sous les vents de sable vers la capitale où on porte des masques contre les vents du désert de Gobie balayé par les tempêtes. Où iront-ils ? Comment organiser leur déracinement fatal ?
« C’est clairement une question de droits de l’Homme » affirme le climatologue Jean Jouzel, vice président du Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC), qui vient d’obtenir le prix Nobel de la Paix avec Al Gore. Les changements climatiques dont il donne une explication très claire dans la préface appellent « l’urgence d’une concertation mondiale » et l’instauration d’ « une justice climatique » car ces populations seront contraintes de partir sans aucun espoir de retour.
Si nous ne modifions pas notre mode de vie « responsable des exodes décrits dans ce livre » comme nous dit Hubert Reeves dans l’avant propos, si nous ne mettons pas en œuvre un débat, à tous les niveaux, pour permettre à nos sociétés d’être solidaires et d’organiser l’accueil de ces damnés du climat, ils forceront nos frontières et nous entrerons tous, eux et nous, dans une violence dévastatrice.
S’il fallait ne lire et ne regarder qu’un seul livre pour saisir toute la réalité et les conséquences des changements climatiques, ce serait bien celui-là. Son prix élevé (39 Euros) ne le met pas à portée de toutes les bourses mais il devrait se trouver dans toutes les associations et toutes les bibliothèques publiques.
Catherine Reinaud
Réfugiés Climatiques »
Collectif ARGOS /Préfaces de Hubert Reeves et Jean Jouzel
Infolio éditions, prix 39 Euros
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