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Michel Tétu |
Biographie | Citations | Aperçus |
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Biographie en résumé |
Décès de Michel Tétu, à Québec le 11 janvier 2008. La Francophonie perd un de ses artisans. Voici le communiqué que l'AIEQ:
«C'est avec tristesse que nous avons appris le décès, le 11 janvier 2007, dans sa 70e année, de Monsieur Michel Tétu, professeur émérite à l'Université Laval. M. Tétu était membre de la Société Royale du Canada, membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer, fondateur du CIDEF, du CIRECCA, du CREIPAC, de L'Année francophone internationale, ancien secrétaire général adjoint de l'AUPELF, en plus d'être Chevalier de la Légion d'Honneur, officier de L'Ordre National du Mérite et président de l'Association canadienne de l'ONM, officier de l'Ordre de la Pléiade, et membre de l'Ordre des Francophones d'Amérique. Au nom de la présidente de l'AIÉQ, Mme Yannick Resch, de son directeur général, M. Robert Laliberté, mais également au nom des membres du conseil d'administration et des membres de l'AIÉQ qui ont connu et apprécié Michel Tétu, nous présentons à ses proches nos plus sincères sympathies.»
Parmi les fondateurs de seconde génération de la francophonie, Michel Tétu se sera distingué d'une façon particulière: en créant l'année francophone international, une revue annuelle de 400 pages qui fait le bilan des activités à l'intérieur de la francophonie, publie une liste à jour des associations, commente les événements, etc. La revue organise aussi un colloque tous les trois ans, dont les actes sont offerts sur le site de l'organisme en accès libre. |
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Vie et œuvre |
Parmi les fondateurs de seconde génération de la francophonie, Michel Tétu se sera distingué d'une façon particulière: en créant l'année francophone international, une revue annuelle de 400 pages qui fait le bilan des activités à l'intérieur de la francophonie, publie une liste à jour des associations, commente les événements, etc. La revue organise aussi un colloque tous les trois ans, dont les actes sont offerts sur le site de l'organisme en accès libre.
Miche Tétu est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages dont Francophonie, histoire, problématique et perspectives a été publié en août 1987, juste avant le second Sommet de la francophonie, celui de Québec. «Cet ouvrage, écrit Léopold Senghor dans la préface, n'omet aucun des aspects essentiels de la francophonie. [...] Je ne manquerai pas de l'avoir toujours dans ma bibliothèque.»
Jean-Marc Léger, qui a écrit l'avant-propos, Léopold Senghor et Michel Tétu ont exprimé avec force une même conviction: la francophonie ne doit pas se limiter aux institutions. «De politicienne, écrit Michel Tétu, la francophonie s'est spécialisée. Elle mobilise maintenant des «experts» au sein des associations et des réseaux. Mais le public n'est pas encore très conscient de ce qui se passe. La francophonie doit maintenant le rejoindre si elle veut être solide et bien enracinée.»
Jean-Marc Léger écrit de son côté: «Notre communauté francophone sera l'oeuvre des peuples ou elle ne sera pas.» Léopold Senghor fait écho à l'un et à l'autre: «C'est dans ce sens que Michel Tétu conclut en allant "de la francophonie des spécialistes à la francophonie populaire." C'est le vrai problème. Bien plus, pour prendre cet exemple précis, on met de plus en plus d'auteurs africains et antillais, d'auteurs ultra marins, dans les programmes des lycées et des universités. Je crois, cependant , qu'on ferait mieux pour commencer, de multiplier les fêtes populaires francophones: les festivals de musique, de chants et de danses, sans oublier les expositions d'art.»
Michel Tétu ne négligera pas la littérature pour autant. Sa contribution la plus originale à la francophonie, et peut-être sera-t-elle la plus marquante, aura été sa défense de la littérature francophone non hexagonale (c'est l'adjectif qu'il utilise). Il faut l'entendre en conférence dire des poèmes haïtiens ou malgaches en trouvant le ton, la prononciation et le rythme appropriés aux saveurs et aux couleurs de chaque terroir, en expliquant à l'auditeur encore sceptique le sens que peut avoir tel emprunt à un style suranné.
«L'écrivain noir francophone, écrit-il dans La Francophonie, marqué par son éducation humaniste, ou simplement par la tradition littéraire française, analyse, dissèque, s'essaye à quelques synthèses et va parfois jusqu'à célébrer son pays -non encore chanté en français- dans un néo-romantisme, qu'il croit un temps nécessaire à partir des modèles français des siècles passés qu'il a découvert à l'école:
" Glissant sur la pente lisse du ciel, la vapeur des nuages prenant les couleurs de l'indigo dans l'eau savonneuse. Bien loin, au-dessus des bois, une haute barrière flamboyante lançait des flèches de soufre dans le saignant vif de l'horizon."
