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Plurilinguisme |
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Les dangers du plurilinguisme
par Philippe de Saint Robert
Session du Haut Conseil de la francophonie de février 2000
Il s'agit dans cette intervention de porter un regard lucide sur le plurilinguisme en montrant les dangers dont il faut le protéger : les confusions terminologiques ; l’absence de réflexion sur ses finalités et ses écueils ; la modicité des moyens mis en oeuvre pour le mettre en place. L’idée d’un plurilinguisme institutionnel qui permettrait aux citoyens plurilingues de se concentrer sur la maîtrise de leur langue principale et sur l’apprentissage de la pensée critique est avancée ici comme un moyen d’éviter les dangers que rencontre le plurilinguisme individuel.
Les confusions terminologiques
Ramené à l’échelle des individus, le plurilinguisme est la caractéristique humaine la plus universellement partagée, si l’on fait exception des citoyens des pays où l’unilinguisme militant a sévi. Je pense, par exemple, à certains États des États-Unis d’Amérique qui refusent aujourd’hui le bilinguisme anglais-espagnol, qui reflèterait les préférences linguistiques de la population qui vit dans ses États (ainsi que le relève Joshua Fishman dans son article « The new linguistic order » paru dans la revue Foreign Policy, No 113, hiver 1998-99, p. 38). On mesure là le décalage qui peut exister entre le plurilinguisme individuel, qu’il soit ou non reconnu par l’État, et le plurilinguisme institutionnel qui fixe la parité des langues. On mesure là aussi l’influence que le monolinguisme institutionnel peut avoir sur l'attitude et les aptitudes linguistiques d'un individu ou d'une collectivité.
Or le débat sur le plurilinguisme est sans cesse faussé par l'amalgame qui est fait entre ces deux notions, plurilinguisme individuel et plurilinguisme institutionnel, comme s'il était possible de promouvoir le plurilinguisme individuel en faisant l'impasse sur le plurilinguisme institutionnel, ou ramener le plurilinguisme individuel aux dimensions du plurilinguisme institutionnel. Un des dangers réels qui guette le plurilinguisme tient donc à cette ambiguïté.
Jamais pourtant on n'aura tant entendu ce vocable, accompagnés de plusieurs autres : bilinguisme, trilinguisme, multilinguisme, à mesure que l'anglais est proclamé lingua franca de la planète. C'est que ces mots sont porteurs d'espoirs même s'ils se fondent sur une illusion de taille : c'est la pluralité linguistique au niveau institutionnel qui légitime les espoirs et non le plurilinguisme individuel, aussi louable et appréciable soit-il, mais c'est pourtant le pluralisme individuel qui sera encouragé au détriment du plurilinguisme institutionnel. Qu'on en juge d'après les objectifs poursuivis par les partisans du plurilinguisme@ :
- sauvegarder la diversité des langues : Jacques Chirac, au Sommet de la francophonie qui se déroulait à Cotonou en 1995, a rappelé, par exemple, que "la langue étant l'expression d'un peuple, il fallait tout faire pour conserver les langues". Un tel objectif relève d'un plurilinguisme institutionnel mis en place au niveau international, et non uniquement de la promotion du plurilinguisme individuel ;
- préserver la vitalité des langues : l'idée souvent avancée est que la langue et la culture françaises ont dû leur développement exemplaire au fait qu'elles plongeaient leurs racines dans un ensemble de langues et de cultures diverses. Un plurilinguisme institutionnel visant au développement d'un réel plurilinguisme individuel serait un moyen de revigorer le français et de lui conserver sa place dans un monde qui demeurerait, ainsi, lui aussi, réellement plurilingue.
- faciliter l'apprentissage des langues : le plurilinguisme institutionnel favorisant le plurilinguisme individuel, l'acquisition d'une deuxième voire d'une troisième ou d'une quatrième langue renforcerait en particulier la maîtrise de sa langue principale.