Ainsi écrit, dans Ô pays, mon beau peuple (1957), le romancier cinéaste sénégalais Sembène Ousmane, qui n'a pourtant pas, comme Léopold Senghor, fait de longues études universitaires.»
Michel Tétu revient sur ce thème dans une conférence prononcée à l'Université d'Ottawa lors d'un colloque sur l'Université et la francophonie:
«Je prendrai deux exemples littéraires attestant de la nécessité de passer d'une vision occidentale unitaire à une «autre» vision, exemples tous deux suggérés par les célébrations qu'on vient de faire en 1998 du 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage.
Pour qui est nanti, qui ne connaît que rarement la faim, une expression d'homme rassasié résume la lassitude à trop appuyer sur une question, « il en fait tout un plat ». Pour qui, au contraire, a connu la famine, l'inculture et l'abêtissement de l'esclavage, les métaphores alimentaires sont de beaucoup les plus importantes et les plus appropriées à chanter la beauté de l'amour:
Marabout de mon coeur'
Marabout de mon coeur aux seins de mandarine,
tu m'es plus savoureux que crabe en aubergine.
Tu es un afiba dedans mon calalou,
le doumboeuil de mon pois, mon thé de z'herbes à clou.
Tu es le boeuf salé dont mon coeur est la couane.
L'acassan au sirop qui coule en ma gargane.
Tu es un plat fumant, diondion avec du riz,
des akras croustillants et des thazars bien frits.
Ma fringale d'amour te suit où que tu ailles;
ta fesse est un boumba chargé de victuailles.
Ce poème vieux de 70 ans est toujours chanté en Haïti : on comprend sa popularité quand on circule dans le Port-au-Prince d'aujourd'hui. La vision d'abondance de plats savoureux n'a guère d'effet sur un occidental repu qui trouvera un tel poème plutôt naïf et élémentaire. Pour un Haïtien, c'est une autre affaire!
Un autre poème, de Léon Gontran Damas celui-ci, a été jugé carrément par certains comme une ébauche de poème, mal écrit, simplet, alors que c'est un très beau texte. Il n'a rien à voir avec le rythme du violon de Verlaine. Mais quand on sait que le seul moyen de communication entre les esclaves était musical (on séparait toujours les locuteurs d'une même langue pour éviter qu'ils complotent), et leur seul instrument, le tam-tam, fait souvent de n'importe quoi, le poème prend une autre résonance (au sens propre du terme). Et si l'on réfléchit sur la naissance du créole, la préhension par les esclaves de quelques mots français, importants et souvent répétés, de même que quelques expressions empruntées du maître ou ressemblant à son discours, les connotations du poème prennent une tout autre importance:
Bientôt
Bientôt
je n'aurai pas que dansé
bientôt
je n'aurai pas que chanté
bientôt
je n'aurai pas que frotté
bientôt
je n'aurai pas que trempé
bientôt
je n'aurai pas que dansé
chanté
frotté
trempé
frotté
chanté
dansé
Bientôt
Aussi voit-on que l'enseignement de la francophonie, s'appuyant obligatoirement sur une recherche multidisciplinaire, n'est pas toujours facile, ni si évident qu'il paraît. Il faut des spécialistes à l'université, pour enseigner la francophonie. Son enseignement suppose une flexion profonde sur le monde moderne, sur les sociétés qui le composent et sur la langue française, son rôle passé, actuel et à venir. Les universités ont de moins en moins d'argent, dit-on. Mais tous les enseignements, ceux de la francophonie y compris, doivent être confiés à des spécialistes. Les limites de ce rapide exposé ne permettent de jeter que quelques jalons mais on aura compris. L'enseignement de la francophonie ne peut être confiné au rôle de la cerise sur le gâteau.
Ajoutons seulement, pour terminer, qu'il n'y a pas à craindre l'émiettement, l'éparpillement et la dilution de la langue française dans une multitude de langages. Les forces centripètes sont très fortes dans la francophonie, encore raisonneuse et centralisatrice malgré les apparences. On craint parfois qu'à trop vanter la diversité de la francophonie, on nuise à l'unité de la langue française et à la diffusion de la culture hexagonale. Penser ainsi est un penser d'arrière-garde. D'une part, on n'arrête pas le progrès ni le développement des sociétés jeunes de la francophonie qui s'affirment mieux quotidiennement. Mais, d'autre part, la puissance d'attraction de la France est telle qu'il n'y a pas à craindre pour elle si ses artistes et ses scientifiques sont de vrais créateurs. Elle reste incontournable dans la francophonie. Mais on ne peut plus considérer la francophonie comme l'ensemble des pays utilisant le français hors de France. La France n'est pas (voir Larousse 1970) au-dessus de la francophonie, elle est dans la francophonie.»