- donner à la politique de la langue française sa dimension universelle : par sa politique du français, l'État se fait l'avocat de la notion de souveraineté linguistique à une ère d'internationalisation, porteuse des risques de nivellement des langues (corollaire d'uniformisation et d'appauvrissement), de disparition d'un grand nombre de langues (plus de cinq mille selon le linguiste Steven Pinker, auteur de L'instinct du langage, paru aux éditions Odile Jacob en 1999) et de conflits liés à ces déséquilibres. La notion de défense de la langue française est dès lors non seulement synonyme de protection de la richesse que représente, dans les relations internationales, le maintien du plurilinguisme et du pluriculturalisme, mais également synonyme de prévention des conflits par la défense sur la scène internationale de l'équité linguistique et du droit à la différence. La politique linguistique est un moyen, pour un pays ou un groupe de pays, de prendre ses distances à l'égard du nouvel ordre linguistique mondial issu de la seconde guerre mondiale - et, par la suite, de l'après-guerre froide -, porteur d'abus et d'inégalités. La souveraineté linguistique se veut également manifestation de la volonté de maîtriser les événements plutôt que de les laisser imposer en maîtres leurs conditions. Défendre la langue française, et partant le plurilinguisme institutionnel au niveau international, renoue avec une idée que l'on associe volontiers à la France, selon laquelle l'homme peut commander le sort des choses grâce aux attributs de l'intelligence et de la volonté.
Les espoirs suscités par le plurilinguisme sont en partie déçus en raison des conflits qui opposent les partisans se disant favorables à son essor et de l'absence de réflexion sur ses finalités et les modalités qu'il pourrait prendre.
Les conflits autour du plurilinguisme peuvent être regroupés autour des quatre axes suivants :
(1) La promotion du plurilinguisme individuel soulève, certes légitimement mais presque exclusivement, la question de l'enseignement des langues en France, qui privilégie abusivement l'apprentissage de l'anglais, au détriment des autres langues de communication internationale et surtout au détriment de l'idée d'un plurilinguisme européen fondé sur la réciprocité des échanges et inscrit dans les systèmes éducatifs nationaux, et ce en dépit des cris d'alarme lancés par des linguistes de bonne foi. Reste cependant quelque peu à l'arrière plan le débat autour des avantages et des inconvénients du plurilinguisme individuel dont on peut résumer ainsi les tenants et les aboutissants.
L'apprentissage d'une langue étrangère est une richesse, quand elle vient en complément de la propre langue de l'individu. Elle impose néanmoins une exigence au locuteur bilingue : pour être compris des deux communautés linguistiques, il faut que celui-ci ait la capacité de ne pas mélanger les langues ; or une telle capacité requiert un travail d'analyse critique et de compréhension. L'académicienne Jacqueline de Romilly plaide pour l'étude du latin et du grec "parce que l'on prend mieux conscience des structures de sa propre langue, que l'on mesure les parentés, les différences, qu'en cherchant le mot exact pour une traduction on développe son attention aux nuances de sens, qui sont aussi des nuances de pensée" [Lettre(s)de l'Association pour la sauvegarde et l'expansion de la langue française (ASSELAF), numéro 17, été 1996, p. 5.]
Le recours systématique à une langue étrangère peut être un outil de dépossession de soi-même : AQuand on s'exprime dans sa langue maternelle, on plie sa langue à sa pensée. Quand on s'exprime dans une langue étrangère, on plie sa pensée à la langue. (...) Beaucoup de publications de Français en anglais sont médiocres. On croit leur pensée médiocre. C'est un problème de langue" [réflexions du traductologue Daniel Moskowitz, cité par Gilbert Comte dans ALe français chassé des sciences@, 1980, p. 14].
Le symbole d'ouverture peut en effet se muer en instrument d'aliénation, car on ne forge pas une langue étrangère au gré de sa convenance et de ses besoins sans courir le risque de créer une variante de cette langue, qui ne serait pas comprise par la communauté linguistique dont cette langue est l'instrument. La babélisation de l'anglais parlé par les allophones est une réalité reconnue aujourd'hui en divers points du monde. C'est pourquoi il importe que la France, dans le cadre d'une politique de plurilinguisme institutionnel qui reste à définir et à mettre en oeuvre, insiste non pas sur l'exclusion de l'anglais mais sur son utilisation appropriée, pour casser l'habitude de son emploi systématique dès que l'on s'adresse à l'étranger ou à une organisation internationale et pour préserver la connaissance et la maîtrise du français chez le locuteur bilingue.
(2) La défense du plurilinguisme institutionnel est souvent liée en France à la promotion des langues régionales. Il y a une incompréhension quasi-totale entre les défenseurs du statut international de la langue française et les partisans de la reconnaissance des langues minoritaires ou minorisées en France. Pour ces derniers, la sauvegarde, au niveau planétaire, du pluralisme Amacroglottique@, doit être accompagnée de la reconnaissance des langues parlées sur le territoire français, si ce n'est subordonnée à elle et à l'étude des moyens nécessaires pour sauvegarder ainsi le pluralisme Amicroglottiquc@, éliminant toutes les autres disparités entre langues plus ou moins favorisées, qui subsistent encore au niveau national ou régional. Il s'agit là de la thèse du multilinguisme plus ou moins intégral, selon le nombre de langues régionales ou territoriales retenu.
Les défenseurs de la langue française adoptent un autre point de vue. Ainsi, au nom du CERCLE (Comité européen pour le respect des cultures et des langues en Europe), l'Association "Le Droit de comprendre" a lancé dans la presse quotidienne française un appel "pour une Europe humaniste, plurilingue et riche de sa diversité culturelle". Voulant mobiliser les esprits en faveur du plurilinguisme et contre l'anglais devenant "la langue unique", ce texte défendait toutes les langues, tous les patrimoines linguistiques et culturels. Mais dans l'esprit des signataires, la défense du pluralisme linguistique commence par la défense des langues nationales et par "une limitation à un nombre raisonnable des langues de travail". Le plurilinguisme n'est pas là pour eux un alibi pour privilégier le français, comme l'a écrit un spécialiste de l'Occitanie, Henri Jeanjean [cf. ALa politique de la défense de la langue française et ses contradictions@, Mots pluriels, no 8, octobre 1998], Aau détriment d'autres [langues] qu'ils considèrent sans doute comme inférieures@. Le plurilinguisme, qui n'est pas en l'espèce le multilinguisme, est au contraire à leurs yeux la meilleure sinon la seule défense du multilinguisme individuel et communautaire. Il s'agit bien de promouvoir le plurilinguisme institutionnel comme rempart face au monolinguisme mondial que favoriserait l'absence de passerelles entre les communautés locales, régionales et nationales, ou l'instauration d'une lingua franca planifiée (telle que l'espéranto) dont la généralisation au niveau mondial paraît aujourd'hui utopique.
(3) Lié au débat sur les langues régionales, le discours en faveur de la dissolution de la France dans un espace plus large où toutes les langues seraient reconnues est souvent entendu et a pour point de départ le constat erroné suivant : ALa France est le seul pays de l'Union européenne dont la Constitution consacre une langue officielle sans faire référence aux langues historiquement implantées sur son territoire.@ D'aucuns rappellent à l'appui que le Parlement de Strasbourg a adopté, le 13 mars 1996, le rapport Dury-Maij-Weggens sur la réforme des institutions. L'article 4.13 sur les minorités appelle à la reconnaissance de la diversité culturelle et linguistique et à la protection des minorités nationales traditionnelles et de leurs langues dans le cadre des droits de l'homme, de la démocratie, et de l'État de droit. L'Union européenne est ainsi perçue comme l'aboutissement des voeux des partisans des langues et cultures minoritaires.
C'est faire injustice à la France que d'ignorer son rôle dans la défense de la langue et de la culture en tant que dimensions essentielles des relations internationales. C'est en effet la France qui, dès les années soixante, a mis en garde contre une analyse des rapports de forces qui serait uniquement posée en termes économiques ou politiques. Le droit des peuples à conserver leur originalité tout en étant de plain-pied dans la modernité constitue, on le sait, depuis lors, une revendication légitime et riche d'avenir dans tous les points du globe. C'est aussi sur cet argument que se fonde la légitimité de l'Organisation internationale de la francophonie. La constitution d'une communauté multilingue sur le plan individuel mais ayant sur le plan institutionnel le français en partage, de même qu'un certain nombre d'autres langues de communication internationale, dont l'arabe et l'anglais, plaide en faveur de la reconnaissance du plurilinguisme institutionnel au niveau mondial comme facteur d'atténuation des inégalités qui affectent l'ordre des souverainetés. L'idée de construire une aire géopolitique d'entraide et de prospérité entre pays du Nord et pays du Sud rassemblés autour de la langue française renforce le sentiment qu'il est possible à un groupe important de nations de bâtir un avenir en commun sans recourir nécessairement, ou exclusivement, à la langue que l'on veut ériger en lingua franca des temps modernes.