Source: L'Université et la francophonie, actes du colloque sur le même thème tenu à l'Université d'Ottawa du 5 au 7 novembre 1998. Ouvrage publié sous la direction de Michel Martiel par le Centre de recherche en civilisation canadienne française de l'Université d'Ottawa.
Curriculum vitae
Docteur ès lettres de l'Université Laval. Diplômé de l'Institut Social de Lyon.
Ancien directeur du département de français de l'Université Laurentienne de Sudbury (Ontario).
Ancien directeur du département de français, puis du département des littératures de l'Université Laval à Québec.
Premier Secrétaire général adjoint de l'AUPELF (Association des universités partiellement ou entièrement de langue française) de 1977 à 1982.
Ancien président du CIDEF (Conseil international des études françaises).
Ancien président du CIEF (Conseil international d'études francophones).
Président du CIRECCA (Centre international de recherches, d'échanges et de coopération de la Caraïbe et des Amériques).
Directeur général de l'Année francophone internationale.
Docteur ès lettres de l'Université Laval. Diplômé de l'Institut Social de Lyon.
Auteur d'une vingtaine d'ouvrages (dont plusieurs en collaboration), entre autres:
Le Guide Culturel: Civilisations et littératures d'expression française,Presses de l'Université Laval, Hachette, 1977.
La Francophonie: histoire, problématique et perspectives, Préface de Léopold Sédar Senghor; 1re édition Montréal, Guérin littérature, 1987;
2e édition Paris, Hachette, 1988;
3e édition Montréal, Guérin universitaire, 1992.
Guy Tirolien de Marie Galante à une poétique afro-antillaise, Paris, Éditions Caribéennes, 1990.
Directeur de plusieurs collections littéraires au Canada et en France.
Conférencier réputé, plus de 200 conférences et communications sur les 5 continents. Organisateur de réunions internationales à Sao Paulo, Rio de Janeiro, Bogota, Damas, Delhi, Lomé, Dakar, Abidjan, Varsovie, Lisbonne, Paris, Strasbourg, Djakarta, Haïti, Martinique, Guadeloupe,
Nouvelle-Calédonie... et bien sûr à Québec, dans le cadre de l'AUPELF, du CIDEF ou d'autres organisations internationales.
Rapporteur général du Colloque des 100 au 1er Sommet de la Francophonie à Paris.
Spécialiste de la francophonie, chroniqueur régulier à Radio-Canada.
Membre du Pen Club international et de plusieurs conseils d'administration.
Bénéficiaire de nombreuses bourses et récipiendaire de plusieurs distinctions :
Officier de l'Ordre national du mérite (France)
Chevalier de la Légion d'honneur
Chevalier de l'Ordre de la Pléiade
Chevalier de l'Ordre d'Henri IV
Courrier électronique: michel.tetu@lit.ulaval.ca |
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Aperçus divers |
Une définition de la francité par Senghor | Voir Haut Conseil de la Francophonie, Compte rendu des sessions 1 et 2,1985, p. 15. «La francité, c'est d'abord l'esprit français, tel qu'il apparaît encore dans la langue française. Il s'exprime, ici, par une logique élégante où n'apparaît rien de superflu, et par une clarté faite de nuance » (...)
«Pendant la première moitié du XXe siècle, note Michel Tétu, le terme francité parut plus apte à désigner les caractéristiques de ce qui était français : les caractéristiques linguistiques, culturelles, éventuellement «l'esprit français». Ce n'est que dans les années 1960 que le mot francophonie reparut sous la plume de linguistes et de quelques hommes politiques. Il s'imposa enfin lorsque le président de la République française, François Mitterrand, prit l'initiative de réunir à Paris le premier Sommet. »
| Définition de l'espace francophone par Michel Tétu | Tétu, Michel, Qu'est-ce que la francophonie ?, Hachette, Édicef, Paris 1997, p. 14.
«L'espace francophone représente une réalité non exclusivement géographique ni même linguistique, mais aussi culturelle; elle réunit tous ceux qui, de près ou de loin, éprouvent ou expriment une certaine appartenance à la langue française ou aux cultures francophones – qu'ils soient de souche slave, latine ou créole, par exemple. Cette dénomination d'espace francophone est la plus floue, mais aussi peut-être la plus féconde.»
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