(4) Le débat sur l'accès aux nouvelles technologies de l'information est aussi porteur de malentendus sur les finalités du plurilinguisme. Ainsi a-t-on pu entendre récemment que Ale plurilinguisme est le champ naturel de développement de l'Internet. La pratique de l'anglais régresse sur la Toile et se situe actuellement à un taux de 56 %. Il s'agit pour les francophones d'interconnecter le français avec les autres langues et, pour les Français de devenir un peuple traducteur@ [Assemblée nationale, Session ordinaire de 1999-2000 - 23ème jour de séance, 56ème séance, séance du mercredi 10 novembre 1999]. C'est sur cette dernière affirmation que je voudrais insister, car elle est, elle aussi, porteuse de malentendus. On voit que le débat en France reste centré sur le plurilinguisme individuel alors que c'est un plurilinguisme institutionnel qu'il faudrait consolider pour mettre en place des rapports équitables entre les nations, plurilinguisme institutionnel qui ne va pas sans une réflexion sur ses finalités et sans changements radicaux dans la politique linguistique de la France et des pays francophones.
Les finalités du plurilinguisme
Le plurilinguisme dans son acception large, le multilinguisme, est une tentative de réhabilitation de la dimension culturelle du développement. Il est un outil de démocratisation des relations internationales, et des relations intranationales, et constitue à ce titre une force mondiale, tant il est vrai que le débat sur la domination culturelle de l'Occident dans le monde ne pourra être tranché sans une participation offensive et positive au dialogue mondial de toutes les cultures dans toutes les langues, en tirant parti des possibilités offertes par les technologies nouvelles. Mais pour créer les courants d'échanges indispensables entre pays et valoriser les complémentarités il est nécessaire de revenir à une acception étroite du terme, et promouvoir un plurilinguisme institutionnel limité à plusieurs grandes langues de communication internationale pour éviter les dérives d'un monolinguisme raboteur.
Le plurilinguisme individuel doit être encouragé mais il ne doit pas servir à pallier les carences du plurilinguisme institutionnel. S'il est bon que tous les citoyens des pays du monde soient exposés dès leur jeune âge à une vaste gamme de sons et de graphies appartenant à différentes langues du monde et qui en font sa richesse, il est clair que l'État ne peut se contenter d'encourager ses citoyens à apprendre deux voire plusieurs langues. Savoir plusieurs langues ne garantit pas que l'on ait quelque chose à dire dans chacune d'entre elles, ni que l'on puisse l'énoncer clairement. La notion de langue pivot ou de langue principale est à préserver et à cultiver au même titre que la connaissance plus passive d'autres langues. Il n'existe pas de limites au multilinguisme pour le cerveau humain, qui peut parvenir à se débrouiller dans plusieurs dizaines de langues, mais la connaissance en profondeur d'une langue est nécessaire et elle exige un travail de distanciation. Les parfaits bilingues, et a fortiori les parfaits trilingues et les parfaits plurilingues, n'existent pas.
Le plurilinguisme individuel ne doit pas être créateur d'une société à plusieurs vitesses: d'un côté Ales riches en langues@ et de l'autre Ales pauvres en langues@, et entre les deux toute une gamme de semi-connaisseurs de deux ou de plusieurs langues. La politique en faveur du plurilinguisme, utile pour les futures élites, reste encore peu motivante au niveau des masses (au sein desquelles, même en Europe, le nombre des illettrés reste remarquable).
*Penser le plurilinguisme+ doit dès lors conduire à l'appréhender dans sa totalité : rappeler qu'il n'y a pas de démocratie sans réflexion sur le droit de communiquer dans la langue de son choix (ce qui se traduit par des droits et des devoirs tant au niveau individuel qu'au niveau institutionnel), développer des connaissances pour garder ses distances à l'égard des promesses du monolinguisme et du multilinguisme, mais aussi du plurilinguisme et du bilinguisme mal compris, et éviter ainsi d'être le jeu des intérêts et des idéologies. C'est aussi éviter la soumission totale à l'anglais. Or force est de constater que les francophones, et notamment les élites françaises, ne sont pas prêts à reconnaître pour telle l'illusion qui consiste à croire qu'il est possible d'endiguer l'anglais, sans contester son rang de lingua franca universelle : plus ils auront recours à l'anglais et délaisseront le français et les autres langues, plus la fonction instrumentale de la langue anglaise sera renforcée. Or c'est justement cette *fonction instrumentale+ qui est la cause de son succès et de la disparition concomitante des autres langues. Le bilinguisme anglais-français conduit au monolinguisme anglais. Le plurilinguisme institutionnel dans les échanges internationaux introduit de nouvelles règles du jeu et a un effet protecteur des langues.
Les modalités du plurilinguisme institutionnel
Une réflexion sur les modalités du plurilinguisme institutionnel peut partir de l'acquis. Le plurilinguisme institutionnel est déjà en vigueur dans les rapports entretenus par les nations au sein d'instances internationales, encore que des rapports plus égalitaires, visant à la parité complète des langues, demeurent un défi à relever en permanence dans les négociations multilatérales. Les instances internationales universelles, dont l'Organisation des Nations Unies, ont acquis une certaine expérience du pluralisme institutionnel. Les divisions des services de conférence de ces instances font appel à des professionnels des langues qualifiés pour traduire les documents et interpréter les séances en six langues : l'anglais, l'arabe, le chinois, l'espagnol, le français et le russe, ce qui assure une qualité certaine aux prestations et favorise indéniablement la communication internationale. Que l'idéologie du monolinguisme anglais ait une incidence sur l'amenuisement de la place des autres langues dans les instances internationales est un fait, mais ce fait n'est pas irréversible comme le montrent des progrès récents dans l'usage des langues autres que l'anglais au sein de ces instances, à mesure que deviennent évidents les méfaits de la mondialisation et de la pensée unique et que se mettent en place les mesures destinées à traduire dans les faits et les actes l'attachement de la communauté internationale au plurilinguisme institutionnel et sa volonté de le voir appliqué dans tous les aspects du travail des organisations internationales.
Pour la France, son engagement en faveur du plurilinguisme institutionnel dans les rapports internationaux devrait dès lors non pas transformer les Français en un peuple traducteur mais conduire à renforcer sur son territoire le statut de la traduction, discipline à part entière et, partant, le statut du traducteur, expert ou spécialiste des langues, ce que ne sont pas, tant s'en faut, les personnes connaissant deux ou plusieurs langues. L'engagement de la France en faveur du plurilinguisme devrait également avoir pour conséquence la multiplication des postes de traduction dans les secteurs économiques, scientifiques, techniques et juridiques de la société. La création en langue française serait d'autant mieux servie dans tous ces domaines que les créateurs seraient déchargés de l'obligation de se faire connaître à une ou plusieurs autres communautés linguistiques, obligation qui serait magistralement prise en charge par des spécialistes de la traduction et, partant, de l'adaptation d'un message à son public, et ne dépendrait pas d'amateurs.
L'engagement en faveur du plurilinguisme institutionnel de la France passe aussi par la formation de traducteurs dans un grand nombre de langues, y compris les langues régionales et les langues territoriales.
L'engagement en faveur du plurilinguisme institutionnel nécessite enfin des moyens favorisant la recherche en ingénierie linguistique et la mise en place d'outils au service de la traduction (banques de données terminologiques, mémoires de traduction organisées et revues et corrigées, systèmes de référençage au moyen de bibliothèques virtuelles performantes, et axées autour des besoins spécifiques de la traduction).
Le plurilinguisme institutionnel des organisations internationales et le multilinguisme, destiné à assurer la survie de tous les idiomes, ne pourraient que bénéficier des infrastructures qui seraient ainsi mises en place, pour autant que l'on veuille comprendre les enjeux véritables du plurilinguisme.
Les ambiguïtés et la complexité du débat sur le plurilinguisme, les nombreuses attentes qu'il suscite, et la modicité des moyens qui lui sont à présent alloués, sont autant d'indications des dangers dont il faudrait préserver le plurilinguisme, tant individuel qu'institutionnel. En effet le plurilinguisme individuel et le plurilinguisme institutionnel sont une réalité observée et acceptée sur le plan mondial, même si certains francophones tardent à s'en apercevoir. Cette réalité non seulement nécessite d'être réaffirmée et mieux connue mais exige une organisation des priorités et une cohérence et une constance dans les actions des gouvernements. |
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Aperçus divers |
Enseignement en langue étrangère | Weiss, Françoise, «L'enseignement bilingue dans le système éducatif libanais», dossier «Regards sur un pays... le Liban», lettre «Billet du Bilingue», no.33, janvier 2006 «L'originalité première du système éducatif libanais réside dans la généralisation du bilinguisme puisque l'enseignement en langue étrangère (soit le français, soit l'anglais) commence au niveau pré-scolaire, se décline ensuite dans les disciplines scientifiques dont aucune n'est dispensée en arabe (les pratiques de classe sont parfois différentes des textes de référence) et s'impose dans les cursus universitaires les plus réputés et recherchés par les élites locales.»
| Enseignement bilingue dans la Vallée d'Aoste | Giraudeau, François, «L'enseignement bilingue en Italie : le cas de la Vallée d'Aoste », dossier «Regards sur un pays... l'Italie», lettre «Billet du Bilingue», no.29, janvier 2005 «La Vallée d'Aoste, région autonome, bénéficie d'un statut spécial qui prévoit (art.38) que " la langue française et le langue italienne sont à parité " ; l'article suivant prescrit que, dans tous les établissements scolaires valdôtains : " un nombre d'heures égal à celui qui est consacré à l'enseignement de l'italien est réservé, chaque semaine, à l'enseignement du français. L'enseignement des quelques matières peut être dispensé en français". Il s'agit donc bien là de dispositifs institutionnels qui permettent l'instauration d'un bilinguisme à l'école et, par conséquent le soutien du français.
Toutefois, ce n'est que aux alentours des années 70 que l'on passe d'un enseignement du français à un enseignement en français»
| Hispanophonie et francophonie | Accord historique entre la francophonie et l'hispanophonie, 5 avril 2002. La source du document est le site Vox Latina. Il est reproduit sur le site du Mouvement estrien pour le français. «Le Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Monsieur Boutros Boutros-Ghali, et le Secrétaire général de l'Organisation des États Ibéros-américains pour l'éducation, la science et la culture (OÉI), Monsieur Francisco Piñón, ont procédé, ce vendredi 5 avril 2002 à Paris, à la signature d'un Accord-cadre de coopération qui confirme la volonté des deux organisations d'intensifier leurs relations et de contribuer à la réalisation effective des objectifs qu'elles ont en commun, notamment dans les domaines de la promotion de la culture de la paix et des droits de l'Homme, de la diversité culturelle et linguistique, du renforcement de la coopération entre les grandes aires linguistiques et culturelles, dans la défense du multilinguisme et en faveur de l'accès aux technologies de l'information et de la communication.»
| La pluralité | Farandjis, Stélio, «Francophonie, Europe, Estonie», Synergies Pays riverains de la Baltique, n°1, 2001 (Estonie : Actes du colloque sur le français, langue internationale, 14-15 septembre 2001, Tallinn (Estonie)) - format PDF. «Pluralité : j'accorde beaucoup d'importance au mot. Je préfère pluralité, pluralisme, plurilinguisme à multi. Le multi , c'est la diversité anarchique et brute. Le pluri, c'est la diversité voulue, admise, organisée et aménagée. Une pluralité qui s'insère dans l'unité, qui s'inscrit dans l'unité, une pluralité qui s'harmonise étroitement avec l'égalité.»
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Documentation |
Articles | Hagège, C., «Le plurilinguisme, éthique d'avenir», dans : Assises de l'enseignement du et en français. Actes des «Assises de l'enseignement du et en français», Hué (Vietnam), 19-21 octobre 1997
Agence universitaire de la Francophonie, 1998, 548 p. («Prospectives francophones»). On peut télécharger ce texte au format PDF. (publication sur internet) (1998) | Amin, S., «Le plurilinguisme, une exigence pour la mondialisation», dans : Assises de l'enseignement du et en français. Actes des «Assises de l'enseignement du et en français», Hué (Vietnam), 19-21 octobre 1997. Agence universitaire de la Francophonie, 1998, 548 p. («Prospectives francophones»). On peut télécharger ce texte au format PDF. (publication sur internet) (1998) | Antoine, Gérald, Plaidoyer pour le trilinguisme. Reproduit sur le site de l'Académie des sciences morales et politiques (format PDF). (diffusion sur internet) | Allocutions | Guillou, Michel, à propos de la Convention sur la diversité culturelle: «Mais c'est une demi-victoire, car il est permis de penser que ce texte ne permettra pas à la vingtaine de pays qui ont signé des accords commerciaux bilatéraux avec les Etats-Unis de remettre en cause les articles portant sur la culture. Washington exercera, par ailleurs, d'énormes pressions pour signer d'autres accords dans lesquels ils incluront la renonciation aux protections des industries culturelles nationales. Par ailleurs, la convention UNESCO n'a pas de valeur réellement contraignante en droit international, et n'a pas préséance sur les autres traités, notamment celui de l'OMC, avec lequel elle pourrait paraître en contradiction. On peut craindre aussi que l'absence d'organe de règlement des différends ne favorise à terme l'OMC.» Michel Guillou souligne aussi l'importance du plurilinguisme: mieux vaut pour une université offrir ses cours en trois langues, plutôt qu'en deux langues seulement, l'anglais étant presque toujours la seconde. Titre de la conférence: La francophonie dans la mondialisation. (diffusion sur internet) (2006) | Calvet, Louis-Jean, Language Wars : Language Policies and Globalization. Texte d'une conférence prononcée au Nanovic Institute, Université de Notre Dame (É.-U.), avril 2005 (format PDF) (diffusion sur internet) (2005) | Revues | Synergies Monde, no 1, année 2006 («Un Fil de Soie - Langue française, plurilinguisme et identités européennes»). Numéro coordonné par Sophie Lovy, Serge Borg, Yannick Rascouët et Denis Sorio. Premier Congrès européen de la Fédération internationale des professeurs de français, Vienne, novembre 2006. On peut lire en ligne ces communications au format PDF. (diffusion sur internet) (2006) | Synergies Italie, no 2, année 2005. Dossier : «Approches pédagogiques et instruments didactiques pour le plurilinguisme». Numéro coordonné par Serge Borg et Mehdi Drissi. On peut lire en ligne les articles du dossier au format PDF. (diffusion sur internet) (2005) |
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| | Réseaugraphie |
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Espaces linguistiques | Trois espaces linguistiques (3EL) | Site de la la coopération entre les espaces francophone, hispanophone et lusophone. Cinq organisations internationales sont impliquées, et 80 États et gouvernements représentant plus de 1,2 milliard de personnes sur les cinq continents. Cette coopération a été initiée, le 20 mars 2001, par l'organisation à Paris, à l'occasion de la Journée internationale de la Francophonie, de la première rencontre des trois espaces linguistiques. | Organisation des Etats ibéro-américains (OEI) | Regroupe les pays de langue espagnole et de langue portugaise. | Union latine | | Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) | | Éducation | Association de didactique du français langue étrangère (ASDIFLE) | Créée au milieu des années 1980, l'ASDIFLE vise à «rassembler ceux qui, en France et hors de France, s'intéressent à la didactique du français langue étrangère, domaine d'activités en pleine mutation et pour faire reconnaître la didactique du français langue étrangère dans sa spécificité scientifique. Elle veut être un lieu privilégié de rencontres entre enseignants, chercheurs, institutions publiques et privées et qui s'ouvre de plus en plus largement à la didactique des langues et à la problématique des politiques linguistiques.» (extrait du site) | Forum de discussion | Forum permanent sur le pluralisme culturel (PlanetAgora) | «Inventer les moyens de maîtriser la mondialisation culturelle, tel est l'objectif du Forum sur le pluralisme culturel. A travers des discussions entre toutes les parties concernées : pouvoirs publics, acteurs civiques et sociaux, entreprises, experts. Pour définir les enjeux en cause, concilier les divers points de vue, et élaborer en commun des propositions réalistes qui permettront de relever les défis identifiés. Pour faire du pluralisme culturel le choix politique qui permettra de conjuguer nos différences.» | Médias | Année francophone internationale | Actes du Colloque Francophonie au pluriel tenu à Paris en mai 2001 à l'occasion de la célébration du dixième anniversaire de L'Année francophone internationale. Le programme est divisé en trois axes: "Quelle francophonie? Quelle diversité culturelle? Quelle information dans l'espace francophone?"
On a exprimé le souhait que l'institution de la Francophonie se recentre sur ses origines (les fondateurs de l'ACCT portaient cet élan de coopération) et consolide les liens avec les personnes, tant dans ses actions pour assainir les relations Nord-Sud, que dans son ouverture à toutes les minorités. | ONG | Linguapax | ONG située à Barcelone. En 2001, à la suite d'une série de conférences organisées par l'UNESCO, Linguapax a été fondé dans le but de promouvoir la diversité linguistique dans les relations internationales et dans l'éducation, notamment en encourageant la recherche en politique linguistique.
On trouvera sur leur site des articles et des actes de séminaires et de conférences, de même que des ressources pour l'enseignement plurilingue. | Organismes internationaux | Fédération européenne des institutions linguistiques nationales | La Fédération européenne des institutions linguistiques nationales, qui existe depuis 2003, «(...) regroupe des institutions intervenant dans la recherche, la documentation et la mise en œuvre des politiques relatives aux langues officielles des Etats membres de l'Union européenne (...)» Les objectifs qu'elle poursuit sont : «la collecte et l'échange d'informations sur les langues officielles de l'Union européenne; l'expertise sur la politique linguistique de l'Union européenne; la préservation de la diversité linguistique au sein de l'Europe; la promotion de l'apprentissage des langues au sein des Etats membres de l'Union.» L'institution membre qui représente la France est la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF). On trouve notamment sur le site des informations précises sur les législations linguistiques des pays membres de l'UE. | Diversité culturelle et linguistique dans l'éducation (Unesco) | Un site de référence sur la diversité linguistique dans le monde, dans un contexte éducatif. Cet extrait résume l'approche véhiculée par l'Unesco sur la question : "Le nombre de langues parlées dans le monde aujourd’hui a été estimé de différentes façons à entre 6 000 et 7 000. L’Atlas des langues en péril dans le monde, de l’UNESCO, a prévu qu’au moins la moitié d’entre elles pourraient disparaître dans les années à venir. Respecter les langues de ceux qui appartiennent à d’autres communautés linguistiques, à travers l’enseignement initial dans la langue maternelle, l’encouragement au pluralisme et à l’éducation interculturelle, bilingue ou multilingue, l’accès à d’autres systèmes de valeurs, et le partage de connaissances à travers de telles frontières, est donc essentiel à une coexistence pacifique au 21ème siècle." (extrait du site)
| Sites gouvernementaux | Délégation générale à la langue française | «La délégation générale à la langue française et aux langues de France élabore la politique linguistique du Gouvernement en liaison avec les autres départements ministériels.
Organe de réflexion, d'évaluation et d'action, elle anime et coordonne l'action des pouvoirs publics pour la promotion et l'emploi du français et veille à favoriser son utilisation comme langue de communication internationale. Elle s'efforce de valoriser les langues de France et de développer le plurilinguisme. » | | Association culturelle internationale francophone pour le plurilinguisme dans les organisations internationales (ACIF) | Créée à Genève en novembre 1994, cette association a pour but :
* «de resserrer les liens entre les personnes qui, dans les milieux internationaux, pratiquent la langue française ou s'y intéressent;
* de contribuer à une meilleure connaissance des cultures francophones;
* de promouvoir le plurilinguisme au sein des organisations internationales (intergouvernementales et non gouvernementales).» (site de l'association) |
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